• Aucun résultat trouvé

D) Attentes des patients concernant le soin

1. Place de l’attente envers la prescription médicamenteuse

Selon Jean LEONETTI (cardiologue et politicien) « contrairement à d’autre pays comme l’Angleterre et l’Allemagne, la culture médicale Française relève plus du guérir que du

accompagner ».

« Selon Michael BALINT (psychiatre et psychanalyste) « le problème principal le plus

immédiat pour lequel le patient consulte, est la demande d’un nom à sa maladie ou la demande d’un diagnostic, puis en second temps la demande de traitement ». Il attend de

prime abord de rencontrer un soignant, car son automédication et les conseils du pharmacien ne l’ont pas soulagé. Le patient vient en consultation avec une plainte, des questions sur une source d’angoisse, une inquiétude, une souffrance, des douleurs. Il attend donc une

100 réassurance, des réponses et un traitement pour un soulagement, un soin et une guérison. « Le

malade n’est pas toujours soulagé ou guérit quand on lui dit qu’il n’a rien » (p34) [2]. « Les patients semblent aujourd’hui prêts à entendre qu’il n’y ait besoin d’aucun médicament pour les améliorer ou permettre la guérison, mais paradoxalement, s’il n’y a pas de prescription, ils expriment la sensation d’être venus pour rien, de ne pas avoir été pris en compte. Cette

absence de prescription médicamenteuse peut être vécue comme un sentiment d’abandon et d’impuissance (p126) [17 bis]. Dans la thèse de Florence HENION et Aline DIBLANC intitulée « la consultation sans prescription médicamenteuse », ces auteurs concluent que les médecins pensent que l’attente prioritaire des patients est l’écoute et le besoin d’être rassuré. Or, l’interrogation des patients montre que cette attente s’avère plus complexe que cela, voir même ambiguë car ils attendent un traitement, nuancé par une attente de diagnostic et de solutions à leurs problèmes. Ils disent pouvoir se passer de la prescription mais celle-ci manque quand elle est absente (p100) [17]. La prescription médicamenteuse crée le lien et justifie la consultation. C’est la trace que gardera le patient de cet échange avec le soignant. Elle est importante car il ne retiendra en moyenne que 10% de ce que le médecin lui aura dit oralement. La prescription semble parfois être le seul motif de la consultation, comme par exemple lors du renouvellement d’ordonnance chez le patient ayant une pathologie chronique, ou bien encore lors du renouvellement de la contraception chez la femme. Mais est-elle vraiment le seul motif de la consultation que d’obtenir un traitement quand on sait que certains n’acceptent pas d’avoir un traitement de fond et qu’il existe des contraceptions qui ne nécessitent pas de renouvellement régulier (stérilet) ? Certains patients ont pour motif de consultation la demande de prescription car ils ne trouvent pas d’autres moyens de rentrer en contact avec leur médecin, pour d’autres cela est un prétexte pour discuter avec le médecin autour d’une chose auquel ils se sont renseignés et ont réfléchi leur permettant de se mettre en situation d’égalité avec lui.

Une étude quantitative par entretiens téléphoniques, s’est intéressée à la pression de

prescription exercée par les patients [10]. Les questions posées aux patients étaient fondées

sur leur profil, les relations entretenues avec leur médecin, leurs attitudes face à la rédaction de l’ordonnance, d’un arrêt de travail ou d’une demande d’avis spécialisé et leur ressenti concernant le déroulement de la dernière consultation. Sur 1743 questionnaires exploitables, 1633 ont déclaré avoir bénéficié d’une ordonnance au cours de leur dernière consultation, 304 ont étés orientés vers un spécialiste et 208 ont déclaré avoir eu un arrêt de travail. Les patients étaient en accord avec l’ordonnance qui leur été délivrée dans 97% des cas, dans seulement 4 cas le traitement prescrit avait été jugé comme insuffisant et seul 6% affirmaient avoir demandé une modification de celle-ci. 40 % des modifications demandées

concernaient le contenu de l’ordonnance avec une demande d’ajout de médicaments qui

n’était pas en rapport avec la consultation dans 60% des cas, comme le renouvellement d’un traitement habituel : antalgiques (pour 48% des ajouts), contraception (pour 31.5% des ajouts), psychotropes (pour 15.5% des ajouts) ou une demande d’antibiotiques (pour 5% des ajouts). On peut se questionner sur la proportion importante de demande d’ajout d’antalgiques ? Est-ce une façon pour ces patients de dire au médecin qu’ils souffrent et cette demande d’acte de prescription correspondant alors à un souhait de prise en considération de leur douleur ? Pour une part plus faible la demande de modification d’ordonnance consistait à

