I. Le système nerveux
6. Les pathologies du système nerveux périphérique
6.1. La maladie de Charcot-‐Marie-‐Tooth
6.1.5 Pistes thérapeutiques
A l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement médicamenteux efficace contre la CMT et les moyens de luttes se portent sur l’activité physique et les interventions chirurgicales contre des problèmes osseux. Plusieurs essais ont été réalisés en vue de soigner la CMT ou du moins d’atténuer ses symptômes. Ainsi, l’antagoniste de la progestérone, l’onapristone se trouve être efficace dans le modèle de rat CMT1A [35]. Il diminue la surexpression du gène PMP22, tout en améliorant la masse et la force musculaire de ces rats. Cette amélioration des fonctions motrices peut être expliquée par une diminution de la perte axonale [102]. Cependant, les antagonistes de la progestérone disponibles pour le moment, sont trop toxiques pour être administrés sans risque aux patients. Le traitement de souris CMT1A par de l’acide ascorbique améliore les symptômes cliniques et neuropathologiques probablement en inhibant la PMP22 par un mécanisme médié par l’AMPc [103]. Plusieurs essais cliniques randomisés ont débuté dans différents pays (Australie, Hollande, Etats-‐Unis d’Amérique, Italie, Royaume-‐Uni et France) impliquant 280 patients atteints de CMT1A dont 190 reçoivent le traitement actif. Trois essais d’une durée d’un an ont été publiés [104-‐106]. Toutefois, aucun d’eux ne démontre d’effet bénéfique de l’acide ascorbique.
Les pistes thérapeutiques dans la maladie de Charcot-‐Marie-‐Tooth 1A consistent à agir au niveau des différentes étapes de la maladie : diminuer l’expression de PMP22, limiter l'accumulation anormale et toxique de la protéine PMP22 dans les cellules de Schwann et empêcher la dégénérescence des nerfs périphériques.
De plus, des équipes de recherche se penchent depuis quelques années sur les effets favorables possibles d’une substance naturelle, la curcumine, sur les maladies génétiques rares. La curcumine est l’une des composantes du curry indien et est déjà largement utilisée dans les médecines traditionnelles en Inde et en Chine. L’équipe de Nakagawa vient de démontrer que des suppléments en curcumine administrés à des
souris atteintes de maladies neurologiques proches de cette neuropathie héréditaire humaine entraînent une diminution des lésions des nerfs visibles au microscope [107]. D’un point de vue fonctionnel, ce traitement s’est traduit par une amélioration des possibilités motrices chez ces animaux. En raison de l’absence de toxicité liée à la curcumine, des essais pourront être débutés chez l’homme dans les prochaines années [107].
L’accumulation de la protéine PMP22 entraîne ainsi une dégénérescence des axones périphériques des membres et une diminution du nombre de CS. La régénération des nerfs implique des interactions complexes entre les axones, les CS et la matrice extracellulaire. Une absence prolongée de contact entre les axones et les CS, conduit à une diminution progressive du nombre de ces dernières et à une perte de l’aptitude à la régénération. Il a été montré que les CS peuvent cependant survivre en l’absence d’axone grâce à la sécrétion de divers facteurs de croissance dont fait partie la Neurotrophine-‐3 (NT-‐3). Des chercheurs ont testé l’efficacité d’un traitement par la NT-‐ 3 sur deux modèles murins de la CMT1A [108]. Après une période de huit à douze semaines, ce traitement a permis d’améliorer de façon significative la régénération axonale et les processus de myélinisation associés dans les deux modèles. A la suite de ces résultats encourageants, les auteurs ont conduit un essai clinique NT-‐3/placebo randomisé en double-‐aveugle pour évaluer l’efficacité d’une administration sous-‐ cutanée de la NT-‐3 chez huit patients atteints de CMT1A. Après six mois de traitement, des améliorations significatives ont été notées chez les patients ayant reçu la NT-‐3, au niveau de la régénération des fibres myélinisées dans le nerf sural. Les dernières études tentent de remédier à la durée de vie relativement courte de la NT-‐3 en utilisant des anticorps agonistes circulants dirigés contre ses récepteurs. Le modèle murin Trembler qui présente une mutation de la PMP22 périphérique voit ses capacités de force musculaire et de remyélinisation grandement améliorées [109].
6-‐2 Fragilité héréditaire des nerfs périphériques à la pression
L'HNPP (Hereditary Neuropathy with liability to Pressure Palsies) est une neuropathie aussi appelée "fragilité héréditaire des nerfs périphériques à la pression" ou "neuropathie tomaculaire". C’est une neuropathie sensitivomotrice héréditaire, à
transmission autosomique dominante, caractérisée par la survenue d’accès transitoires et récidivants de paralysie dans le territoire bien défini d’un tronc nerveux. Ces accès sont souvent consécutifs à un traumatisme minime ou à une compression prolongée de la région. Cette neuropathie est due à un défaut de synthèse de la protéine PMP22. Ce défaut de synthèse est lui-‐même dû, dans près de 90% des cas, à une délétion de 1,5 Mb dans la région 17p11.2±12 incluant le gène PMP22 [110-‐112]. La région délétée est la même que celle qui est dupliquée dans la maladie de Charcot-‐Marie-‐Tooth de type 1A. Ce phénomène de duplication/délétion d’une séquence génomique identique est dû à un crossing-‐over inégal favorisé par la présence de part et d’autre de la région en cause de séquences partageant une forte homologie, appelées CMT1A-‐REP. Des mutations ponctuelles du gène PMP22 ont pu être mises en évidence dans de rares cas de HNPP. La biopsie nerveuse met en évidence des renflements focalisés de certains segments de la gaine de myéline (tomacules) (Figure 16). Le mécanisme de constitution des tomacules est considéré comme consécutif à une hypermyélinisation, en relation avec une anomalie de fonctionnement de la CS [113].
Figure 16 : Coupe d’une biopsie nerveuse d’un patient atteint de HNPP [110]. Cette coupe de nerf
marquée au bleu de Toluidine montre une zone d’épaississement de la myéline très important (tomacula) et des axones entourés ou non de myéline (x3400).
Le nombre de personnes souffrant d'HNPP n'est pas défini de manière précise. On estime actuellement que 2 à 5 personnes sur 100 000 sont atteintes, mais il reste possible que ce chiffre soit sous-‐évalué.