1. Mucoviscidose et infections bactériennes 1.4. Pili et flagelle de P. aeruginosa …Identifier, sonder, adhérer, cibler : le rôle des lectines La membrane cellulaire est une structure complexe composée de divers éléments enchâssés dans la bicouche lipidique. Elle présente notamment de nombreux glycoconjugués qui sont autant de marqueurs et de récepteurs conférant une spécificité et une identité à la cellule. Ces sucres exposés ainsi à la surface sont alors la cible de protéines spécifiques capablent d’identifier ces structures diverses : les lectines. Avant de s’intéresser plus particulièrement aux lectines bactériennes, rappelons que les lectines sont des protéines ou des glycoprotéines pouvant être d’origine variée : virale, bactérienne, végétale ou animale. Elles sont dépourvues d'activité enzymatique, n'appartiennent pas à un système immunitaire et sont capables de reconnaître spécifiquement des oligosaccharides complexes sans les modifier (Goldstein et al., 1980). Elles sont souvent multivalentes, soit parce qu’elles possèdent plusieurs sites de reconnaissance par molécule, ou bien parce qu’elles s’associent en multimères, ce qui explique le fait qu’elles peuvent précipiter des polysaccharides et agglutiner des bactéries ou des cellules telles que les érythrocytes (hemagglutination). L’adhésion bactérienne sur les tissus est souvent la première étape du processus d’infection et dans de nombreux cas, des lectines spécifiques sont impliquées dans la reconnaissance et l’adhésion aux récepteurs moléculaires exposés sur les tissus. Certaines adhésines interfèrent avec le système immunitaire, déclenchant des voies signalétiques chez la bactérie et la cellule hôte, assistant la livraison de molécules toxiques dans la cellule hôte et favorisant l’invasion bactérienne. C’est pourquoi ces protéines sont à juste titre considérées comme des facteurs de virulence et font aujourd’hui l’objet d’une attention particulière. Les lectines bactériennes connues sont associées aux fimbriae (pilis et flagelles), aux toxines, ou sont libres en solution. 1.4.1. Les pilis ou fimbriae Afin de déterminer le lieu le plus propice à leur colonisation, les bactéries ont développé une sensibilité à leur environnement proche (gradient de pH, de température, de lumière) rassemblé sous le non de « chimiotactisme ». Pour leur motilité, certaines bactéries se sont dotées d'appendices cellulaires leur permettant sonder la surface de la cellule hôte et se donnant la capacité de se déplacer dans le milieu. Ces organelles de surface sont respectivement les pilis et les flagelles. Les pilis de type IV Les pilis de type IV ont un diamètre de 5 à 7 nm et peuvent s’étendre sur plusieurs µm de longueur. Ils sont composés principalement de piline (protéine PilA), dont les monomères sont assemblés de manière hélicoïdale (5 sous-unités par tour) et qui peuvent être glycosylés et/ou phosphorylés. P. aeruginosa possède de nombreux pilis dont les mouvements de « twithing » dus à leurs propriétés rétractiles, permettent à la bactérie de se disperser sur les surfaces humides (Mattick, 2002). Les pilis de type IV sont d’une importance capitale dans la phase d’adhésion et la virulence de la bactérie (Hahn, 1997). Des travaux ont montré que les pilis de type IV étaient responsables de 90 % de la capacité d’adhérence sur les cellules pneumocitaires humaines A549 et responsables de 90% de la virulence sur les cellules de souris (Farinha et al., 1994). Les pilis de type IV se fixent aux glycosphingolipides asialo-GM1 et asialo-GM2 des membranes cellulaires épithéliales (Gupta et al., 1994). Des tests effectués avec les souches PAO et PAK ont permis d’identifier plus précisément le motif disaccharide GalNAc(β1-4)Gal des glycosphingolipides comme récepteur des pili (Sheth et al., 1994). Des tests d’interaction ont mis en évidence que seule l’extrémité du pilus interagissait avec les asialo-GM1 et qu’une boucle fermée d’un pont disulfure dans la région C-terminale de la sous-unite piline et comptant de 12 à 17 acides aminés semi-conservés, était impliquée dans la reconnaissance. Les données structurales ont par la suite mis en évidence que cette partie lectine est masquée par l’empilement du pilus et n'est exposée qu’à l’extrémité apicale (Hazes et al., 2000). Cette boucle C terminale est conservée chez d’autres types de pilis de type IV comme chez les bactéries N. gonorrhoeae et N. La structure tridimensionnelle de la piline MS11 de N. gonorrhoeae a été résolue (Parge et al., 1995) et permet de