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Les mécanismes de la céphalée de tension restent, à l’heure actuelle, encore méconnus. Les CT ne semblent pas posséder uniquement une étiologie psychogène selon la classification de l’IHS. En effet, cette dernière met en avant des causes diverses comprenant le stress, les syndromes anxio-dépressifs, des postures non physiologiques du haut du corps, l’abus de médicaments vasoconstricteurs ou antalgiques, de toxiques ou encore de dérèglements hormonaux (traitements ou carence hormonale). Tous ces facteurs aggravants ont été mis en évidence notamment par le neuropsychiatre H.G WOLFF (1950) ; le neurologue B.K RASMUSSEN (1993), la kinésithérapeute C. GOFFAUX-DOGNIEZ, et les professeurs R. VANFRAECHEM-RAWAY et P. VERBANCK (2003). [61]

Les recommandations de bonnes pratiques cliniques des céphalées chroniques quotidiennes (2004) de la Haute Autorité de Santé (HAS) définissent les céphalées dites « médicamenteuses » comme étant « le plus souvent une céphalée épisodique […] qui évolue

vers une céphalée chronique sous l’influence notamment d’un abus médicamenteux ». (Cf.

figure 29). Ce type de céphalée correspond à une prise d’un antalgique comme un opioïde ou d’anti-migraineux comme un triptan ou un dérivé ergoté plus de dix jours dans un mois. Si les antalgiques ne sont pas des opioïdes (comme le paracétamol ou les AINS), un abus médicamenteux est défini par la prise de ce type de médicament plus de 15 jours par mois. [62]

Figure 29 : Facteurs d’évolutions vers une céphalée chronique quotidienne. ANAES, service des recommandations

professionnelles, 2004. CCQ (Céphalées chroniques quotidiennes) : Diagnostic, Rôle de l’abus médicamenteux, Prise en charge, 2004. Disponible sur internet : < http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ccq_recos.pdf>.

(Consulté le 3 avril 2015).

Une étude réalisée par le neurologue M.B RUSSELL en 1997 et 1999 démontre également que des facteurs génétiques et environnementaux pourraient influencer l’apparition de céphalées de tension [63]. Pour ce qui est de la physiopathogénie, des mécanismes périphériques et centraux seraient impliqués dans les CT.

Concernant les facteurs périphériques, ils correspondent à des causes musculaires. La société française d’étude des migraines et céphalées (SFEMC) explique que lors de CT, la tension et la sensibilité des muscles péri-crâniens seraient augmentées (notamment les muscles trapèze, masséter, sterno-cléido-mastoïdiens et temporal).

D’après le neuropsychiatre G. GERAUD et al. (2010), la céphalée de tension serait également due à un dysfonctionnement du système nerveux central notamment des systèmes de contrôle nociceptif. A noter que ce paramètre central est présent seulement dans le cadre de CTC et non épisodique. Il existe également une tension au niveau des muscles péri-

crâniens encore plus accrue que dans le cadre de CTE. [56]. La SFEMC, confirme la notion que la céphalée de tension chronique serait « un mauvais fonctionnement des systèmes de

contrôle de la douleur que l’on retrouve dans d’autres douleurs dites fonctionnelles comme la fibromyalgie ». Le système de contrôle de la douleur serait modifié : une diminution de l’efficacité du contrôle inhibiteur descendant des nocicepteurs dans le complexe sensitif du nerf trijumeau du tronc cérébral ainsi qu’une hypersensibilité des structures myofasciales18. [64]. Cela a été confirmé par deux études faites respectivement en 1996 et 2006 par les neurologues L.BENDTSEN, R. JENSEN, J.OLESEN [65] et S. ASHINA, L. BENDTSEN, M. ASHINA & al. [66]

De plus, lors de la céphalée de tension, un mécanisme de sensibilisation centrale est présent via des neurotransmetteurs tels que la substance P, l’oxyde nitrique ou encore le CGRP19 [67]. Cela est expliqué par les professeurs V.DOUSSET et B.BROCHET [57]. Cette sensibilisation concerne les neurones situés dans la corne dorsale de la moelle épinière ou dans le système trigéminé. Ces neurones sont dits de «second ordre ». Ainsi, les neurones sont plus facilement excitables après application d’un stimulus20 nociceptif d’intensité modérée voire légère appliquée aux muscles du crâne et du cou. Cela correspond aux céphalées de tension épisodiques qui deviennent chroniques au cours du temps, par sensibilisation des structures nerveuses. La douleur est alors moins bien tolérée par les patients.

