• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4. DES QUESTIONNEMENTS AUTOUR DU MANQUE ET DES CAPACITÉS À

4.2. L’ EXPÉRIENCE DE LA PUISSANCE ET DU CONTRÔLE PERÇU

4.2.3. Du plaisir au mécontentement

Le plaisir et le mécontentement sont à comprendre par les termes de satisfaction et d’insatisfaction. La satisfaction est une attitude ou un sentiment positif qu’un individu éprouve à divers degrés envers ce qu’il fait ou envers le milieu dans lequel il se trouve (Schermerhorn, Hunt, & Osborn, 2014). L’insatisfaction, quant à elle, est un sentiment qu’une personne éprouve lorsque le résultat réel est différent de celui qu’elle attendait (Anderson, 1973). La satisfaction et l’insatisfaction s’inscrivent dans l’expérience vécue des infirmières par rapport aux autres.

Les répondantes se sentent satisfaites à l’idée d’avoir pu respecter les dernières volontés du mourant (#5, #9, #14, #15). On ne répétera jamais assez l’importance d’offrir au malade l’occasion de lui permettre d’accomplir ses derniers désirs : une réconciliation, un pardon, un passage de témoin d’un travail à un associé ou encore le fait de savourer un dernier repas, en représentent quelques exemples. Les infirmières qui sont au chevet du malade et par-là même, qui sont responsables du plan de soins, représentent le premier relais du patient lui permettant de satisfaire ses vœux ultimes. Simon exprimait la satisfaction vécue d’avoir soutenu la dernière volonté du condamné :

Un patient, on savait qu’il allait mourir et ben voilà, on a dit : « c’est quoi votre dernière volonté ? ». Il a dit : « c’est de boire une bière ». Ben voilà, on lui a servi une bière et puis une heure plus tard, il est décédé, le monsieur. Puis là, tu sens la satisfaction dans l’équipe, le monsieur il a eu sa dernière volonté qui a été satisfaite et puis voilà, il a pu partir sereinement, on était contents. Ça, ce sont des éléments qui m’ont touché, tu vois. Et puis tu essaies de re-proposer ça à d’autres patients, tu vois. C’est quoi ses dernières volontés.

Marion confiait quant à elle, la satisfaction d’observer la famille d’un homme âgé de 96 ans en fin de vie, respecter ses dernières volontés comme celle de mourir à la maison :

C'était le dimanche, à je dirais, midi, comme ça. On m'a appelée euh... la fille d'un patient m'a appelée en disant : « mon papa est mourant, il veut mourir à la maison. Il rentre maintenant » (…) elle m'a dit : « il est à la maison à 13h ». J'ai dit : « ok, mais (…) je n’ai pas reçu de fax, j'ai pas reçu d'appel de l'hôpital, j'ai rien reçu ». Elle m'a dit : « écoutez, ça s'est mal passé avec l'hôpital dans lequel il était et moi, je veux respecter sa demande de mourir à la maison ». Ok, alors ben j'ai dit que j'évaluerais quand il arriverait à la maison (…) et pis c'est vrai qu'il est rentré euh... ben de façon précipitée sur demande de la fille. En fait, elle avait insisté auprès des médecins. Et pis eux, ils n’avaient pas eu le temps. Je pense qu'un dimanche aussi dans un hôpital ils étaient en sous-effectif et tout ça. Donc, ils n’avaient pas eu le temps de préparer les papiers, les ordonnances pour les médicaments ou quoi que ce soit (…) pis en fait au final, ça c'était bien déroulé (…) et pis finalement, ben il s'en est allé deux jours plus tard. J'étais émotionnée de voir tout cet amour autour de ce Monsieur. Et pis leur

parcours et pis leur volonté aux filles de respecter ses désirs jusqu'à la fin, ça c'était chouette.

N’oublions pas l’ultime dernière volonté du malade qui concerne celle de choisir la manière avec laquelle il souhaite finir ses jours, comme le propose désormais le suicide assisté en Suisse (CS, 2009) :

De tout temps, des êtres humains ont voulu se donner la mort, et sont passés à l’acte. Chacun a le droit de décider de son sort. Ce droit à l’autodétermination comprend celui de choisir sa mort (p.2).

