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Des phases porteuses peu favorables à la mobilité des métaux

Chapitre 4 - Evolution des matériaux au cours du temps sous l’influence de facteurs

3. Résultats

2.2. Des phases porteuses peu favorables à la mobilité des métaux

Pour une même modalité de Technosol, les teneurs totales en éléments en traces se sont révélées plus élevées sur les parcelles que dans les colonnes, les valeurs pouvant être plus de trois fois supérieures pour Cd et Zn. En revanche, les tendances en termes d’évolution des phases minérales dans les Technosols construits sont similaires pour les parcelles et les colonnes après lixiviation. Seule l’évolution de la teneur en Sio diffère entre les deux dispositifs avec, sur les parcelles, une teneur en Sio inférieure ou égale à celle de Sid, alors que l’inverse est observé en colonne. Ces variations pourraient être expliquées par la différence de qualité des lots de boues industrielles utilisés pour la construction des sols. En outre, les matériaux ont été tamisés à 2 mm pour construire les sols en colonne, tandis qu’un simple criblage a été mis en œuvre lors de

la construction des parcelles.

L’effet direct de précipitations sur la formation et l’évolution précoce des phases minérales n’a

pas été observé clairement sur le dispositif en parcelles. Une tendance à l’augmentation des teneurs en oxydes de fer amorphe et en allophanes a été observée durant les 10 premiers mois

in situ. Ces processus ont été observés plus nettement en conditions contrôlées, où la lixiviation forcée des Technosols conduit à une augmentation des teneurs en allophanes et en oxydes de Fe amorphes et de Mn, notamment dans BTSB. Il est probable que la dissolution des phases minérales contenant du Fe, comme FeCl3, a été impliquée dans la création de nouveaux oxydes de fer. Dixon et al. (1989) ont observé la précipitation de nouvelles phases minérales ferreuses, telle que la ferrihydrite, à partir du Fe libéré lors de la dissolution des phases primaires.

Dans les premiers stades d’évolution des sols, l’apparition de ces nouvelles phases porteuses suite à la lixiviation et l’augmentation du pH dans le domaine alcalin ont tous deux contribué à

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la réduction des fractions échangeable et extractible des éléments en traces. Zhou et al. (2014) ont montré que le pH du sol et les concentrations en Pb et en Cd échangeables sont négativement corrélées. En effet, la mobilité et la biodisponibilité des métaux augmentent lorsque le pH du sol diminue, parce que les faibles valeurs du pH favorise la transformation des métaux d’une forme immobile (e.g. carbonate et formes liées aux oxydes de Fe et de Mn) à une forme biodisponible (échangeable ou extractible au DTPA) (Xian et Shokohifard 1989; Li et al. 2014). Par ailleurs, les oxydes de Fe et de Mn sorbent et combinent les ETM à un degré plus fort que d’autres phases minérales porteuses ce qui a pour conséquence de diminuer leur disponibilité (Du Laing et al. 2009). Ainsi, Michálková et al. (2014) ont prouvé que l’application au sol

d’oxydes de Fe et de Mn conduit à la diminution des concentrations en Cd, Cu et Pb échangeables de plus de 90 %.

La diminution de la teneur en Cd biodisponible observée en conditions contrôlées pourrait être attribuée à la perte importante de Cd par la lixiviation (12 % de la quantité pseudo-totale). En conditions climatiques réelles, cette même diminution observée sur les parcelles in situ en octobre 2014 serait à mettre en relation avec les conditions d’hydromorphie des sols. En effet, les oxydes de fer et de manganèse sont dissous lorsque les conditions deviennent réductrices. Dès lors, il s’en suit une libération des éléments en trace qui étaient auparavant adsorbés sur les surfaces desdits oxydes (Zhang et al. 2003). Or, les parcelles ont subi un ennoyage temporaire durant l’hiver 2013-2014 ; cet ennoyage ayant touché plus particulièrement les parcelles BTS, BTSM et BTSB (Figure 27). Cela expliquerait la forte diminution des teneurs en oxydes de fer dans ces parcelles dans les prélèvements qui ont suivi cet épisode.

Figure 27: Vue des quatre parcelles de sols construits lors de la visite du 14/10/2014. BT – terre de biocentre, BTS, BTSM – BT + boues industrielles, BTSB – BTS + biochar

BTSM BT

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Concernant la capacité des sols à alimenter la culture hyperaccumulatrice en vue de l’agromine des métaux, les résultats mettent en évidence que les ETM sont peu ou pas échangeables mais potentiellement mobilisables par des agents complexants (e.g. DTPA) en des proportions plus ou moins importantes. La fraction échangeable correspond aux ions susceptibles de réapprovisionner la solution du sol lorsqu’il est appauvri par l’absorption racinaire (Sterckeman

et al. 2004; Custos et al. 2013). Alors que les complexants organiques, comme le DTPA, mettraient en solution les éléments échangeables ainsi que ceux complexés principalement par la matière organique et ceux fixés sur les hydroxydes du sol (Fe, Mn, Al) susceptibles d’être eux-mêmes mis en solution par le réactif (Lebourg et al. 1996). La fraction des ETM extractible au DTPA représente également la partie potentiellement mobilisée par les plantes (Echevarria

et al. 2006; Massoura et al. 2006). Dès lors les concentrations élevées en Cd et en Zn extractibles au DTPA représentent une fraction largement suffisante pour la culture de N. caerulescens en vue de l’agromine de ces métaux.

3. Conclusion

Malgré la courte période de suivi des Technosols durant cette étude, les tendances générales de leur évolution ont été mises en évidence en conditions contrôlées et validées à l’échelle du terrain. Les processus pédogénétiques observés en conditions contrôlées et in-situ sont caractérisés par une cinétique très rapide et intense, sans doute liée à la réactivité des composés et au déséquilibre important entre les matériaux technogéniques utilisés. Les phénomènes d’altération quasi totale et de transport de certaines phases minérales (gypse, halite) par dissolution ont été mis en évidence par la lixiviation d’une large gamme d’éléments (SO42-, Ca2+, K+ et Corg) à travers les différents Technosols. Ceci a conduit à une forte diminution de la fertilité minérale des sols (en particulier N et K) et à une carence en azote qui pourrait réduire le rendement des biomasses végétales. En revanche, la formation de nouvelles phases sorbantes (oxydes de Fe et de Mn) a été observée avec pour conséquences une réduction de la disponibilité des éléments en traces et une limitation des flux de métaux par percolation. Cependant, les effets de cette phase d’altération rapide ne se feraient sentir que dans les premiers mois après lesquels le système tendrait à se stabiliser et à évoluer plus lentement, d’autant plus que les conditions chimiques et physiques sous nos latitudes sont peu favorables à une altération intense des minéraux.

CHAPITRE 5 - POTENTIEL ET

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