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La première prise de contact avec les enfants (2 dans le premier groupe et 3 dans le second) s’est faite naturellement mais différemment dans les deux groupes. Je constate très vite que la psychomotricienne occupe une place centrale (comparable au « squelette du groupe »), tandis que l’infirmière à un rôle de supervision et exerce une fonction de contenance du groupe (comparable à l’ « enveloppe du groupe »). Il est donc de mon ressort de trouver ma place dans le groupe, entre enfants et adultes.

Lorsque je suis arrivée dans le groupe de Franck, je ne savais comment me positionner face à un tel archaïsme de ces garçons (absence de langage). Selon moi, je représentais une adulte supplémentaire face à ces deux enfants et je redoutais que ma présence soit de trop, vécue comme envahissante voire étouffante. Je me suis donc laisser du temps pour observer la manière d’être et d’agir de ces deux garçons dans le groupe et c’est progressivement qu’ils m’ont accordé une place. Je n’ai pas eu l’impression de me faire une place, mais plutôt que les enfants me l’ont faite d’eux-mêmes en s’approchant de moi, m’envisageant par le regard ou

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par des gestes, en me touchant. Mon implication active dans les séances s’est donc faite rapidement et j’ai pu m’adapter aux différents temps de celles-ci. Ceci m’a permis de développer des capacités d’observation et d’analyse et d’occuper une place similaire à celle des thérapeutes.

Lorsque je suis arrivée dans le groupe de Julien, je me suis sentie plus à l’aise face à ces enfants qui s’expriment librement tant corporellement que verbalement. Même si un des garçons du groupe, Mathis, n’a pas accepté ma venue d’emblée (coup de pieds, refus de m’écouter, me ferme la porte au nez, crachat au sol), j’ai su trouver ma place en me référant au cadre et m’appuyant sur les thérapeutes présentes. Etait-ce une manière pour Mathis de tester ma contenance et ma fiabilité ? Allais-je résister à ces « menaces » ? Voyant que malgré tout, je restais solide et présente chaque vendredi, ma présence fut vite acceptée par Mathis et le reste du groupe. A travers mon engagement corporel, ma verbalisation, mes mises en sens et en mots, ma créativité, mes propositions ludiques, mes ajustements (proximité ou retrait), ma contenance, les enfants m’ont repéré en tant que thérapeute, garante du cadre et de leur sécurité physique et psychique.

Dans le groupe, je me rends compte qu’il n’est pas évident d’être attentive à ce que vit chacun des enfants. En se focalisant sur un enfant, on peut « louper » certaines choses avec un autre. C’est pourquoi la présence d’au moins deux thérapeutes est privilégiée et me rassure tant au niveau de cette contenance qu’au niveau de possibles débordements. La nouveauté qu’entraîne ma présence, suscite excitations et agitations face auxquelles je me suis parfois trouvée dépassée. Au fil du temps et des expériences, j’ai pu m’adapter et m’ajuster aux diverses situations rencontrées au travers du cadre physique, du cadre psychique, d’un retour éventuel vers l’adulte, mais surtout grâce à l’écoute de mes propres affects.

C’est maintenant vers Franck et Julien que mon attention va se tourner, ces enfants autistes dont le fonctionnement m’interroge et que je considère comme des énigmes.

Ma première rencontre avec ces deux enfants autistes a suscitée en moi beaucoup de réflexions et d’appréhensions. Comment entrer en contact avec ces enfants qui semblent coupés de l’extérieur (Franck) ? Comment approcher ces enfants pour qui le moindre changement peut entrainer de vives réactions (Julien) ? Qu’est ce que mes mots, mes actes ou encore mon toucher renvoient chez eux (question du transfert) ? C’est une rencontre particulière qui s’opère dans l’ici et maintenant de ces séances. De la même manière que je me suis adaptée au groupe en général, je me suis adaptée (avec plus de temps peut-être) à ces deux enfants autistes.

J’ai alors, tenté de comprendre le fonctionnement de Franck et Julien, afin de m’approcher au plus près du lien existant entre leur corps et leur organisation psychique à chacun. J’ai souhaité rencontrer les enfants dans un premier temps, puis lire leur dossier dans un second temps pour ne pas avoir d’aprioris et partir de mes ressentis pour établir cette première rencontre. Le but n’est pas pour moi de comprendre l’étiologie de leur pathologie autistique mais plutôt d’obtenir une vision plus claire du monde dans lequel ils évoluent et la manière dont ils y évoluent.

Je me suis parfois sentie impuissance face à eux tant ils donnent l’impression d’être prisonniers de leur mal-être, seuls, enfermés dans des activités restreintes, coupés du monde. Alors pourquoi les plonger dans un environnement où leur mal-être est mis à rude épreuve, où le nombre de partenaires est multiplié, où les activités proposées sont diverses et variées, où les émotions peuvent être vivement et rapidement sollicitées ? Dans ces conditions, le sentiment d’existence, déjà précaire, ne risque t’il pas de disparaitre ?

La sensorialité prévalente et les clivages corporels persistants qui ne demandent qu’à être réduits ; l’image du corps évanescente qui ne demande qu’à être permanente ont été, pour moi, des outils importants à repérer afin d’adapter ma position et mes propositions à chaque enfant.

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