On décrit le suicide assisté par le fait d’aider quelqu’un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les moyens de se suicider ou de l’information sur la façon de procéder ou les deux (Boisvert & Daneault, 2010). Le suicide assisté entre progressivement dans les mœurs en Suisse. Pour donner quelques chiffres, en 2003, on relevait 187 suicides assistés sur un total de 1280 suicides non-assistés (les suicides assistés composaient alors 15% des suicides en Suisse). En 2013, on comptait 508 suicides assistés sur 1037 suicides non-assistés (les suicides assistés représentaient près de la moitié des suicides commis en Suisse). En dix ans, le nombre total de suicides assistés a donc considérablement augmenté (Recab, 2016). Quant à la Belgique, on sait aussi que 65% des infirmières se sentent impliquées dans l’accompagnement du suicide assisté (Inghelbrecht, Bilsen, Mortier, & Deliens, 2010). Les infirmières expliquent le sentiment de satisfaction vécu à l’idée que le patient puisse avoir le choix d’abréger ses souffrances (#2, #3, #4, #5, #8, #9, #10, #16). Les malades ont désormais le choix sur la manière avec laquelle ils souhaitent finir leur vie. D’aucuns chercheront à se battre jusqu’au bout et d’autres terrassés par les souffrances, choisiront d’être libérés par la mort qui devient alors, la solution de la délivrance. Et dans les termes de Des Aulniers :

Parfois même la mort (…) est acceptée dans une secrète volupté, parce qu’enfin, les événements de la vie, ou encore le destin, se chargent de faire aboutir ce qui pour d’aucuns n’a pu être résolu (…) la mort arrive à point nommé. Elle délivre du mal de vivre chronique, inaperçu, agissant à bas bruit. Elle devient une bonne affaire (Des Aulniers, 2007, p.25).

En ce sens, ce pouvoir de décision est apprécié par les soignantes, comme le souligne Mathilde : « ben... moi je trouve super bien que ça existe (le suicide assisté) (…) enfin, je suis très contente qu'il y a des gens qui fassent ça ». Élise ajoutait le fait qu’elle trouvait très important que les gens puissent choisir la manière avec laquelle ils souhaitent terminer leur vie :

Parce que je pense que chez nous...enfin en tout cas en ce moment pour nous, dans notre société, c'est important de pouvoir choisir et c'est important de pouvoir décider certaines choses. Et je pense que dans certains cas, par exemple pour certaines maladies neurodégénératives, vulgairement, ça peut faire du sens.

À l’identique, Julie démontrait sa satisfaction à l’idée que le suicide assisté existe en Suisse :

Moi, je suis une grande partisane du suicide assisté (…) dans le fond, c'est important de respecter ce que veut la personne et pis si elle a envie de vivre une situation de fin de vie et un mois, je pense que c'est à respecter (…) ouais, je me bats pour ça dans ce sens, ça me pose en tout cas aucun problème.

Et Marion rapportait à l’aide d’une situation de soin vécue, la satisfaction de voir une patiente qui avait perdu toute joie de vivre, recourir au suicide assisté :

Mais c'est bien qu'elles (personnes condamnées) puissent avoir ce choix-là et cet échappatoire. Il y a quand même des situations qui... que la nature elle fait un peu mal les choses, je trouve. Donc, on peut aider quand même, ça ne serait pas plus mal (…) j'ai rencontré une personne qui avait demandé le suicide assisté, je l'avais soignée et je savais qu'elle allait faire ça (…) et pis j'allais l'aider pour une toilette mais elle était encore bien, donc euh le truc hyper… enfin voilà normal, pis elle me disait : « vous vous imaginez, dans trois semaines je suis morte » (…) pis elle l’a fait. Jusqu’au bout. Ouais. Elle avait 60 ans quelque chose comme ça (…) et euh, mais en même temps ben quand on en parlait, dans sa tête c'était tellement clair, c'était la seule solution pour elle, elle en avait tellement marre de souffrir, elle n’était pas entourée, elle était pas comprise aussi par le peu d'entourage qui lui restait. Son mari était là-haut. Je crois qu'elle avait juste une envie de le retrouver.