rationaliser les premières données structurales concernant les pili de P. aeruginosa (Keizer et al., 2001). Une hélice hydrophobe est fortement conservée et constitue sans doute l'architecture commune à ce type de protéine. L'extérieur de la fibre est constitué par un échafaudage fortement organisé de feuillets β rassemblés autour de l’hélice ainsi que par une région exposée d’une grande variabilité. Les structures cristallines de pilines tronquées des souches PAK et K122-A de P. aeruginosa ont également été résolues (Craig et al., 2003, Audette, 2004 #16) (fig.1.8). Figure 1.8. Structures cristallines de différentes pilines (a) structure tronquée de P. aeruginosa K122-4 (1QVE) (Audette et al., 2004); (b) P. aeruginosa PAK (1OQW) (Craig, Taylor et al., 2003); (c) piline MS11 de N. gonorrhoeae (1AY2)(Parge, Forest et al., 1995). Les pilis de type I Des pilis présentant un autre type d’assemblage dépendant d’une protéine chaperone CUP ont été identifiés à partir du séquençage du génome de la souche P. aeruginosa PAO1(Vallet et al., 2001). Les domaines terminaux présentent des homologies avec des adhésines de souches uropathogénes de E. coli : FimH qui contient un domaine lectine à mannose (Hung et al., 2002) et PapG qui contient un domaine spécifique de globoside (GalNAcβ1-3Gal〈1-4Galβ1-4GlcCer) (Dodson et al., 2001). Ces domaines lectiniques adoptent des repliements similaires de type β -sandwich allongé mais ont des sites de reconnaissance différents. Figure 1.9. Structures cristallines de domaines lectines d'adhésines fimbriales : (a) PAPG complexé avec le tétrasaccharide GBO4 (pdb 1J8R). (b) FimH complexé avec butyl- α-D -mannopyranoside (pdb 1UWF). (c)F17-AG en complexe avec le GlcNAc (pdb 1O9W) 1.4.2. Le flagelle P. aeruginosa possède un unique flagelle responsable de la motilité de la bactérie par un mouvement de type « swimming ». Ce flagelle partage une forte homologie structurale globale avec le système de secrétion de type III. Il se compose à sa base d’une structure « moteur » enchâssée dans la membrane bactérienne et dont la rotation est assurée par transport de proton, d’une partie supérieure dite « crochet » en raison de sa forme courbe, et d’un long filament flexible constitué de monomères de flagelline (protéine FliC) (Bardy et al., 2003, Berg, 2003) (fig.1.9). Au cours de la mise en place du flagelle, la flagelline est transportée à l’extrémité distale via l’intérieur du flagelle. L’empilement est assuré par la coiffe flagellaire (protéine FliD) (Ikeda et al., 1996) (Yonekura et al., 2000). Des travaux ont mis en évidence l’implication du flagelle dans la reconnaissance et l’adhérence sur les surfaces épithéliales (Simpson et al., 1992) et son implication dans la formation de biofilm (O'Toole and Kolter, 1998). Des tests d’interactions in vitro ont montré l’adhésion de la flagelline aux glycolipides GM1 et aux asialoGM1 (Feldman et al., 1998). Plus récemment, d’autres travaux ont montré que les flagellines adhéraient aux mucines MUC1 (Lillehoj et al., 2002). Figure 1.9. (a) Représentation du flagelle et localisation des différentes protéines le composant. (b) Vue stéréographique de l’association des flagellines (FliC) qui constitue le filament du flagelle. Données obtenues par microscopie électronique sur le flagelle de Salmonella typhimurium (Yonekura et al., 2003). Les protéines de la coiffe flagellaire (FliD) seraient également impliquées dans la reconnaissance des glycannes de l'hôte. La protéine FliD inhibe l’interaction de Pseudomonas aeruginosa sur des mucines (Arora et al., 1998). Deux types seulement de protéines FliD associées respectivement aux deux types de flagelline des souches PAK et PAO1 ont été recensés (Arora et al., 2000, Spangenberg et al., 1996). Des tests d’adhésion indiquent que la protéine FliD de la souche PAO1 (type B) reconnaît les glycoconjugués dérivés trouvés à la périphérie des mucines Flagellines (FliC) FliD Partie motrice de flagelle respiratoires humaines portant du Lewis x ou sialyl-Lewix x, alors que l’adhésion des flagellines se limiterait au Lewis x. En revanche, la protéine FliD de type A (souche PAK) n'est pas impliquée dans l'attache aux glycotopes Lewis x, sialyl-Lex, ou sulfosialyl-Lex (Scharfman et al., 2001). Cependant les domaines lectines de la flagelline et de FliD n’ont pas encore été localisés et caractérisés. Dans le document La lectine PA-IIL de Pseudomonas aeruginosa :<br />Structure, affinité et spécificité pour des ligands<br />naturels et glycomimétiques (Page 28-33)