Aussi, dans le cadre de CTC, l’anxiété et le stress seraient fortement impliqués. En effet, le système limbique, responsable de l’émotion, favorise la contraction des muscles peri-crâniens via la sécrétion d’hormones dont le cortisol et agit sur le contrôle du système nociceptif endogène le rendant moins efficace. De surcroît, le neuroscience S. MARCHAND, évoque dans son livre « le phénomène de la douleur » que « selon D.D PRICE21 en 1999, la douleur est une perception et son interprétation est influencée par les expériences passées et les émotions du sujet » [68]. En 2004, le docteur E.A. JANKE et ses collègues, affirment

également que les syndromes anxio-dépressifs sont souvent associés aux céphalées de tension chroniques. [69]. Quant au chercheur L. VILLANUEVA, il a démontré avec son équipe

18

« Tissu conjonctif recouvrant les muscles »

19

Calcitonin gene-related peptide

20

« Tout évènement amenant une modification interne ou externe du corps » Livre S.Marchand- le phénomène de la douleur

21

en 2013 que « chez le rat un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de l’axe

hypotalamo-hypophysaire du stress contribue probablement à l’hypersensibilité nociceptive observée dans les douleurs associées aux céphalées primaires ». Il explique que des

projections de l’hypothalamus (dont la région comprenant le noyau paraventriculaire) se font sur le complexe sensitif du trijumeau, au niveau du noyau sous-caudal. [70]. Or, le noyau paraventriculaire est notamment responsable de la sécrétion d’hormone liée au stress et/ou à l’anxiété (CRF : corticotropin-releasing factor et adrénocorticotrophe). Ainsi, lors d’un état de stress, la décharge d’hormones serait telle, que les neurones du système trigémino-vasculaire seraient activés [71].

Les avancées de la médecine ne précisent pas si ce dysfonctionnement central serait inné ou acquis, suite à des épisodes de tensions épisodiques fréquents ayant évolués en chronique. Néanmoins, la longue étude de L. BUCHGREITZ et al. (2008) au Danemark sur 1000 sujets explique que les patients souffrant de céphalées de tension chronique avaient présenté au cours des 12 années précédentes, des épisodes répétés de CTE. Ils présentaient au départ une sensibilisation et un seuil de perception à la douleur normaux [72].

Nous pouvons donc conclure que les différents mécanismes décrits dans cette partie auraient un impact plus ou moins important dans la survenue des céphalées de tension :

- une consommation excessive de médicament responsable d’une diminution de l’efficacité des thérapeutiques peut provoquer une surconsommation. Il y a alors le risque de voir apparaître un cercle vicieux : le patient présente des douleurs, il consomme des médicaments mais plus il va consommer, moins les médicaments sont efficaces, moins ils sont efficaces, plus le patient a mal et plus il va consommer, etc.

- Les mécanismes périphériques correspondant à une tension ou une fatigue musculaire après une mauvaise posture ou encore des mouvements répétés.

- Les mécanismes centraux avec un contrôle inhibiteur descendant moins efficace et une hypersensibilisation des structures myofasciales.

- L’implication de l’hypothalamus notamment dans le cadre de stress ou d’anxiété responsable de la sécrétion de cortisol activant le système trigémino-vasculaire.

Par ailleurs, la localisation de certaines douleurs ressenties au niveau de la tête, serait le résultat du mécanisme des douleurs référées.