Nous faisons une digression sur le rapport que l’être humain entretient avec la société par l’intermédiaire du suicide. Le suicide apparaît ici comme un affrontement entre l’Homme et la société dont l’être humain ressort gagnant (Morin, 1970). Si l’Homme défie la société, c’est parce que « l’individu conteste une société qui, détachée de sa vie, ne peut lui faire oublier sa mort » (p.64). On comprend là qu’à un moment ou un autre, la société malgré ses efforts et ses stratagèmes, ne parvient plus à chasser l’idée de la Fin et encore moins à donner à l’Homme l’illusion de son immortalité. Pensons ici aux personnes condamnées et mourantes qui incarnent cette cinglante vérité que la société, mise au pied du mur ne peut, dès lors plus contester. Le condamné, pour gagner alors son combat contre la société, n’a plus qu’une seule alternative qui est pourtant des plus violentes : celle de rendre enfin visible cette (sa) mort en la provoquant.

À l’inverse, les infirmières se sentent insatisfaites des lois encadrant le suicide assisté : une personne dispose du droit d’abréger ses souffrances à l’unique condition de détenir sa capacité de discernement (#3, #5, #13). Précisons ici que selon l’arrêt du Tribunal Fédéral du 11 juin 2009 :

Un médecin spécialisé doit avoir constaté que le suicidant est capable de discernement en ce qui concerne la décision de se suicider. Si tel n’est pas le cas, l’assistance au suicide ne peut être fournie, car il n’y a pas alors décision de se suicider, prise en toute autonomie, qui soit valable en droit. La participation à un tel suicide n’est plus considérée par la jurisprudence du Tribunal fédéral comme une assistance au suicide non punissable, mais comme un meurtre ou un homicide par négligence, commis en qualité d’auteur médiat (CS, 2009, p.22).

Marion exprimait son insatisfaction à cet endroit :

Je trouve dommage qu'ils incluent que les personnes capables de discernement (dans le processus du suicide assisté). Pis les personnes qui sont plus capables de discernement, elles ont plus du tout accès à ce service. Des fois, ça donne des situations assez difficiles.

Ajoutons encore que l’étau se resserre encore sur les aptitudes physiques du condamné puisque le suicide assisté n’est réservé qu’aux personnes suffisamment autonomes pour pouvoir effectuer elles-mêmes l’acte ultime qui est celui de porter à leurs lèvres, le pentobarbital de sodium, une substance qui endort les minutes qui suivent son ingestion et qui provoque la mort dans la demi- heure. Un homme victime d’un accident de la route qui brutalement devient tétraplégique, est alors privé de cette liberté. Comment ici ne pas faire allusion à un pasteur de notre région en Suisse, aujourd’hui décédé de la maladie de Parkinson qui a lutté des années durant, contre cette forme d’exclusion (Paroz, 2010). Paroz (2010) était d’avis que nous disposons d’un autre choix que celui d’incriminer la fatalité et que nous devons dès lors, miser sur la libre volonté de la personne. Par voie de conséquence, si une personne démente ou infirme a demandé, planifié et organisé une assistance au suicide par le passé, elle a « le droit d’être considérée comme un être saisi dans l’exercice de sa dignité inaliénable d’être humain » (Paroz, 2010, p. 22). Ainsi, Paroz (2010) luttait en faveur des personnes dont la triste destinée (mémoire et/ou corps défaillant/s) serait celle de croupir dans un lit d’hôpital en attendant la délivrance de la mort. Paroz (2010) ne combattait pas ici l’acharnement thérapeutique mais le débordement d’une nouvelle médecine de fin de vie : l’acharnement palliatif. Et d’ailleurs, que risquerait-on si on légiférait pour autoriser ces personnes- ci à accéder à ce droit (Pelluchon, 2016) ? Comme le dit très justement Pelluchon (2016) : « une loi autorisant (…) le suicide assisté n’oblige personne à y avoir recours » (p.20).

