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règle dite d'asymétrie permettant de prévoir, pour les molécules à atome de carbone asymétrique, l'activité optique. Si au début, les premières vérifications qualitatives semblent confirmer cette loi, par la suite les exceptions devinrent de plus en plus nombreuses ce qui provenait évidemment du fait que la structure des molécules est en réalité plus complexe qu”on ne l”imaginait alors. Il n'en reste pas moins que furent ainsi ouvertes d'intéressantes voies nouvelles d'investigation dans le domaine de la stéréochimie.

Dans cette même discipline, il s'occupa très activement de la détermination de diverses propriétés des gaz: compressibilité, densité, point critique, souvent par des méthodes nouvelles qu'il s”efforça continuellement de rendre toujours plus précises. Cela l”amena, entre autres, à donner une signification plus claire des constantes a et b de l'équation des gaz de van der Waals. Ces études lui montrèrent, en outre, que certains composés sont encore polymérisés au point critique.

Mais ce sont les travaux relatifs aux poids atomiques qui constituent indiscutablement la partie la plus importante de l”oeuvre scientifique de Guye puisque près de cent mémoires leur sont consacrés. On peut relever à ce sujet, un exemple particulièrement caractéristique de la manière de travailler de Guye; c*est celui du poids atomique de l”azote. Le savant belge Stass avait déterminé, par différentes méthodes chimiques, le poids atomique de l”azote ; la moyenne de ces résultats, en bonne concordance entre eux, était de _ 14.044. De son côté, Guye par des procédés physicochimiques basés sur des mesures de densité, trouvait 14.005. Cette différence étant inacceptable, Guye se mit au travail avec ses collabora-teurs pour en rechercher les raisons. Après quatre années d'effort, ils purent montrer que leurs propres résultats, entre les méthodes purement chimiques et les méthodes physico-chimiques, étaient en très bon accord ; ils obtenaient 14.009 pour les premières et 14.008 pour les secondes. Ils recherchèrent alors les raisons des erreurs du chimiste belge et purent ainsi montrer que les méthodes utilisées par ce dernier n”étaient pas susceptibles de donner la deuxième décimale avec exactitude et que, d'autre part, le poids atomique de l”argent, qui avait servi de base à ces mesures, était insuffisamment précis. Quoique ces résultats de l'Ecole Genevoise aient été très remarqués, ce ne fut qu'en 1907 que le Comité International des poids atomiques se décida à adopter la nouvelle valeur pour le poids atomique de l”azote et plus tard encore, en 1909, la valeur de 107,88 pour le poids atomique de l”argent. Parmi les travaux de Guye et de ses collaborateurs dans ce domaine, on peut encore signaler ceux se rapportant aux poids atomiques du chlore, du brome, du soufre et du carbone et à la révision des points critiques des gaz purs.

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Four genevois invente' par P.-A. Guye

Parallèlement à ces travaux de chimie physique, Guye consacra une part importante de son temps à des recherches en chimie industrielle. Il s'intéressa toujours d”ai1leurs à l'ensemble des problèmes posés par la grande industrie chimique, aussi bien dans leur aspect économique (sources de matières premières, avenir, développement) que scientifique et technologique. C”est ainsi qu'il mit ses remarquables connaissances scientifiques au service des applications de la chimie, conscient qu'il était de la nécessité de rendre toujours plus étroites les relations entre la chimie théorique et la chimie industrielle pour le développement de l'industrie. Il allait donner ainsi une impulsion nouvelle à la chimie appliquée.

Les premières recherches de Guye et de ses collaborateurs dans ce domaine portèrent sur les oxydes d'azote et plus particulièrement sur la fixation de l'azote sur l'oxygène au moyen des décharges électriques dans l'air; ce fut et demeura, avec ses collaborateurs, notamment son fidèle élève et successeur le professeur Briner, un des plus importants sujets de recherches de l”Institut de chimie physique et technique.

C”est parce que Guye avait prévu l'importance que cette industrie allait prendre, en particulier pour la fabrication des engrais et des explosifs qu°il entreprit ces importantes recherches dans le domaine des oxydes d'azote.

Il écrit d”ailleurs dans l'important chapitre qu`il consacre à ce sujet, dans l'ouvrage «Principes et application de Félectrochimie» qu'il publie avec Dony Hénault et Gall: « Il ne semble donc pas exagéré d`affirmer que cette nouvelle industrie sera un des événements les plus considérables du XXe siècle ››.

Dans cette étude, Guye et ses collaborateurs vont mettre en oeuvre toutes leurs connaissances scientifiques pour développer ce procédé; il s”agissait surtout d”améliorer la formation de lloxyde d°azote dans l”arc électrique et de concevoir Pappareillage nécessaire à cette fin. C'est en 1893 qu”il commence ce travail en collaboration avec Aloys Naville et en 1895 déjà, ils exposent les principes de l'équilibre entre l°azote, l”oxygène et l”oxyde d”azote dans la décharge électrique, montrent notamment le rôle important de la concentration de l'oxygène et de l”humidité dans l'air et confirment que de hautes températures sont nécessaires pour l”obtention d'une teneur acceptable en oxyde d'azote des gaz sortant du four. Ils déterminent également l'influence de la nature, de la forme, du volume et de la température de l'arc sur ces équilibres.

