• Aucun résultat trouvé

La place de l’économie populaire et de l’économie sociale et solidaire

CHAPITRE II- LE COMMERCE EQUITABLE AU BURKINA FASO

1.1 Historique

1.2.1 Portrait socioculturel : ethnies et religions

1.2.3.4 La place de l’économie populaire et de l’économie sociale et solidaire

Pour cette section portant sur l’économie populaire et l’économie solidaire et sociale au Burkina Faso, nous référons le lecteur à la distinction conceptuelle effectuée dans la section 1.3.3 de la partie sur le Sénégal. Ainsi, plutôt que de parler d’économie informelle, le concept utilisé sera celui d’économie populaire. L’économie populaire est d’ailleurs très présente au Burkina Faso,

62

décennies. D’ailleurs, le taux de croissance de ce secteur a été, entre 1986 et 1992 par exemple, de 3%, un taux plus élevé que l’économie burkinabée en général (Fauré et Zett, 2000 : 71).

Zett (2003) cite la définition de Defourny qui caractérise cette pratique : «Peu de barrières à l’entrée, ratio capital travail faible, techniques de production simples, niveau de qualification formelle peu élevé, petite échelle de production, faible capacité d’accumulation, propriété familiale, rapports sociaux non-familiaux, opération à la marge de la loi, faible protection du travail, etc» (1999, p.164). Dans le cas burkinabé, nous pourrions parler d'une économie d’affection ancrée dans les relations sociales (économie en grappe). Zett (2003) mentionne qu’elle constitue une économie métisse tantôt capitaliste et d’autres fois pas et qui est différenciée du secteur moderne par la taille des opérations et les modalités de mise en œuvre (p.2). Au sein de l’économie populaire africaine, le fonctionnement est basé sur le groupe qui assure la bonne marche de l’économie par la création des conditions morales et économiques de son fonctionnement et, dans ce contexte, l’investissement dans les relations sociales devient garant d’une certaine stabilité devant les diverses insécurités économiques (Zaoual, 1996 : 39-41). Ainsi, à l’image de l’économie capitaliste occidentale qui nécessite un cadre institutionnel juridico-légal afin d’assurer son fonctionnement, l’économie populaire Ouest-africaine se situe dans un contexte socioculturel basé sur des prémisses d’organisation collective souvent différentes, mais qui jouent un rôle similaire.

Au Burkina Faso, l’économie populaire est très présente dans les villes et les campagnes où les stratégies de survie s’incarnent dans la conduite de petits commerces et par les relations d’entraide. Les acteurs de l’informel sont divers, mais Zett (2003) mentionne qu’en milieu urbain (Bobo-Dioulasso) ils sont souvent peu scolarisés (80% ont au plus un primaire et 1,5% un niveau supérieur) et qu’ils ne possèdent pas de formation particulière (44% d’apprentissage traditionnel et 14% formés par la pratique) (p.3). La croissance du secteur populaire est accentuée à la fois par les migrations des ruraux et la dégradation des conditions de vie depuis les années 1980, qui ont d’ailleurs modifié les conceptions face à ce secteur, qui fut graduellement intégré au sein des politiques de développement (Fauré et Zett, 2000 : 68). Toutefois, comme au Sénégal, l’économie populaire pose la question du développement dont il est porteur puisqu’il consiste à la fois en des stratégies collectives de survie ou de débrouille, mais en limitant la base fiscale étatique et, donc, les potentialités de redistribution socio-économiques. D’ailleurs, étant donné la faible création de valeur ajoutée de ces activités, les capacités d’autofinancement sont souvent limitées, les

organisations étant dépendantes du financement des systèmes décentralisés, de l’État ou des ONG de développement55.