La satisfaction vécue par les infirmières se manifeste à l’endroit du contrôle des souffrances du mourant. Les répondantes se disent satisfaites du moment que le malade a pu mourir sereinement (#1, #5). Comme c’est le cas de Tristan, ici :

Oui, surtout que j’ai accompagné des fins de vie de personnes âgées qui étaient vraiment sereines et cela, j’ai vraiment apprécié (…) elle (patiente mourante) était complètement confiante. Elle n’avait aucune appréhension (…) elle était bien (…) et puis du coup, elle était sereine (…) c’était beau à voir.

Les propos de Marion qui a accompagné une fin de vie à domicile, s’enlignent dans le même sens :

Oui, mais là en fait, euhm, ce n’était pas forcément des émotions négatives parce que tout allait bien. Il était... je voyais qu'il (patient mourant) était bien, confortable, il était même souriant, des fois. Et pis, il pouvait nous montrer un peu avec le pouce si ça allait ou si ça n’allait pas. Et son visage, Il était paisible aussi. Enfin, tout était parfait.

La satisfaction des répondantes vécue à cet endroit nous renvoie au mythe de la mort pacifiée qui est la conséquence de notre société à ne pas pouvoir se représenter la mort. Si notre société ne peut se représenter la mort, elle peut toutefois la présenter au travers d’un corps. Rappelons ici que notre seule manière de nous rapprocher de notre propre mort repose sur la proximité que nous pouvons entretenir avec le cadavre. Donc, un corps sans vie a tout intérêt de renvoyer un effet miroir plutôt paisible à l’infirmière. En d’autres termes :

Au travers du corps, dernière image du vivant, et au travers du mourant, dernier rempart face à la mort. Comme tout tiers, le mourant est un écran vivant, comme l’était auparavant le symbole, sauf que l’un est l’incarnation d’une idée, l’autre, un Homme (Derzelle, Dabouis, 2004, cités par Clavandier, 2009, p. 211).

Enfin, la satisfaction vécue des infirmières concerne le sentiment d’avoir rempli correctement leur rôle (#3, #5, #6, #8, #9, #12). Par exemple, Élise soulignait là, que si elle a pu réaliser « un accompagnement de manière continue, elle sera contente de ce qu’elle arrive à faire ». Sidonie se disait quant à elle, satisfaite « d’avoir bien fait son travail avec les soins de confort ». Ninon se disait contente d’elle, à partir du moment qu’elle sentait avoir fait de son mieux à l’égard d’une situation de fin de vie :

Je me dis : « si je suis là pour eux, pour leur famille, pour la personne qui va décéder » et pis, je sais que... je sais que moi ça me touche, pis je vais faire de mon mieux, donc je suis satisfaite de pouvoir travailler comme ça. Je suis contente enfin... je suis contente de moi après. Je me dis : « ah ben là, j'ai bien géré la situation ». Je pense que j'ai fait du bon travail et c'est... c'est ce qui est le plus important.

Léonie se disait fière d’elle concernant sa manière d’agir auprès de l’entourage d’un patient relativement jeune en train de mourir :

