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Plan des habitants de Charlevoix

2. LE GOUVERNEMENT DU BAS-CANADA ET LES TERRES DE LA COURONNE

2.4 L ES DIFFÉRENTS PLANS DE COLONISATION PROPOSÉS

2.4.3 Plan des habitants de Charlevoix

Étant peu intéressés par les terres de leur arrière-pays immédiat, les gens de Charlevoix optent plutôt pour un établissement sur de nouvelles terres que l’on dit être parmi les meilleures du Bas-Canada, celles du Saguenay221. Profitant de l’intérêt du gouvernement colonial pour les terres de la couronne, les habitants de Murray Bay et de Mount Murray déposent, le 4 avril 1829, une pétition demandant l’ouverture des postes du roi à la colonisation222. Ses 245 signataires demandent la priorité au gouvernement dans le cas de l’ouverture des terres du Saguenay à la

220 Ibid., p. 88.

221 Plus particulièrement, selon le rapport des explorations du Saguenay et du lac Saint-Jean qui ont eu lieu l’année précédente.

colonisation. À ce sujet, il est écrit dans la pétition : « Qu’étant les plus à proximité des dits Postes, nous pourrions les établir plus facilement et plus promptement que des personnes éloignées d’iceux223. »

Chaque signature est accompagnée du nombre de lots que le pétitionnaire veut acheter224. Pour toute réponse, Sir James Kempt écrit laconiquement au dos du document : « Faites savoir aux pétitionnaires qu’il n’y a encore rien eu de fixé quant à la région en question mais si on décidait d’assigner le territoire à certaines personnes leur pétition sera prise en considération225. » La pétition insiste également sur l'idée « Que les terres que nous habitons actuellement sont presque toutes incultes, par les mornes, les buttes, montagnes et autres inconvéniens [sic] à peu près équivalens [sic] et conséquemment insuffisantes pour y élever les nombreuses familles qui les habitent et qui se multiplient avec rapidité, de sorte que ces terres subdivisées d'après le principes des Loix [sic] Françaises, en force en cette province, au lieu d'enchérir les propriétaires d'icelles, les empauvrissent [sic] à ne jamais en résoudre226. »

Ce premier refus ne décourage pas les gens de Charlevoix qui récidivent, en 1835, avec une autre pétition. À ce moment, la conjoncture est plus favorable. De

223 Victor Tremblay (1963), « Requête demandant la colonisation du Saguenay », Saguenayensia 5 (2), p. 39.

224 Cela représente environ un total de 470 lots.

225 Traduction française dans Victor Tremblay (1963), op. cit., p. 41. 226 Ibid., p. 39.

nouvelles explorations du territoire entre les postes du roi et l’arrière-pays de Charlevoix montrent que des voies de communication terrestre entre Charlevoix et le Saguenay pourraient être ouvertes rapidement.

Pour la population de Charlevoix, la colonisation des terres du Saguenay paraît de plus en plus réalisable. Les habitants de la région font circuler pendant l’été et l’automne 1835, une pétition demandant l’octroi de 280 000 arpents227 de terres arables en franc et commun soccage. Déposée à la chambre d’Assemblée en octobre de la même année228, elle recueille plus de 1 800 signatures et est référée au tout nouveau comité permanent sur les terres et les droits seigneuriaux. Selon le comité :

La pétition signée par plus de dix-huit cents personnes, a été donnée par des témoins résidans [sic] sur les lieux, comme ne contenant les noms que d’individus disposés à mettre par eux-mêmes en valeur, des lots de terre de 100 à 200 arpents chacun. En admettant même qu’il y ait quelque exagération, Votre comité croit que les établissements ainsi formés par cette partie de la population du pays, égaleraient en superficie plusieurs paroisses réunies229.

En 1835, c'est un plan de colonisation complet que présentent les habitants de Charlevoix. Les témoignages de leurs deux représentants, Alexis Tremblay Picoté et Thomas Simard, nous en font connaître les principales orientations.

227 Cette fois, la demande de terres cultivables correspond à 1400 lots ; tandis que celle de 1829 était de 470 lots. Un canton (township) compte 336 lots ; donc, la demande des habitants de Charlevoix équivaut à un total d’un peu plus de quatre cantons.

228 JALBC, 31 octobre 1835, p. 27.

229 Augustin-Norbert Morin, « Second rapport du comité permanent sur les terres et droits seigneuriaux », AJALBC, année 1836, appendice E.E.E., 13 p. Voir également CERHS (1968), Pressions pour ouvrir le Saguenay, op. cit., p. 99.

Visant en priorité les meilleures terres du Saguenay, la population charlevoisienne compte ainsi devancer toute concurrence. Un groupe, avec la permission des locataires des postes du roi, la Compagnie de la Baie d’Hudson, a même entrepris, au cours de l’été 1835, l'exploration d'une partie des terres jusqu’à Chicoutimi. Selon Alexis Tremblay, les locataires « […] comprenaient bien que notre désir d’explorer ces terres, venait de notre intention de nous adresser aux autorités pour les établir.230 »

Le projet de colonisation, selon Tremblay, demande une collaboration entre les habitants de Charlevoix afin d’envoyer une partie de la population, pauvre et riche, cultiver des nouvelles terres et mettre en place des établissements. Dans ce cas, les habitants pourraient se soutenir mutuellement, construire une goélette pour le transport et éventuellement établir une route entre Charlevoix et le Saguenay. Pour lui, le projet est viable et demande seulement une association entre les habitants. À ce sujet, il ajoute « […] qu’avec les soins de quelques-uns des principaux habitans[…], les associations dont j’ai parlé seraient tout à fait praticables, vu que moi-même j’en ai fait l’application, en m’occupant de répartir aux pauvres, en leur procurant de l’occupation dans l’exploitation des bois231. »

Il est intéressant de constater que le plan de colonisation des Charlevoisiens avec son association entre les habitants et son exploitation de la forêt comporte

230 CERHS (1968b), op. cit., p. 109. 231 Ibid., p. 112.

certaines similitudes avec la création quelques années plus tard de la Société des pinières du Saguenay. Cependant, tel qu'expliqué précédemment, le projet n’aboutit pas.

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