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Encadré 2 : Principes généraux pour les projets de gestion durable de biodiversité

4. Systèmes paysans et usages des ressources ligneuses

4.2 Place des arbres dans les systèmes de production

manioc, maïs et arachide et le développement des cultures maraîchères sous l’impulsion externe de Fanamby, opérateur en charge de la gestion et l’aménagement de l’aire protégée. Aujourd’hui la population ne s’est pas encore adaptée aux règles imposées.

Dans ce contexte, la principale source de revenus est devenue la production de charbon. Anciennement utilisé comme complément de revenu ou en période de crise, le charbon est donc aujourd’hui devenu la ressource principale. Le contexte de conservation contribue ainsi à l’extension de la défriche et de la coupe des arbres pour les besoins de la production.

D’autre part, les paysans restent dans l’attente de nouvelles terres aménageables en rizière ou d’une solution proposée par Fanamby pour la pérennisation de l’activité rizicole (irrigation / digue de protection et irrigation / nouvelles terres…), devenue en vingt ans la culture principale de l’ensemble des paysans de la zone.

4.2 Place des arbres dans les systèmes de production  

L’arbre au sein de ce paysage constitue une ressource très utilisée dans la vie paysanne. Les produits qu’ils fournissent sont nombreux : bois de construction, bois de chauffe, fabrication des outils, plantes médicinales, nourriture (Tableau 6). Les espaces arborés ainsi sont multifonctionnels et « fournissent, en même temps, des produits et des services. » (Sibelet, 2007)11 utiles aux communautés.

La fonction première des arbres est de fournir des produits, pour l’autoconsommation (bois de chauffe, bois de construction, collecte), ou dans un objectif marchand (charbon, fruits), qui répond alors à une demande externe en cas de besoin de revenus monétaires. L’arbre est donc un élément important dans le système de production agricole du fait de son caractère multifonctionnel. « Parallèlement aux fonctions de productions de biens marchands, [l’activité

domaines sociaux, économiques et environnementaux » (Dulcire M, 2000). Et dans un système paysan où l’activité agricole est majoritairement vivrière, les ressources forestières, aux côtés des quelques cultures destinées à la vente, sont utiles à la création d’un revenu monétaire utilisé pour l’achat de biens de consommation quotidiens (café, sucre…). Selon la demande externe, il peut ainsi servir de complément de revenus au besoin, mais est surtout utile à l’autoconsommation.

 

Cependant, dans les périodes de crises et de difficultés liés à des rendements agricoles faibles notamment, les ressources forestières peuvent devenir la principale source de revenus, nécessaire à l’achat des biens de consommation indispensables (riz lorsque la production est insuffisante, aliments de base). Elles jouent en quelque sorte le rôle de « roue de secours ». C’est le cas aujourd’hui à Bekonazy notamment, où suite aux difficultés alimentaires liées à l’interdiction de la riziculture, les populations ont adopté une stratégie minière comme moyen de faire face à la crise. Les entretiens ont ainsi révélé que l’activité de fabrication de charbon est plus importante aujourd’hui qu’avant la coupure de l’eau, celle-ci étant devenue la première source de revenus. Le volume de production a augmenté et parfois doublé voire plus selon les capacités familiales, entraînant un contexte de concurrence pour l’accès au bois de charbon (visible notamment par l’évolution des règles coutumières d’accès et d’usage à cette ressource). Cette activité « refuge » est encouragée par une demande importante par la ville, Morondava. C’est donc une pratique qui permet de pallier le manque de revenus générés par les activités agricoles.

