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La place de mes maîtres de stage dans ma formation a été essentielle. Ils ont répondus à mes interrogations. Ils m’ont toujours poussée à trouver les réponses par moi-même. Ils m’ont fait grandir en tant que future psychomotricienne. Ils m’ont accompagnée pour développer ma propre créativité, à développer mes propres exercices, mes propres idées, à améliorer mes séances, ma posture. Ils m’ont donné leurs confiances respectives et m’ont poussé à croire en moi et en mes capacités dès le premier jour.

Mon identité de stagiaire n’a pas remis en cause mon statut « d’adulte garant du cadre » comme je le pensais avant mon premier jour. Aucun enfant ne s’est opposé à mes propositions d’échauffement lors des séances où j’étais la meneuse du jeu. Idem, j’ai toujours eu une place importante au sein des histoires des différents enfants. J’avais peur de ne pas être prise en compte en arrivant mais ça n’a jamais été le cas. Ils m’ont tous investi au même titre que mes maîtres de stage.

J’avais de l’appréhension avant de commencer ce stage. J’avais déjà expérimenté du théâtre d’improvisation pour moi-même et j’avais participé aux travaux dirigés de jeu dramatique, au cours de ma deuxième année de formation avec V. Gazon. Néanmoins, je n’avais jamais encadré une séance, je n’arrivais pas à visualiser comment elles pouvaient se dérouler avant de le vivre.

La question d’être regardée et entendue, de faire semblant devant d’autres personnes a également été ma grosse appréhension. J’avais peur d’être jugé sur ma personne. J’avais peur d’être gênée, de ne pas oser parler ou faire. Etrangement ces peurs ont disparu au cours de la première séance. Le jeu dramatique ne cherche pas

72 l’esthétique et n’a pas pour visée de développer des talents d’acteurs. Pourtant, j’ai remarqué que je n’étais pas la seule à avoir éprouvé ces peurs. Mes camarades ayant eu la chance de faire l’option de jeu dramatique ou qui eux-mêmes ont utilisé cette médiation cette année m’ont rapporté avoir eu les mêmes inquiétudes. Les patients aussi ont une appréhension avant de venir qui disparait dans la dynamique de la séance et du jeu. J’ai vécu six arrivées dans les deux groupes, sur ces six enfants, tous ont exprimés le désir de revenir et parfois même avant la fin de la première séance.

Le groupe est en mouvement permanent, ce qui rend parfois difficile les entrées et les sorties. Nous avons connu jusqu’à présent quatre départs et trois arrivées dans ce groupe. Les deux premiers départs ont eu lieu peu de temps après le début de mon stage et je n’avais presque pas suivi ces enfants.

Le départ d’Alban m’a particulièrement marqué. Je l’ai appris quelques minutes avant les autres enfants, il n’est jamais venu dire au revoir et n’a pas donné de nouvelles depuis. Ethan a également été très marqué et demande régulièrement si Alban va revenir. Le groupe lui reste ouvert, il a la possibilité de demander à revenir un jour. N’ayant pas souhaité revenir dire au revoir, il s’agit peut-être d’une manière de garder sa place au sein du groupe. S’il n’a pas dit au revoir, il n’est pas encore parti. Néanmoins officiellement, sa prise en charge est terminée et sa place a été donnée à un autre enfant arrivé entre temps.

Ce départ a été difficile pour moi, car j’avais le sentiment que le travail corporel avec lui prenait enfin une forme signifiante. Je trouvais qu’il évoluait dans la bonne direction et que ce travail était à poursuivre et consolider. Néanmoins si l’un des enfants désire partir du groupe, il s’agit de sa décision en priorité pour mes maîtres de stage.

J’ai parfois rencontré des difficultés quand le jeu des enfants rencontrait mes propres représentations internes. Les enfants m’ont attribué divers rôles : mère, maîtresse, chef, soldat, monstre, caméraman, tueuse, cambrioleur… Un seul rôle m’a posé problème. Celui de la femme du personnage d’un autre enfant. C’était l’histoire assez simple d’une famille, un couple et ses deux enfants, en vacances au ski. Néanmoins je me suis retrouvée en difficulté. Ce rôle m’a donné un sentiment de malaise interne. Je ne savais pas comment interpeler mon " mari de jeu" dans le l’histoire. J’ai dû trouver divers stratagèmes pour ne pas avoir à lui parler ou lui parler en passant par "nos enfants", « Où est donc passé votre père? ». Ce n’était pas l’histoire

73 de l’enfant en question mais je ne n’en étais pas moins troublée de jouer sa femme. Ce n’est qu’après la fin de la séance que j’ai compris que ce malaise venait de moi-même et non de la situation. Je n’aurais jamais imaginé jouer la femme d’un de mes patients. L’enfant en question, n’a pas semblé troublé par ce rôle, ou n’en a rien dit ni fait paraitre.

Il s’agit également d’une rencontre de l’autre dans le jeu pour les soignants, pas seulement pour les patients. A chaque improvisation, à chaque mise en scène, il s’agit d’une nouvelle rencontre avec nous-même mais aussi d’une nouvelle rencontre avec nos patients. Nous les découvrons sans cesse sous un nouveau jour, les différents aspects de leurs personnalités, ce qu’ils nous donnent à voir, à ressentir. Le jeu est dans l’ici et maintenant et change à chaque instant. Cela nous demande à nous, soignant, comme à nos patients d’être alerte à tout ce qu’il se joue. Nous sommes obligés de prendre en compte les gestes, les paroles, les émotions, l’espace… Tout ce qui se jouer pour nous et pour l’autre pour développer la fiction.

Il est donc indispensable de faire preuve d’une disponibilité corporelle, d’une grande attention et une écoute particulière afin de donner une qualité de présence nécessaire au lâcher-prise nécessaire à la pratique du jeu dramatique. Le psychomotricien « intègre son propre corps, son propre investissement spatial, ses

propres mouvements, sa propre tonicité, ses propres ressentis et éprouvés corporels »78

dans sa pratique et sa réflexion, cela est d’autant plus nécessaire en jeu dramatique ou le langage et l’engagement du corps est au premier plan.

L’engagement corporel et psychique du psychomotricien est fondamental dans toute prise en charge, particulièrement en jeu dramatique. Nous donnons de soi, nous sommes en permanence à l’écoute de nous-même, de nos propres sensations et émotions. Notre implication permet de nous montrer disponible à ce qu’il se passe au sein du groupe, pour contenir et soutenir l’implication de nos patients. Comme pour nos patients petits ou grands, pour rendre vivant notre personnage, nous devons lui donner quelque chose de nous-même. Pour lui donner corps, nous utilisons le nôtre mais également nos émotions, notre sensibilité, nos souvenirs et représentations, allant même jusqu’à donner une part de notre propre caractère. Le maître mot de la psychomotricité

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74 est l’adaptation. Selon moi, le jeu dramatique appelle encore plus à cette fameuse adaptation du psychomotricien.

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