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2 Agrégation des protéines et vieillissement chez la levure

2.1 Croissance cellulaire de la levure Saccharomyces cerevisiae

2.1.3 Phase stationnaire et quiescence

Figure 10 Croissance de la levure Saccharomyces cerevisiae en milieu riche.

La courbe rouge représente la croissance cellulaire suivie par sa DO (densité optique) à 600 nm. La courbe bleue représente le taux de synthèse protéique au cours de la croissance (voir texte pour explications détaillées). Dans l’encart, les niveaux du glucose et d’éthanol dans le milieu de culture sont représentés respectivement par des courbes violette et jaune.

2.1.3 Phase stationnaire et quiescence

2.1.3.1 Caractéristiques des cellules en phase stationnaire

Comme mentionné ci-dessus, en cas de carence nutritive, les levures arrêtent de croître et se préparent à l’entrée en phase stationnaire. L’entrée en phase stationnaire est un processus très complexe, hautement régulé, qui active un programme pour la survie à long terme en l’absence de nutriments. Elles subissent divers changements physiologiques, biochimiques et morphologiques. Des analyses moléculaires ont identifié des changements dans la transcription et la traduction des protéines dans les cellules en phase stationnaire. Le taux de

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transcription globale est d’environ 3 à 5 fois plus faible pour les cellules en phase stationnaire qu’en phase exponentielle (Choder, 1991). Cependant, les cellules en phase stationnaire peuvent mettre en place des réponses transcriptionnelles similaires à celles en phase exponentielle en réponse à différents stress (Jelinsky et al., 2000). De plus, elles sont capables d’induire très rapidement la transcription de nombreux gènes permettant la reprise de la division cellulaire lorsque les nutriments sont de nouveau disponibles. Au niveau de la traduction, le taux de synthèse protéique (Werner-Washburne et al., 1996)(Figure 10, courbe bleue) diminue fortement lors de la transition diauxique, mais augmente légèrement au cours de la phase post-diauxique. Lorsque les cellules entrent en phase stationnaire, le taux de synthèse protéique diminue spectaculairement à environ 0.3% par rapport à celui de cellules en phase exponentielle (Herman, 2002; Werner-Washburne et al., 1996). Les cellules en phase stationnaire ont des parois cellulaires épaisses (de Nobel et al., 2000) et contiennent des mitochondries plus abondantes et des chromosomes condensés morphologiquement distincts (Galdieri et al., 2010; Herman, 2002; Werner-Washburne et al., 1996). Elles induisent l’autophagie, et sont plus résistantes à la chaleur et aux stress osmotiques (Plesset et al., 1987) ainsi qu’aux traitements avec des drogues toxiques (de Nobel et al., 2000). En effet, certains changements des cellules en phases diauxique et stationnaire ressemblent à ceux observés chez des cellules ayant subi des stress oxydatifs, tels que l’induction des gènes de chaperons moléculaires et l’accumulation de tréhalose (Gray et al., 2004; Herman, 2002; Werner-Washburne et al., 1996). Pour que les cellules puissent développer ces caractéristiques de résistances lors de l’entrée en phases diauxique puis stationnaire, les cellules ont besoin de détecter sensiblement et correctement l’épuisement imminent de nutriments essentiels. Certaines carences nutritionnelles ne provoquent pas l’entrée en phase stationnaire. Ainsi lorsque des acides aminés nécessaires à la croissance de cellules auxotrophes sont limitants, ces dernières meurent rapidement au lieu de rentrer en phase stationnaire (Saldanha et al., 2004).

2.1.3.2 Les levures en quiescence

L’existence d’un véritable état de quiescence chez la levure a fait l’objet d’un débat scientifique car il est difficile de distinguer aisément les cellules en croissance lente en phase G1 des cellules en quiescence (Brauer et al., 2008; Coller, 2011; Klosinska et al., 2011). Pour ces raisons, dans de nombreuses études, la différence entre levures en croissance lente,

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levures en carence nutritive et en arrêt de division, levures en croissance diauxique, quiescentes voire sénescentes ou mortes, n’est pas toujours clairement établie.