En 1895 et 1896, ils prennent les premiers brevets d'intérêt industriel pour ce procédé et développent un four à plusieurs arcs en éventail disposés en série, qui a l”avantage d”être particulièrement stable. C'est le four Guye qui sera appelé Four Genevois pour rendre hommage à tous ceux qui, à Genève, ont participé à son élaboration. Des essais pilotes 43

furent d'abord réalisés à Chèvres, près de Vernier, mais ce procédé sera surtout développé en France par la Société La Nitrogène et par la Société Electrométallurgique française pour utiliser l”énergie des grandes cen-trales électriques au moment de leurs heures perdues. Mais ce fut plus particulièrement en Norvège, à cause du prix peu élevé de l'énergie électrique que le procédé à l'arc d'obtention de l”acide nitrique à partir de l'air, prit un essor véritablement industriel. Des usines importantes ont été construites en utilisant cependant principalement un four diun autre type, celui de Birkeland et Eyde. Q_uoiqu'il en soit, ce procédé, dont les défauts essentiels sont la faible teneur en oxyde d'azote des gaz sortant des fours et la forte consommation en énergie électrique, a été complètement abandonné par la suite pour le procédé d'oxydation de l'ammoniac qui a connu, surtout depuis la première guerre mondiale, un développement considérable.

En dépit de cette évolution de Finclustrie de l'azote, les nombreux travaux effectués dans le domaine des oxydes d'azote à cette époque et en

particulier reine rie (ïnye-; rnnservent tout leur intérêt mnt du paint (le viie

fondamental que de celui des applications. Il est d'ailleurs intéressant de signaler à ce propos, que ces résultats ont été largement pris en considération pour l”étude aux Etats-Unis d”un procédé récent de synthèse, le procédé Wisconsin qui a été opérationnel durant plusieurs années et qui reste actuellement en attente pour répondre à un éventuel besoin accru d'acide nitrique. Ce procédé est basé sur les mêmes principes que celui de l'arc mais le chauffage est effectué avec des combustibles bon marché, et comprend un système complet de récupération de la chaleur soigneusement mis au point. Il confirme le point du vue qui a été longtemps très controversé que l'électricité ne joue pratiquement aucun rôle spécifique dans la formation de NO dans l”arc et que celui-ci n`intervient donc que pour porter l`air à une température suffisamment élevée.

Le deuxième problème diapplication abordé par Guye (en 1900 déjà) fut celui de l'électrolyse des solutions aqueuses de chlorures alcalins. A cette époque, ces études avaient comme but essentiel l'obtention de la soude ou de la potasse caustique; ce ne sera que plus tard, après 1930 lorsque les besoins en chlore se feront sentir d'une façon de plus en plus importante que les grands développements technologiques auront lieu.

Mais Guye avait déjà entrevu le grand avenir de ce procédé.

Le type de cellule ayant fait l°objet des investigations de Guye était à diaphragme à résistance de diffusion élevée et sans circulation de l'électrolyte dans le compartiment anodique.

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Toujours soucieux des véritables problèmes industriels, Guye chercha les conditions de formation des hydroxydes alcalins permettant les meilleurs rendements. Ceux-ci dépendent en effet de la part que prend dans l'opération la recombinaison du chlore et de la soude pour donner des hypochlorites ou des chlorates. Il fallait donc éviter, dans toute la mesure du possible l'accès des ions OH- dans le compartiment cathodique où se forme le chlore. Les diaphragmes utilisés alors empêchaient pratiquement toute migration physique des particules d'un compartiment à l'autre; les pertes provenaient alors uniquement des migrations électrochimiques des ions OH_ dans le compartiment cathodique.

Prenant en considération simultanément les aspects théoriques et les résultats expérimentaux, Guye établit une très intéressante relation entre le rendement instantané (rendement en courant à un moment donné) et la teneur de l'électrolyte en alcali. Il s`inspira pour cela des travaux de Hittorf (1853) sur le transport du courant dans les électrolytes. Il introduit en fait, sans les nommer, les mobilités relatives des différents ions. Il montra que l'on peut négliger les paramètres température (puisque les électrolyseurs fonctionnent à température constante) et concentration du chlorure (l'électrolyte a toujours une concentration proche de la satura-tion). Cette relation variable avec le type de chlorure utilisé indique comment le rendement baisse avec Faugmentation de la concentration de l'alcali.

Si par la suite, des technologies se sont développées pour améliorer les rendements aussi bien en courant qu'en énergie et qu'en conséquence, le type de cellule utilisé par Guye a été abandonné, il n”en reste pas moins que cette relation, dans son essence, reste valable pour tous les cas en électrochimie dans lesquels un des produits de l'electrolyse est lui-même un électrolyte.

En dépit des charges considérables qu'il assumait, P.-A. Guye s'occupa encore activement des problèmes posés à Genève par l'enseignement, les travaux pratiques et la recherche en chimie. C”est ainsi que fut créé en 1910, sous son impulsion, le titre d'ingénieur-chimiste et qu”en 1911 les programmes des étudiants en chimie, pour être en bon accord avec ce titre, et les harmoniser avec ceux des hautes Ecoles Techniques, ont fait l'objet d'une importante révision. Ce fut un très grand progrès et les diplômes de Genève furent ainsi mis sur un pied d'égalité avec ceux de ces écoles, ce qui favorisa les débouchés des étudiants dans l”industrie où ce titre avait déjà une valeur sûre.

Il peut être curieux de signaler ici que par suite d'une fâcheuse confusion et d”une conception erronée de la signification d'ingénieur, le 45