101

vouloir supprimer des médicaments, pour raison de faible remboursement dans 5% des cas,

pour inefficacité dans 10.5% des cas et pour intolérance dans 21% des cas. Le reste des

demandes de modifications consistait à une volonté de remplacement du médicament : pour

intolérance dans 50% des cas, et pour une autre voie d’administration dans 42%. J’ai en effet remarqué dans ma pratique les demandes explicites concernant des préférences pour les voies d’administration, notamment pour les enfants, mais pas seulement, par exemple pour le paracétamol dont il existe une 50ène de formes différentes, les patients ont souvent leur préférence évoquant des raisons diverses parfois irrationnelles avec notamment des formes qu’ils ne supportent pas de prendre, auxquelles ils sont intolérant ou qu’ils trouvent plus efficaces. L’étude conclut qu’actuellement la relation médecin malade évolue dans le sens d’un équilibre. « L’acte de prescription s’ouvre au dialogue et s’inscrit au cœur de la relation interhumaine de soin. Elle n’est plus attendue comme nécessairement unidirectionnelle et centrale de « celui qui sait » vers celui « qui ne sait pas ». Il faudrait que les médecins

apprennent à transformer ce qui est parfois ressenti comme une pression, en participation consciente et constructive du patient. Certains médecins ressentent une pression de

prescription liée à l’influence du modèle sociétal, car l’exigence d’efficacité est actuellement le critère d’une médecine de qualité; ne pas prescrire pourrait être interprété comme une impuissance, un désinvestissement et une inaction, alors que la société impose une guérison rapide avec activisme dans le processus de guérison. Dans cette étude les médecins ont aussi exprimé la pression de la société actuelle qui accepte mal le statut de malade. La pression de prescription est un phénomène assez récent (notamment depuis que les médecins tentent de modérer leurs prescriptions), qui a fait l’objet de nombreuses études, elle est ressentie par un nombre non négligeable de praticiens et serait responsable de comportements thérapeutiques inappropriés. La relation médecin-patient tend à devenir la base sur laquelle s’élabore le soin. Une relation de confiance s’installe et c’est cela que recherche le patient, un suivi de sa santé et de celle de sa famille, des conseils sur son hygiène de vie, des conseils sur les orientations à prendre » [10].

Dans l’étude de terrain menée par Anne VEGA, elle observe que ce sont plutôt les médecins qui ont proposé aux patients des médicaments. Les praticiens évoquent l’influence directe de la demande de leur patientèle dans un contexte de clientélisme. L’approche clientéliste semble néanmoins en régression pour tous les médecins.

« Les malades sont d’autant plus satisfaits d’une consultation qu’ils ont reçu une information suffisante » (p40) [1]. Même si certains peuvent donner l’impression de ne pas vouloir savoir ils consultent quand même et c’est alors au médecin de chercher à comprendre pourquoi ils ne veulent pas savoir, souvent c’est parce qu’ils ont peur de la réponse. « Le besoin de savoir ne se résume pas uniquement au désir de n’entendre que des bonnes nouvelles. L’incertitude serait plus mal vécue que la connaissance d’un diagnostic voir d’un pronostic grave » (p73) [3]. La croyance de la pleine maitrise de la réalité, par la science et la technique, s’accompagne pour les patients d’une demande d’information plus exhaustive en relation avec une indéniable exigence sécuritaire. « Les patients attendent que l’on s’intéresse et que l’on aille au bout de leurs problèmes. Il faut apprendre à juger le niveau d’implication à donner à chacun des patients et il faut tenter de saisir le message derrière le message » (p59) [1].

102 « Un médecin qui voit trop de malade voit leur taux de satisfaction baisser. Les patients sont sensibles à la capacité d’écoute et de compréhension de leur médecin. Ils sont satisfait du suivi de leur prise en charge » (p40) [1]. L’écoute est un gage de prise au sérieux, d’une implication à la recherche de solution au problème, elle rassure (p74) [17]. « Les patients ont besoin de s’exprimer par la voie de différents types de communication, verbales et non verbales » (p64) [1].

Documents relatifs