La quiescence est un état physiologique ubiquitaire des cellules eucaryotes. Elle est généralement caractérisée par l’arrêt réversible de la division cellulaire, la réduction de la taille cellulaire, l’augmentation de la tolérance aux stress, la réduction du débit traductionnel et transcriptionnel, l’induction de l’autophagie et le prolongement de la longévité (Coller, 2011; Galdieri et al., 2010; Gray et al., 2004). Il a été montré que les cultures de levure en phase stationnaire n’étaient pas synchronisées et contiennent un mélange des cellules avec et sans bourgeons (Gendron et al., 2003). Une étude récente basée sur la densité des cellules (Figure 11) a montré que les cellules en phase stationnaire sont des populations mélangées ayant des propriétés morphologiques et physiologiques différentes. La population la plus dense est homogène et a la capacité d’initier à nouveau un cycle cellulaire lorsque les cellules sont remises dans un milieu frais (Allen et al., 2006). Cette population a été considérée comme étant constituée de véritables cellules en état de quiescence (cellules Q) (Aragon et al., 2008; Li et al., 2013; McKnight et al., 2015; Miles et al., 2013).

Figure 11 Purification des cellules de levure quiescentes. (Allen et al., 2006)

Séparation de cellules de levures en différentes phases de croissance sur un gradient de densité par centrifugation. Les cellules en phase stationnaire contiennent des populations ayant des propriétés morphologiques et physiologiques différentes. Les fractions en haut qui sont moins denses contiennent des cellules bourgeonnées et non-bourgeonnées. Les fractions en bas qui sont plus denses contiennent uniquement des cellules sans bourgeons. (Barre d’échelle = 10 µm)

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2.1.3.3 Les marqueurs de la quiescence

Des analyses du métabolome global des cellules qui sont rentrées en quiescence par différentes voies n’ont pas révélé de marqueurs ou de signatures métaboliques spécifiques à la quiescence (Aragon et al., 2008; Klosinska et al., 2011). Cependant, ces études ont montré que le transcriptome des cellules en quiescence est clairement différent de celui de cellules arrêtées en phase G0 (Gasch et al., 2000; Martinez et al., 2004; Radonjic et al., 2005). Par ailleurs, les profils obtenus sont très différents en fonction des conditions d’entrée en quiescence (Gresham et al., 2011; Klosinska et al., 2011; Saldanha et al., 2004; Wu et al., 2004).

Certaines protéines et complexes protéiques se réorganisent au sein de différentes structures cytoplasmiques lorsque les cellules entrent en quiescence : l’actine, le principal constituant du cytosquelette, forme des corps d’actine (Sagot et al., 2006); le protéasome se réorganise en particules PSGs (proteasome storage granules) (Laporte et al., 2008) ; l’assemblage des P-bodies impliqués dans la dégradation des ARNm (Brengues et al., 2005; Teixeira, 2005) ; la phosphoribosylpyrophosphate amidotransférase Ade4p se ré-organise en granules (Narayanaswamy et al., 2009; Noree et al., 2010); des protéines telles que la CTP (cytosine triphosphate) synthase Ura7/Ura8 s’assemblent en structures filamenteuses (Noree et al., 2010). De plus, dans les cellules quiescentes, la compaction de la chromatine est augmentée grâce à l’activité de l’histone H1, Hho1p (Schäfer et al., 2008). Une étude récente a également révélé l’importance d’une lysine désacétylase Rpd3p dans la répression transcriptionnelle lors de l’entrée en quiescence (McKnight et al., 2015).

Les pluparts de ces réorganisations ont été observées dans des cellules quiescentes produites lors de la carence en sources de carbone. Nous ne savons pas si ces réorganisations sont spécifiques à la quiescence ou s’il s’agit seulement d’une réponse à des signaux nutritionnels concomitants à l’entrée en quiescence. En effet, un signal spécifique peut déclencher la réorganisation de complexes protéiques indépendamment de l’établissement de la quiescence. Par exemple la formation des filaments de CTP synthase dépend de la disponibilité en NTPs (nucléosides triphosphate), le produit final de la CTP synthase. La présence de NTPs inhibe l’activité enzymatique de la CTP synthase et cause sa polymérisation dans le cytoplasme (Noree et al., 2010). La présence d’adénine dans le milieu de culture entraîne la formation de