• Aucun résultat trouvé

a) Le phosphore : un élément essentiel pour les plantes et non substituable

Le phosphore est un élément nutritif indispensable aux végétaux et quasiment non substituable (Raghothama 1999). Il intervient dans le matériel génétique, mé-tabolique, structural et de régulation. Les teneurs en P des tissus des végétaux bien fertilisés varient entre 4 mg P g-1 à 15 mg P g-1 (Broadley et al. 2004). Il entre dans la composition des acides nucléiques et les nucléotides, les intermédiaires phospho-rylés du métabolisme énergétique, les phospholipides membranaires et des tissus sous forme d’inositol phosphate dans les graines. Une partie du P des tissus existe sous forme de protéines phosphorylées et de phosphate inorganique (Pi) et de pyro-phosphate (PPi). Les petits métabolites, des acides nucléiques et des phospholipides contribuent équitablement à la teneur en P des feuilles des plantes bien pourvues en P (Dormann and Benning 2002; Marschner and Marschner 2012).

Acides nucléiques

Le P est un composé essentiel de l’ADN et l’ARN où il établit un pont phosphodiester liant les desoxyribonucléotides ou ribonucléotides. Par exemple dans les feuilles non sénescentes, 50% du Pi se trouve dans les acides nucléiques dont 80% dans les ARNr (Veneklaas et al. 2012). Les besoins en ADN et ARN sont importants dans les tissus à division cellulaire rapide et/ou en expansion (zone méristématiques par exemple). En cas de limitation en P, les teneurs en ADN et ARN peuvent être réduites et affecter la vitesse de croissance (Raven et al. 2005). De plus, le P est nécessaire pour la photosynthèse et la respiration sous forme d’ADP, pour les transferts d’éner-gie sous forme d’ATP et GTP, pour les réactions de biosynthèse sous forme de NADPH

et comme molécule de signal (GTP et cAMP). La dépendance à l’ATP peut être ré-duite en réorientant certaines voies métaboliques et en utilisant des pyrophosphates comme substrat énergétique (Hammond et al. 2004).

Les métabolites phosphorylés

De nombreux composés phosphorylés interviennent dans le cycle de Calvin, la pho-torespiration, la glycolyse, la voie des pentoses phosphates, l’assimilation de l’azote et du soufre, le métabolisme des acides aminés et des nucléotides et les voies métaboliques associées à la synthèse des polyphénols et de la lignine. Il existe une flexibilité aussi pour ces voies métaboliques en situation de manque de P (Vance et al. 2003).

Les phospholipides

Dans les membranes cellulaires, le P intervient dans la composition des phospholi-pides (phosphatidyl serine, phosphatidyl ethanolamine, phosphatidyl choline, phos-phatidyl inositol et diphosphos-phatidylglycerol) et des composés intermédiaires lors de leur biosynthèse (Somerville et al. 2000; Ohlrogge and Browse 1995). En plus de leur rôle structural, les phospholipides servent de substrat pour la production de signaux biochimiques comme l’inositol triphosphate (IP3), diacylglycerol, lysophosphatidyl choline et d’autres composés de la famille des inositol, choline, ethanolamine, sé-rine). Les lipides membranaires sont nécessaires pour les tissus photosynthétiques et les tissus en croissance (division et expansion cellulaire). Les membranes thyla-koïdes des chloroplastes sont composées majoriatairement de sulphoquinosyl-diacylglycerol (SQDG), digalatosyldiacyglucerol (DGDG) et monogalatosyldiacyglyce-rol (MGDG). L’utilisation de ces lipides pour la composition de leurs membranes des chloroplastes, permet aux plantes de réduire leurs besoins en phospholipides. En cas de déficience en P, les proportions de SQDG, DGDG et MGDG dans la composition des membranes augmente contribuant ainsi à économiser du P (Dormann and Benning 2002; Andersson et al. 2003; Jouhet et al. 2004; Kobayashi et al. 2006). Cette propriété est étudiée dans le cadre d’un Pari Scientifique (2014-2015).

Le phosphore inorganique et les formes de stockage du P

Pour des plantes bien pourvues en P, plus de 85% du Pi est localisé dans la vacuole (Marschner and Marschner 2012). En cas de déficience modérée en P, la concentra-tion en Pi de la vacuole diminue rapidement pour maintenir en Pi du cytoplasme entre 3-20 mM (Mimura 1999; Lee et al. 1990). En cas de déficience en P plus sévère,

le P associé aux acides nucléiques, les lipides et les petits métabolites diminue. Contrairement aux autres tissus, les concentrations en Pi dans les graines sont faibles et la fraction dominante du P est le phytate (IP6). Pour des plantes bien pourvues en P, 50-90% du P total des graines est sous forme de phytate (Lott et al. 1995; Nadeem et al. 2011; Park et al. 2006), mais cette fraction diminue en cas de déficience en P (Nadeem et al. 2013). D’après Lott et al. (2000), les quantités de P dans les graines correspondent à 65% des quantités de P appliquées sous forme d’en-grais à l’échelle globale.

Enfin, une petite partie du P, joue un rôle important dans la régulation d’activités enzymatiques par phosphorylation-dephosphorylation de protéines.

Rapport stœchiométrique N:P

Dans les tissus des végétaux, il existe une corrélation positive entre les concentra-tions en P et en N organique dans les parties aériennes. En milieu naturel, le ratio N:P exprimé en masse varie entre 5:1 et 40:1(Broadley et al. 2004). La teneur en N des feuilles est proportionnelle à la teneur en P des feuilles à la puissance 3/4 (NLPL3/4) (Niklas et al. 2005). Le ratio 10:1 est proche du ratio critique N orga-nique:P pour les cultures. Généralement un ratio inférieur à 13.5 indique une limi-tation par N de la croissance, tandis que des ratios supérieurs à 16 indiquent une limitation de la croissance par P (Tessier and Raynal 2003). Les relations stœchio-métriques entre N et P sont liées au besoin de N pour les protéines et de P pour les acides nucléiques, les membranes et le métabolisme. Le taux de croissance (RGR relative growth rate) est corrélé positivement avec la concentration en ARNr et négativement avec la concentration en protéines (Elser et al. 2000; Ågren 1988). Les herbacées à croissance rapide en milieu riche tendent à avoir des concentrations supérieures en N et P mais des ratios N:P bas par rapport aux espèces à croissance plus lente de milieu appauvris (Güsewell 2004; Grime 2006). Le ratio N:P augmente avec l’âge de la plante, avec la diminution du RGR ou varie suivant les tissus. Ainsi les tissus de structure ont des ratios N:P plus élevés que les tissus métaboliquement actifs (Kerkhoff et al. 2006; White and Veneklaas 2012; Grant et al. 2001; Nadeem et al. 2011). Ceci explique les besoins élevés de P durant les phases juvéniles (voir la partie Résultats).