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1.2 Description de l’appareil photosynthétique bactérien 44

1.2.1 Photosynthèse bactérienne 44

La photosynthèse est le processus par lequel des organismes terrestres et marins utilisent l’énergie lumineuse solaire pour la transformer en énergie chimique. C’est un des processus biologiques les plus importants et, d’un point de vue humain, il est très certainement à l’origine du développement et du maintien de la vie sur terre. Chez les plantes, les algues et certaines bactéries (les cyanobactéries), la photosynthèse oxygénique se traduit par la consommation de CO2

atmosphérique et le relarguage de l’oxygène moléculaire ainsi produit. D’autres espèces bactériennes sont également capables d’utiliser l’énergie lumineuse pour produire des composés organiques sans production d’oxygène, ce sont les bactéries photosynthétiques anoxygéniques.

1.2.1.1 Les bactéries photosynthétiques

Les bactéries pourpres et vertes ont la particularité commune de pouvoir effectuer la photosynthèse en absence d’air et sans produire d’oxygène. Ces bactéries présentent cependant une très grande diversité morphologique et physiologique, notamment au niveau des structures moléculaires de l’appareil photosynthétique et des pigments qui contribuent à assurer ce processus. Les nombreuses espèces de bactéries photosynthétiques contiennent en effet une importante variété de pigments de type bactériochlorophylles et caroténoïdes, dont la fonction principale est de capturer et transporter l’énergie lumineuse. Ce sont également ces pigments qui confèrent aux cultures bactériennes leur coloration distincte, du vert au pourpre en passant par le marron, le rouge et parfois le bleu-gris chez certains mutants sans caroténoïdes (Fig. 1-15).

Dans cette étude, nous nous intéresserons tout particulièrement au groupe des bactéries pourpres non sulfureuses (Rhodospirillaceae) (Pfennig and Truper, 1971; Pfennig and Truper, 1983) de la famille des bactéries pourpres, dans laquelle on retrouve également les chromatiacées et les

bactéries pourpres sulfureuses (Ectothiorhodospiraceae). Sur la base de l’analyse comparative de l’ARN 16S ribosomal, il est possible de distinguer deux subdivisions au sein de bactéries pourpres non sulfureuses (Woese, 1987), comprenant les genres suivants :

- Subdivision α: Rhodospirillum, Rhodophila, Rhodopseudomonas, Rhodomicrobium et Rhodobacter.

- Subdivision β: Rhodocyclus, Rhodoferax, Rurivivax

Chez les bactéries photosynthétiques, les pigments et l’appareil photosynthétique sont localisés et surexprimés dans des membranes intracytoplasmiques, qui se développent à partir d’invaginations de la membrane cytoplasmique. Selon le genre bactérien, ces membranes adoptent des formes différentes telles que des tubules, des lamelles ou des vésicules (c’est le cas chez Rhodospirillum rubrum).

Le mode de croissance privilégié de ces bactéries est phototrophique (sous anaérobie en présence de lumière). Cependant, ces espèces sont capables également de développer une activité respiratoire, en fonction des conditions de culture et des changements environnementaux imposés.

Ces organismes simples présentent donc un grand intérêt puisqu’ils produisent naturellement un nombre très important de membranes photosynthétiques, et par conséquent de grandes quantités de protéines membranaires liant les pigments photosynthétiques qui sont au cœur même du processus primaire de la photosynthèse bactérienne.

Figure 1-15 : Cultures de bactéries Rsp. rubrum. De gauche à droite : souche S1, G9+ et S1S.

1.2.1.2 Biosynthèse et organisation moléculaire des membranes intracytoplasmiques

Bien que la découverte des bactéries photosynthétiques remonte au 19éme siècle, les

développements de techniques permettant l’étude de la biogenèse des membranes

photosynthétiques sont apparus à partir de 1950. Il devint alors possible d’isoler par fractionnement et d’observer les membranes photosynthétiques bactériennes appelées alors « chromatophores » (Pardee et al., 1952). Plus tard, les observations microscopiques ont permis de montrer que les chromatophores prennent forme à partir d’invaginations de la membrane cytoplasmique (Cohen-Bazire and Kunisawa, 1963; Oelze and Drews, 1972) et que la structure et l’arrangement de ces membranes photosynthétiques différent selon le genre bactérien observé. Les membranes intracytoplasmiques se présentent sous forme de vésicules (Rs. rubrum, Rb. capsulatus), de thylacoïdes (Bc. viridis, Rp. palustris) ou de tubules (Rv. gelatinosus, Tc. pfennigii) (Drews and Pfennig, 1991). La formation et le développement de ces membranes sont influencés par des facteurs extérieurs comme la tension en oxygène et l’intensité lumineuse qui déterminent la différenciation membranaire et la formation de l’appareil photosynthétique (Cohen-Bazire and Kunisawa, 1963). D’autre part, la température et la concentration des substrats influencent la morphogenèse de l’appareil photosynthétique (Kaiser and Oelze, 1980). En fonction de ces conditions de croissance, il a été montré que la formation des membranes intracytoplasmiques coordonne simultanément la biosynthèse des phospholipides (lipides majoritaires) et des protéines et pigments (Fraley et al., 1979; Kaplan et al., 1983). A la fin des années 70, des études ont été menées pour caractériser la structure du photosystème bactérien surexprimé au sein des membranes intracytoplasmiques, notamment par microscopie électronique 2D (Miller, 1979).

