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Photographie spectrale et mécaniques de jeu

Chapitre I : Survival Terror

1.3 Tactiques de l'épouvante : Ressources

1.3.4 Camera obscura

1.3.4.2 Photographie spectrale et mécaniques de jeu

Dans « Complete Horror in Fatal Frame », Michael Nitsche relève les diverses références à la photographie spectrale dans les mécaniques proposées avec la camera obscura de Fatal Frame. D'abord, il explique que l'appareil est utilisée comme moyen d'exploration suite à une révélation par la photographie. « At times, the player has to take a picture of a location or of an object that radiates spiritual energy but does not present any ordinary visible spirit materialization » (2009, p. 207). Avec cette action, la photographie va se métamorphoser et révéler une autre image, faisant partie d'une énigme à résoudre ou apportant un autre indice sur le prochain lieu à découvrir. « This mechanism remediates the idea of the original spirit photography as a chemical/mechanical visualisation of an otherwise invisible ghostly presence » (idem.). Notons également que la camera obscura est un outil de localisation de phénomènes spirituels grâce au filament. Nous reviendrons sur ces caractéristiques reliées à l'exploration dans le prochain chapitre. Nitsche ajoute que l'image dévoilée sert de preuve du monde spirituel tout en aidant le joueur dans sa progression. « The better and more reliable this proof is, the more "real" the horror of the ghost world can become. [In] the game world of

Fatal Frame each hint is relevant and valuable for the player's progress through the game.

There are no wrong hints or false prophecies in these images, instead they are always "true" and operate like help functions in the game » (ibid., p. 208).

relèverait plus d'une chasse aux fantômes. Il existe dans toute la franchise Fatal Frame des fantômes errants (wandering ghosts), des esprits qui vont se matérialiser sans attaquer le joueur puis disparaître aussitôt. Tout en rappelant que la menace ressentie peut se manifester à tout moment, et de ce fait contribuer à la création de la terreur, le joueur est conduit à expérimenter un autre rapport avec ces brèves manifestations. Il doit se ruer vers l'esprit afin de le photographier rapidement avant qu'il ne disparaisse. Le spectre ne peut aucunement être exorcisé comme lors des combats, mais seulement être capturé sur une photographie servant d'archives. Cette mécanique de jeu fait partie d'un système de points bonus, récompensant le joueur devenu chasseur d'images pendant un court instant. « The successful ghost hunter collects ever more pictures in his virtual photo album, all proof for the existence of the ghost world, and is rewarded for it in the form of ever better camera equipment to deliver yet more evidence » (ibid.). Plus le joueur accumule de points, plus il pourra augmenter les capacités de la camera obscura. En cours de jeu, de nouveaux équipements et lentilles seront disponibles. Parmi ceux-ci, nous retrouvons les lentilles Pression, Détonation, Zéro, Choc, Ralenti et Transpercement (Pressure, Blast, Zero, Blow, Slow et Pierce), puis les équipements Alarme, Évasion, Changement et Traque (Alarm, Evade, Switch et Track). Ces nouveaux atouts faciliteront les tactiques de jeu et les combats.

Pour finir, la mécanique principale de la camera obscura est le combat par l'exorcisme. En tant que ressource offensive, elle offre divers types de munitions photographiques. Partant du moins efficace au plus fort nous retrouvons les pellicules ; Type-07, Type-14, Type-61, Type-90, Type-Zero. Leurs pouvoirs exorcisant et leur vitesse de chargement diffèrent selon leur type d'efficacité. Le temps entre la prise de deux photographies et les dommages possibles sur l'assaillant varieront en conséquence du type choisi. Le joueur doit sélectionner judicieusement ses munitions. D'une part, utiliser un type-90 sur un fantôme errant qui ne peut être exorcisé ne serait pas une gestion optimale de l'inventaire déjà restreint. D'autre part, comme nous l'avons vu précédemment, un phénomène de rareté des pellicules plus efficaces amplifie l'idée de vulnérabilité et la peur. Par exemple, si le joueur est seulement armé du type- 14 plus commun, les combats durent plus longtemps. Le fantôme est plus difficile à anéantir et

la possibilité de commettre une erreur augmente. Lors des combats, les capacités du joueur sont sollicitées de part son adresse et ses réflexes. Il doit attendre au dernier moment pour exorciser le fantôme avec la prise de photographies. Si nous reprenons les propos de Shibata, la camera obscura a été conçue dans l'optique de pouvoir gérer la peur jusqu'à la dernière seconde afin que le joueur soit dans l'obligation de faire face à l'horreur fantomatique et de ne contre-attaquer qu'au dernier moment. Plus il attend que la camera obscura soit chargée de pouvoirs d'exorcisme tout en ciblant le spectre dans la mire, plus il pourra infliger des dommages. Cependant, cette attente place son personnage-joueur dans une situation plus périlleuse. L'implantation de ce genre de mécaniques de jeu favorise l'instauration de la peur en misant sur un rapport de proximité du danger. Nous reviendrons sur la relation au temps et à l'espace dans le chapitre deux.

Nous avons examiné la peur vidéoludique avec le modèle de Juul et le système de sanctions lors d'erreur de la part du joueur. Nous retrouvons également un système de récompense et de validation des dommages infligés sur les spectres. Lorsque le joueur réussit à photographier un revenant, divers messages vont apparaître afin de lui indiquer le statut de son attaque. Nous retrouvons par exemple : Chance d'Obturateur, Coup Ciblé, Coup Rapproché, Cadrage Fatal et Anéantissement (Shutter Chance, Core Shot, Close Shot, Fatal

Frame et Just Kill). Le statut cadrage fatal renvoie à la meilleure attaque qu'un joueur peut

faire, infligeant le plus de dommages, tandis que le statut anéantissement, comme son nom l'indique, renvoie à la notion que le combat est terminé, la menace est anéantie. Les photographies prises durant les combats sont les seuls vestiges qui restent de la présence fantomatique. Dans Fatal Frame III, il est intéressant de noter que ces photographies peuvent être conservées dans des albums virtuels. Nitsche souligne que Fatal Frame met l'emphase sur la photographie comme étant un moyen de documenter la réalité de l'existence des fantômes. Pourtant, « [p]roving the ghost's existence is directly connected to their exorcism. The camera continuously proves the presence of the ghosts and at the same time fights them through its exorcist powers. Photography is the proof as well as the means to destruction and the player constantly engages in a form of destructive documentation » (ibid., p. 208). La camera

obscura implique le joueur dans la production des preuves de l'existence du monde spirituel de Fatal Frame III. Nitsche explique que ces preuves sont toujours vraies puisqu'elles aident le

joueur dans la progression du jeu. De plus, la camera obscura relie et connecte le joueur non seulement avec le monde des morts virtuel, mais avec tout l'univers du jeu. Elle permet de scruter l'environnement du Manor of Sleep avec une autre vision.