On avait eu une situation, c'était un papa qui devait avoir peut-être 50-60 ans. Les enfants, ils avaient peut-être mon âge, peut-être la trentaine, quelque chose comme ça. Et pis, il (le patient) avait eu une longue maladie. Et pis, ça a duré quelques mois, quand même. Il était venu une fois chez nous. Après, il était revenu peut-être trois mois plus tard. Et pis à ce moment-là, il allait vraiment moins bien et pis, il était en train de mourir. Je me souviens toujours que j'allais régulièrement dans la chambre parce que quand c'est des fins de vie, je vais régulièrement. Et la famille a veillé vraiment tous les jours, toutes les nuits, ils étaient tout le temps là. Et pis à un moment donné, je suis rentrée dans la chambre et le fils qui avait 30 ans, c'était un grand gaillard, vraiment imposant. Pis il était là : « ah mon Dieu, mon Dieu, il respire plus ! Ils sont où les autres ? Je suis tout seul ! ». Et pis en fait, il (le patient) faisait des énormes pauses (pauses respiratoires). Et pis là, il a repris sa respiration pis j’ai vu la panique dans les yeux du fils (…) et j'étais là : « alors c'est bon, il respire encore mais allez vite chercher les autres ». Et pis, ils (les proches du mourant) ont vraiment couru dans le couloir. Et pis après, ils sont restés auprès du papa, les trois. Et il est décédé quelques minutes après, comme ça. Mais ouais, je ne sais pas, c'était très tôt le matin après la nuit (…) j'avais vraiment eu un bon contact avec la femme. Pis quand on travaille au début, ce n’est pas souvent qu'on est assez fière de ça. Pis là, j'étais assez contente de comment j'avais pris la situation avec les proches et tout.

Concluons ici encore une fois avec l’idée que plus l’expérience professionnelle des répondantes est grande, meilleure est la prise en charge des mourants et plus grand est le sentiment de satisfaction. Comme le présentait ici, Julie :

Je ne sais pas si ça devient plus facile avec le temps, je sais pas si c'est une question de facilité, je pense que c'est peut-être l'expérience dans le sens où c'est moins (silence) (…) parce que les premières fois, (…) on est pas bien. Pis, on est là : « mon Dieu, mon Dieu ». Et après, ça devient un peu (…) c'est comme faire une prise de sang. Enfin après, tu connais tes gestes et pis disons que tu arrives à passer au- dessus du…du… de ce corps qui est mort. Et pis de cet aspect un peu... voilà, plutôt physique autour de la mort. Pis du coup, ça devient des automatismes. Pis tu arrives à consacrer peut-être plus de temps à la personne, à faire les choses bien pour la famille, ou bien pour des situations de fin de vie aussi à accompagner un peu mieux (…) t’es mieux avec ce que tu fais.

Et Aurore montrait dans son discours la mise en confiance que lui a procuré la première prise en charge de la fin de vie, pour les suivantes :

La deuxième fois (d’avoir la charge d’un patient en fin de vie), j'étais même contente. Je savais ce que je pouvais mettre en place. Et je me suis dit : « ok. Maintenant j'ai appris, je peux être capable de le faire » (…).

4.2.4. Conclusion

En définitive, on constate que les infirmières qui n’ont que peu d’expérience professionnelle, sont amenées à assumer un rôle qui leur demande de s’autonomiser très rapidement. Elles remettent alors en doute leurs capacités à gérer les situations du mourir, si complexes et singulières à l’aube de leur activité professionnelle. S’y ajoute encore un scepticisme lié à la gestion de l’antalgie du mourant, une donnée que les représentations sociales négatives autour des opiacés viennent complexifier. Rappelons ici que l’expérience professionnelle et les stratégies d’adaptations utilisées par les soignantes présentent le pouvoir d’adoucir le scepticisme vécu à ces endroits. Les infirmières redoutent aussi le jugement de leurs pairs concernant leur manière de faire : agir pour le patient ou selon un protocole largement intégré par le service mais qui n’a probablement jamais vraiment été réfléchi. L’équipe interdisciplinaire est devenue aujourd’hui un juge intransigeant qui ne laisse plus de place à l’erreur. Alors, les infirmières remettent en cause leur capacité à évaluer un décès qui, si son appréciation devait être mauvaise, reviendrait à déranger le médecin de garde et non pas une occasion pour apprendre de ses erreurs.

Les répondantes se heurtent aussi à l’impuissance au niveau de la communication avec le mourant ; comment nommer cette mort indicible et inavouable à un patient qui peut-être, contre toute attente, recouvrira une autonomie défiant toute explication médicale. À l’identique, comment aborder la relation avec un malade récusant tout dialogue alors que le spectre du silence n’a plus sa place dans notre société ?

Le contrôle et la puissance de la médecine qui promet au commun des mortels une mort retardée,