1.2.1.3 Observation du photosystème bactérien en membrane native L’extraction et la manipulation des membranes photosynthétiques ont ouvert une nouvelle voie pour étudier la structure et la fonction de complexes protéiques en milieu membranaire. En 1982, Miller a proposé la première structure 3D des membranes thylacoïdales photosynthétiques de la bactérie Blastochloris viridis déterminée par microscopie électronique. Cette étude, dont les résultats sont toujours valides, a permis de montrer que cette membrane renferme très majoritairement le photosystème bactérien de manière quasi-cristalline et que celui-ci est composé d’un centre réactionnel entouré d’une antenne collectrice de lumière (Miller, 1982). En parallèle à ce travail, des chercheurs ont étudié le photosystème bactérien par des études de diffraction de neutrons et de rayons X, à partir d’échantillons contenant les protéines purifiées ou reconstituées. Dans ce contexte, la microscopie à force atomique (AFM) a permis de franchir un nouveau palier dans l’exploration de la structure moléculaire des membranes photosynthétiques depuis le début des années 2000. Cette technique permet en effet d’obtenir des topographes à haute résolution d’échantillons biologiques dans des conditions physiologiques. Si de nombreuses données

par cristallographie aux rayons X et par microscopie électronique, les images par AFM permettent d’observer l’assemblage supramoléculaire et l’état oligomérique des complexes protéiques au sein des membranes. Ces images confirment qu’il existe une très grande diversité architecturale des complexes photosynthétiques dans différentes espèces bactériennes, comme le montre la Figure 1-16.

Figure 1-16 : Différentes architectures de photosystèmes en membranes natives par microscopie à force atomique (AFM), issues de différentes souches bactériennes.

A : Blc. viridis ne contient que RC-LH1+ cytochrome; B : Rsp. photometricum, Phs. molischianum, C : Rps. palustris et D : Rb. blasticus renferment RC-LH1 et LH2. (Les modèles structuraux de RC-LH1 sont détaillés dans la partie b-ii de ce chapitre (Scheuring, 2006)

Le photosystème bactérien est composé de deux types de complexes photosynthétiques : les antennes collectrices de lumière périphériques LH2 (LH, pour light-harvesting) et les complexes cœur RC-LH1 renfermant le centre réactionnel (RC) entouré de la protéine antenne LH1. Les images de la Figure 1-16 montrent que les membranes photosynthétiques peuvent contenir le complexe RC-LH1 seul ou bien accompagné de la protéine LH2 selon les souches bactériennes. Bien que la protéine LH2 présente une forme circulaire peu variable, il semblerait que la protéine LH1, de forme majoritairement elliptique, soit beaucoup plus flexible, ceci étant dû certainement à la présence du centre réactionnel et à son rôle fonctionnel.

La fonction du photosystème consiste à convertir la lumière en énergie chimique. Les photons sont absorbés par les protéines antennes LH2 et LH1, puis l’énergie d’excitation est transférée au centre réactionnel où s’effectue une séparation de charges électriques (Fig. 1-17).

Figure 1-17: Représentation schématique des transferts d’énergie et d’électrons dans le photosystème bactérien.

Flèches oranges : énergie d’excitation et transfert d’énergie dans les antennes et centre réactionnel; flèches bleues : transport d’électrons ; flèches rouges : flux de protons ; flèches vertes : transport de quinones (Noy et al., 2006)

In vivo, les protéines LH1 sont intimement associées au centre réactionnel avec une stœchiométrie fixe 1 :1 et forment ainsi le complexe cœur RC-LH1. Toutes les souches bactériennes contiennent des complexes RC-LH1, tandis que la protéine LH2 n’est présente que chez certaines espèces. La

concentration de LH2 par rapport au RC-LH1 dans les membranes photosynthétiques est très variable et dépend essentiellement des conditions de culture (Scheuring and Sturgis, 2005). Lorsque les protéines LH2 sont présentes, elles contribuent à augmenter la surface accessible d’absorption de la lumière, et par conséquent à optimiser le rendement de photosynthèse.

1.2.2 Structures et variétés des complexes impliqués dans la