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3. Interactions entre cyanobactéries et bactéries 1. Concept de la phycosphère

3.2. Phycosphère en milieu marin

Depuis l’apparition de ce concept, la phycosphère a été largement étudiée en milieu marin. Ces études se sont intéressées à identifier la diversité de la phycosphère et à déterminer les interactions entre les bactéries et le phytoplancton eucaryote principalement.

Figure I. 9.: Schéma conceptuel illustrant l’association phytoplanctons-bactéries hétérotrophes au sein de la phycosphère. Cette association peut être positive (flèches à traits pleins) ou négative via les bactéricides et les algicides (flèches en pointillées). Au sein de cette association, les bactéries bénéficient de la matière organique produite par le phytoplancton et elles sont soumises à une augmentation des concentrations en O2 et du pH. En contre partie le phytoplancton associé bénéficie des nutriments inorganiques et de l’augmentation des concentrations en CO2. Des facteurs de croissance peuvent être échangés entre les deux communautés associées ainsi que des oligo-éléments et des composés inorganiques.

Phytoplancton Phytoplancton Fraction associée Fraction libre Phytoplancton Bactérie Hétérotrophe N, P, Oligo-éléments Augmentation du CO2, Diminution du pH, O2 Facteurs de croissances Nutriments inorganiques Matière organique Augmentation du O2 et du pH Production de bactéricides Production de algicides

Ces études ont permis de mettre en évidence plusieurs types d’associations (Cole 1982) qui vont du mutualisme (Bell et al. 1974) au parasitisme (Salomon & Imai 2006), traduisant la complexité des interactions qui peuvent exister au sein de la phycosphère (Figure I. 9.).

L’intérêt porté à la phycosphère des phytoplanctons eucaryotes marins résulte du fait que ces associations peuvent jouer un rôle important dans les flux de matière en formant des « Hot-spots » de matière organique dissoute (DOM pour Dissolved Organic Matter) dans les océans oligotrophes (Grossart et al. 2006, Azam & Malfatti 2007).

Ces interactions sont considérées comme étant spécifiques. En effet, la composition de la communauté bactérienne (BCC pour Bacterial Community Composition) associée au phytoplancton est différente de celle de la fraction libre (Grossart et al. 2005). De récentes études ont révélé l’existence de mécanismes d’interaction et de signalement moléculaire entre le phytoplancton et les bactéries qui sont similaires à ceux existants entre les plantes et les bactéries de la rhizosphère. L’étude de Amin et al. (2015) effectuée sur la diatomée

Pseudo-nitzschia multiseries et les bactéries qui lui sont associées montre que la sécrétion

de tryptophane par la diatomée peut attirer une large gamme de bactéries, mais ne ciblerait que les bactéries qui peuvent convertir le tryptophane en acide indole-3-acétique. La mise en place d’une interaction positive entre la diatomée et ces bactéries se traduit par l’augmentation de leurs biomasses respectives, en plus de l’échange de molécules essentielles tels que l'ammoniac et de composés organiques soufrés. Néanmoins, les communautés bactériennes associées aux proliférations du phytoplancton marin sont peu diverses et un nombre limité de taxa domine toujours ces proliférations (Teeling et al. 2012).

Peu d’études se sont intéressées aux phycosphères de cyanobactéries en milieu marin en comparaison des nombreuses qui traitent du phytoplancton eucaryote. Néanmoins ces études, qui ont souvent ciblées les cyanobactéries fixatrices de N2, ont mis en évidence plusieurs résultats intéressants. L’influence des cyanobactéries sur les bactéries (i.e. les bactéries chimiotrophes et phototrophes autre que les cyanobactéries) peut être positive (e.g. comme source de carbone) ou négative (e.g. compétiteurs pour les nutriments) (e.g. Renaud et al. 2005, Brauer et al. 2015). Par ailleurs, Paerl (1978, 1996b) a observé que les bactéries sont préférentiellement

attachées aux hétérocystes (Figure I. 10.) et pourraient donc être potentiellement impliquées dans le maintien de l'anoxie nécessaire à l’activité de la nitrogénase7.

Figure I. 10.: Photo en microscopie à contraste de phase de filaments d’Anabaena spiroides collectées durant une prolifération d’Anabaena dans le lac Okaro. L’hétérocyste (cellule sombre) est entouré par des bactéries qui lui sont fixées (Issue de Paerl 1978).

D’autre part, il a été démontré que la communauté bactérienne associée à la phycosphère de Nodularia spp. en mer baltique est différente de celle de la fraction libre (Tuomainen et al. 2006) et qu’elle possède les gènes nécessaires à la nitrification et la dénitrification, même si les activités liées à ces gènes n’ont pu être détectées (Tuomainen et al. 2003). De même, il a été montré que les cyanobactéries fixatrices de N2 peuvent soutenir la croissance de bactéries hétérotrophes en particulier dans les environnements pauvres en éléments nutritifs (Hietanen et al. 2002a) et que ces bactéries sont fonctionnellement différentes des bactéries de la fraction libre (Hewson et al. 2009). Une partie de l'azote fixé par les cyanobactéries tel que Trichodesmium, pourrait potentiellement bénéficier aux bactéries environnantes, en particulier à celles qui sont impliquées dans le recyclage de l’azote (Capone et al. 1994, Glibert & Bronk 1994, Mulholland & Capone 2000, Mulholland et al. 2004). Enfin, les travaux de Ploug (2008) et Ploug et al. (2010, 2011) sur Aphanizomenon sp. et Nodularia sp. ont suggéré que l'association étroite

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Nitrogénase : enzyme responsable de la conversion du N2 en N biodisponible. La réaction produit de l'ammoniac (NH3) qui est biologiquement disponible pour la synthèse d'acides aminés.

entre ces cyanobactéries et les bactéries hétérotrophes crée un micro-environnement de pH avantageux pour l'absorption du fer par les cyanobactéries qui libèrent à leur tour les produits de fixation de N2 à la communauté hétérotrophe. Ainsi l’association entre des bactéries et des cyanobactéries fixatrices de N2 pourrait fournir un avantage pour les bactéries hétérotrophes non fixatrices de N2. Ces agrégats de filaments de cyanobactéries offriraient un microhabitat permettant aux différentes étapes du recyclage de l’azote de pouvoir s’opérer (Figure I. 11.) (Klawonn et al. 2015).

Figure I. 11.: Représentation schématique des processus de transformation de l’azote qui peuvent potentiellement avoir lieu dans les agrégats de Nodularia spumigena représenté sur l’isoplèthe de O2 autour et à l'intérieur d'un agrégat dans des conditions d’air saturé en O2. La surface de l’agrégat est marquée par un cercle blanc. L’intérieur est anoxique et représente 5% de la surface totale de l’agrégat ce qui permet la coexistence des différentes transformation de l’azote en conditions aérobiques et anaérobiques. La largeur des flèches représente l'importance relative des taux nets mesurés dans des conditions de disponibilité du substrat après incubations de 9h. Les flèches en blanc indiquent le relargage net de NH4+ et l’assimilation net de NO3- par les agrégats (adapté de Klawonn et al. 2015).

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