• Aucun résultat trouvé

III. ROLE DE L’EGFR DANS LE CANCER DU POUMON

4. Place des immunothérapies

La tumeur va mettre en place un ensemble de stratégies visant à permettre sa survie. Ainsi, malgré une infiltration souvent importante de la tumeur par des lymphocytes T (LT) et

37

d’autres cellules immunitaires, un état de tolérance se met en place, permettant à la tumeur d’éviter toute réaction immunitaire à visée anti-tumorale. La tumeur va donc interagir avec des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire, afin de les activer et de bloquer cette réponse anti-tumorale 91.

L’inhibition de la réponse immunitaire anti-tumorale peut se faire à 2 niveaux du processus d’activation du LT. Tout d’abord, elle peut s’effectuer lors de la phase précoce d’activation des LT par l’antigène (Figure 16A). Le LT reconnait l’antigène lorsqu’il est présenté par le CMH grâce à l’interaction avec son TCR. Un co-signal de stimulation est nécessaire pour achever l’activation du LT, grâce à l’interaction du récepteur CD28 (LT) et de la molécule B7 (cellule présentatrice d’antigène ou tumeur). La molécule B7 peut également interagir avec le CTLA-4 à la surface des LT, conduisant à l’inhibition de l’activation du LT (Figure 16A). En conditions physiologiques, ceci permet un rétrocontrôle négatif sur l’activation des LT, afin d’éviter leur activation prolongée pouvant conduire à des dommages tissulaires. Dans le cancer, ce phénomène permet à la cellule tumorale d’inhiber la réponse anti-tumorale. L’inhibition peut également intervenir plus tardivement, lors de la phase effectrice (Figure 16B). Programmed-Death 1 (PD-1) est exprimé par les LT lors d’expositions chroniques à l’antigène, et conduit, après interaction avec Programmed-Death Ligand 1 (PD-L1) à la surface des tissus (tumoraux ou inflammatoires) à l’inhibition du LT activé, afin d’éviter ici aussi les activations trop prolongées. La cellule tumorale va détourner ce phénomène en surexprimant à sa surface PD-L1, pour inhiber l’activation des LT. L’objectif des immunothérapies est de lever cette inhibition. Il ne s’agit plus de cibler des récepteurs aux facteurs de croissance ou des antigènes tumoraux mais de lever l’inhibition de la réponse immunitaire anti-tumorale.

38

Ces immunothérapies ont connu un développement précoce dans le mélanome métastatique, notamment sous la forme de molécules ciblant le CTLA-4 comme l’ipilimumab, avec des résultats très satisfaisants. Deux molécules ont alors été évaluées dans le cancer du poumon : l’ipilimumab (BMS) et le trémelimumab (Astra-Zeneca). L’ipilimumab est actuellement en cours d’évaluation en association avec le carboplatine et le paclitaxel dans un essai de phase III est en cours de recrutement dans les stades avancés ou métastatiques (NCT02279732).

L’axe PD-1/PDL-1 présente un développement plus prometteur dans le cancer du poumon. Cette interaction entraine l’inhibition de la réponse immunitaire anti-tumorale mais diminue également l’expression par le LT de molécules anti-apoptotiques et la libération d’interféron-gamma. Ceci aboutit à la diminution de la prolifération des LT et du recrutement des cellules immunitaires. D’autres molécules sont développées afin de cibler l’interaction entre PD-1 et PDL-1 : deux sont des anti-PD-1 (nivolumab (BMS) et pembrolizumab (Merck- MSD)), et deux des anti-PDL-1 (MPDL3280A (Roche-Genentech) et MEDI4736 (Astra- Zeneca-Medimmune)) 92. Les taux de réponse observés ne sont pas impressionnants,

Figure 16 : Inhibition de l’activation des LT et blocage de CTLA-4 (A) et de PD-1/PD-L1 (B) par les différentes immunothérapies 91.

39

puisqu’ils varient entre 16% et 23%. Mais ces réponses surviennent chez des patients parfois lourdement pré-traités. De plus, elles sont prolongées, pouvant même parfois se poursuivre longtemps après l’arrêt du traitement. Une phase III, l’essai CHECKMATE 017, a été présentée à l’ASCO en 2015. Elle évaluait l’utilisation du nivolumab en seconde ligne, en comparaison avec le docetaxel, dans les carcinomes épidermoïdes. Les résultats retrouvaient une amélioration de la SG (diminution de 41% du risque de décès) et de la SSP (diminution de 38% du risque de progression) en faveur du nivolumab. La molécule a également été testée dans les carcinomes non épidermoïdes, avec des résultats un peu moins spectaculaires (diminution du risque de décès de 27%). Il n’existait pas de différence en SSP. Compte tenu de ces résultats, le nivolumab a obtenu récemment une AMM dans le traitement des patients adultes atteints d'un CBNPC de type épidermoïde localement avancé ou métastatique après

une chimiothérapie antérieure. Les données de tolérance retrouvaient un profil marqué par des

phénomènes d’auto-immunité qui sont rares mais qui peuvent être sérieux, conduisant parfois à l’arrêt du traitement voire au décès du patient.

Plusieurs problématiques restent à résoudre pour permettre une utilisation optimale de ces traitements. Tout d’abord, les critères RECIST ne permettent pas d’évaluer correctement la réponse tumorale. En effet, il est parfois observé un phénomène d’augmentation première de la taille tumorale du fait de la réponse inflammatoire, avant sa diminution par effet anti- tumoral. Cette augmentation transitoire, survenant dans les premières semaines, peut être interprétée comme une pseudo-progression pouvant induire en erreur le clinicien. C’est pourquoi des critères tels que l’irRECIST (immune-related RECIST) spécifiques aux immunothérapies sont en cours de développement. Par ailleurs, les seuils immuno- histochimiques permettant de poser l’indication d’une immunothérapie ne sont pas clairement établis. Les laboratoires utilisent des seuils différents en fonction des études (1%, 5% ou 10%). Il existe également plusieurs anticorps qui peuvent être utilisés pour l’IHC. Une standardisation est donc nécessaire. Une autre problématique est celle de la combinaison à d’autres thérapeutiques, immunothérapies, thérapies ciblées ou chimiothérapies. Plusieurs essais sont en cours, notamment avec des combinaisons d’immunothérapies (NCT01454102 (ipilimumab et nivolumab), NCT02039674 (ipilimumab et pembrolizumab)).

Des études récentes ont montré qu’il existerait également un lien entre les mutations de l’EGFR et l’immunomodulation 93. Ainsi, il semblerait que l’expression d’un EGFR

40

anormal conduise à la surexpression par la tumeur de PD-L1 à sa surface, favorisant ainsi l’inhibition de la réponse anti-tumorale. Les ITK ciblant l’EGFR pourraient avoir un effet immunologique en plus de l’effet anti-prolifératif direct, et l’utilisation de combinaisons thérapeutiques associant ITK et immunothérapie pourrait avoir un sens. Les résultats obtenus

in vitro sont donc à confirmer par des essais chez l’Homme.

5. Traitements des stades localement avancés et métastatiques chez les patients âgés

Documents relatifs