En ce qui concerne l’économie sociale et solidaire plus particulièrement, on note une émergence de ces pratiques qui sont ancrée dans une histoire burkinabée du coopérativisme, des groupements villageois56 et des associations paysannes, entre autres. Toutefois, comme le mentionne Zongo (1997), cette croissance est aussi fortement liée aux contextes économique et politique des dernières décennies :

Au Burkina Faso, comme partout ailleurs en Afrique de l'Ouest, on assiste actuellement à une explosion des initiatives d'économie sociale (associations, coopératives, mutuelles, organisations professionnelles, etc.). L'un des principaux motifs à l'origine de ce phénomène est l'appauvrissement accru des populations et la chute de l'offre des services sociaux de base (éducation, santé, logement, sécurité sociale, ...), conséquence de la réduction drastique des dépenses publiques. De plus, la restructuration du secteur public a entraîné des licenciements massifs et l'arrêt des recrutements à la fonction publique, et a renforcé par conséquent le processus d'appauvrissement et d'exclusion économique et sociale. Devant cette situation, les populations n'ont d'autre alternative que de compter sur leur propre initiative et leurs propres ressources et de développer de nouvelles formes d'entraide, de solidarité et de protection sociale. (p.1)

Toutefois, l’économie sociale et solidaire burkinabée connaît certains problèmes aux niveaux organisationnel et financier :

Ainsi par exemple, les résultats de l'enquête menée par Soulama (1992) sur les performances économiques et sociales des organisations coopératives et de type coopératif montrent que seuls les groupements cotonniers et maraîchers parviennent à s'autofinancer à plus de 90%. Dans la plupart des autres organisations, les taux

55 Ce financement externe du secteur populaire est un phénomène aussi présent pour le secteur privé, puisque l’on

dénombre une multitude d’intervenants agissant dans le domaine du soutien aux entreprises (Fauré et Labazée, 2000 : 9).

64

d'autofinancement oscillent entre 10 et 30%. L'étude réalisée par Congo, Schmidt et Defourny (1995) révèle par ailleurs que le Réseau des Caisses Populaires du Burkina (RCPB) est le seul système financier décentralisé (SFD) ayant atteint un niveau élevé d'autofinancement (soit 91% en 1994). Les autres SFD dépendent encore fortement des financements extérieurs pour couvrir les charges de fonctionnement. […] Il ressort de cette analyse du financement de l'économie sociale au Burkina Faso qu'il existe une multiplicité des sources de financement et que les ONG et les systèmes financiers décentralisés sont de loin les plus importants (Congo, 1997 : 1).

Ainsi, le Burkina Faso est à la fois caractérisé par une multitude d’initiatives d’économie populaires qui offrent des produits et services de consommation courante (nourriture ou transport, par exemple) qui ne seraient pas accessibles autrement, mais qui se développemt au prix d’une limitation de la base fiscale de l’État, et par des initiatives d’économie sociale et solidaire ancrées dans une histoire d’organisation paysanne et coopérative qui fait toutefois face à divers problèmes minant son développement (financement, organisation, entre autres). Malgré certains problèmes qui les assaillent, l’économie populaire et l’économie sociale et solidaire sont présentes au sein de plusieurs des secteurs économiques liés aux services et à la consommation et, lors de l’analyse des initiatives de développement par le commerce équitable ou tout autre projet d’alternative économique, il serait primordial de considérer la place qu’elles occupent. Ces acteurs peuvent être à la fois des facteurs de régulation économique par leur rôle dans les politiques de développement ou des obstacles qui limitent les initiatives de développement local par leurs faibles moyens et leur carences organisationnelles. À ce niveau, comme le mentionne Bah (2003), certains facteurs limitent le potentiel de développement local au Burkina Faso et en Afrique de l’Ouest de façon plus large : «Une insuffisance de ressources financières allouées au secteur ; une faible capacité technique et de gestion des acteurs à la base, y compris les élus locaux ; une centralisation excessive des décisions et des capacités au niveau des capitales africaines et ce, malgré les politiques de décentralisation et un secteur privé embryonnaire» (p.2).

56 Selon Soulama (2003), cette forme d’organisation économique, apparue dans les années 1970 au Burkina Faso, au

Mali, au Sénégal et en Côte d’Ivoire dans une optique de développement communautaire, serait remise en question depuis 1990 avec l’émergence de nouvelles associations paysannes. Toutefois, ceux-ci, au nombre de 15 000 (contre

II- LES MOUVEMENTS SOCIAUX ET LE COMMERCE ÉQUITABLE AU BURKINA

Documents relatifs