Aux côtés de ces fonctions économiques, les arbres remplissent également des fonctions sociales et symboliques, pour une famille, un lignage ou une communauté villageoise. « D’une part, en tant qu’élément visible du territoire, c’est une marque » (Lauga Sallenave and Sibelet, 1998 ; Lauga-Sallenave, 1996)12. Et la place des arbres dans l’organisation sociale et dans les représentations est telle que la reconnaissance de l’espace se fait à partir de ces derniers d’une part. Ainsi, dans la zone étudiée, les noms des villages sont des toponymes, ils reprennent souvent les éléments du paysage qui les constituent, particulièrement les éléments naturels : Bekonazy (Grand jujubier) ; Andrenalafotsy (aux Baobabs blancs) en sont des exemples. D’autre part, les arbres sont fréquemment utilisés dans les rituels et marquent la

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The rural tree has also social and symbolic functions. On the one hand, as a visible and perennial element in landscape, it is a mark ; on the other hand, as sheltering invisible pantheon, it is a signature”

relation entretenue avec les ancêtres. Cette fonction est remplie par l’ « hazomanga » poteau en bois (généralement de Cedrelopsis) détenu par le chef du lignage, et qui fait le lien entre les membres du lignage et les ancêtres lors des cérémonies lignagères (Fauroux, 1989).

Enfin, à niveau symbolique, les caractéristiques d’un arbre peuvent être se transférer sur un individu. Ainsi planter un Ficus Reflexa, localement appelé « Laza » (littéralement renommée, glorification) apporte la gloire et la prospérité. Les dénominations vernaculaires des arbres reprennent ainsi parfois ses caractéristiques visibles ou morphologiques mais également ses fonctions sociales ou symboliques au sein de la société, selon des processus d’association. Une étude ethnobotanique plus approfondie sur les savoirs locaux et permettrait d’approfondir ces caractéristiques.

Tableau 6 : Les Utilisation des arbres dans les communes de Bekonazy et d'Andranomena

Utilisations Espaces / types de bois Fonctions

Culture par défriche Brûlis Forêt secondaire Economique, sociale

Charbon Bois de défiche Economique (marchande)

Bois de construction permanente

Cedrelopsis grevei (« Katrafay »), Palissandre (« Manary »)

Economique Bois de construction

temporaire

Bois des forêts secondaires Economique

Bois de chauffe Bois de forêts secondaires Economique

Pharmacopée Cedrelopsis (« Katrafay »),

Tamarinier (« Kily »), Samotsy…

Sociale Plantes alimentaires Patates sauvages (« Ovy »), feuilles

de manioc (« Tavolo »)

Economique

Culture Bananiers, papayers, manguiers Economique (marchande +

autoconsommation)

Sacré Tamarinier (« Kily »), Baobab

(« Reniala »)

Sociale, symbolique Repère dans l’espace Baobabs, Tamariniers principalement Sociale

La pratique de culture sur abattis brulis contribue à l’appauvrissement des ressources ligneuses, principalement celles caractérisées par une croissante lente (Blanc-Pamard, 2005). Tous les paysans ayant vécu longtemps dans la zone signalent ainsi la quasi-disparition de certaines espèces, notamment d’espèces endémiques comme le Hernandia voyroni (« hazomalany »), le Securinega perrieri (« hazomena »). Ces derniers soulignent notamment la difficulté de plus en plus importante à trouver le bois dur (principalement Dalbergia

l’éloignement des lieux de collecte de ces bois, couplé avec la mise en place de lois sur l’exploitation et le prélèvement des bois, nécessitant aujourd’hui un permis onéreux, ce qui rend d’autant plus difficile leur utilisation.

Les transformations sociales et écologiques, ainsi que l’évolution des fonctions des arbres, dont la valeur marchande augmente sous le poids de la demande extérieure, ont des conséquences sur les modes de gestion de ces derniers, mais aussi sur l’évolution des usages autour de ces ressources.

La diminution d’une ressource entraîne la recherche d’une ressource de substitution, l’abandon de la pratique ou le cas échéant la recherche de la ressource rare en dehors du territoire. Quelques espèces restent notamment présentes sur le territoire, pour des raisons économiques, sociales, et culturelles. Ainsi les Baobabs sont nombreux dans la zone ; et l’on décompte quelques 298 individus au sein des 320 hectares de l’aire protégée de l’ « Allée des baobabs », abritant majoritairement des A. Grandidieri et une dizaine de A. Rubrostipa (compte effectué par le gestionnaire de l’AP en charge du suivi écologique de tous les individus de la zone). La présence d’une forte concentration de Baobabs confère à cette ressource une importance d’autant plus grande.