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Partie I : Méthotrexate Haute Dose : revue de la littérature

VII. Pharmacogénétique et Résistances

1. Pharmacogénétique

La pharmacogénétique cherche à identifier l’origine génétique de la variabilité interindividuelle de la réponse aux médicaments. Elle est largement appliquée à l’étude des paramètres pharmacocinétiques et des résistances au méthotrexate.

Lors de son travail de thèse, soutenu en 2010, Nicolas Pottier (78) a utilisé des puces à ADN pour identifier un profil d’expression génique associé à la réponse au méthotrexate dans le traitement de la LAL pédiatrique. Il a mis en évidence 48 gènes dont l’expression était significativement associée à une réduction du nombre de cellules circulantes après traitement. Certains sont impliqués dans le métabolisme des nucléotides, d’autres dans la prolifération cellulaire et l’apoptose, ou la réplication et la réparation de l’ADN. Il retrouvait une association significative entre des niveaux bas d’expression de Dihydrofolate Réductase, Thymidylate Synthase et Cytidine Triphosphate synthase (enzyme impliquée dans la synthèse des bases pyrimidiques) et une mauvaise réponse au méthotrexate. Ces résultats suggèrent qu’un faible niveau d’expression de ces gènes correspond à une faible proportion de cellules leucémiques en phase S, qui est la phase du cycle cellulaire durant laquelle le méthotrexate est actif.

La Méthylènetétrahydrofolate Réductase catalyse la réduction du 5,10-méthylènetétrahydrofolate en 5- méthyltétrahydrofolate, forme circulante prédominante qui cède un groupement carbone lors de la reméthylation de l’homocystéine en méthionine par la méthionine synthase. Des polymorphismes ont été identifiés, notamment les substitutions 677C>T (entraînant le remplacement d’une alanine par une valine sur la protéine) et 1298 A>C (glutamine → alanine), connues pour entraîner une réduction de 30 à 60% de l’activité de l’enzyme. Les patients ayant une base T en position 677 développent une hyperhomocystéinémie, tandis que ceux ayant un C en position 1298 voient l’activité de leur MTHFR diminuée, sans retentissement sur le taux d’homocystéine.

Ongaro et al. (79) ont montré en 2009 chez 122 adultes traités par méthotrexate à faible dose en maintenance d’une LAL que la toxicité hépatique et la leucopénie augmentaient proportionnellement au nombre d’allèles T en position 677 du gène de la MTHFR.

Une délétion en position 19 du gène de la DHFR était également associée à une hépatotoxicité accrue dans cette étude.

La survie globale à 2 ans était significativement altérée chez les patients porteurs du génotype 677TT pour la MTHFR.

En 2011, d’Angelo et al. (80) ont étudié l’influence des polymorphismes de la MTHFR sur la toxicité et l’efficacité du traitement par méthotrexate en phase de consolidation chez 151 enfants atteints de LAL. Ils ne retrouvaient pas d’influence du génotype de cette enzyme sur la sévérité de la maladie. Les patients homozygotes 677TT avaient un risque 12 fois supérieur aux autres de développer des toxicités non hématologiques. La survie sans progression et la survie globale étaient significativement inférieures chez ces patients.

El Khodary et al. (81) se sont focalisés en 2012 sur le polymorphisme en position 677 et ont étudié son influence chez 40 enfants égyptiens traités par méthotrexate à la dose de 2 g/m² pour une LAL. La répartition des génotypes était la suivante : 55% CC, 35% CT, 10% TT, ce qui est similaire à celle de la population égyptienne. Les transaminases hépatiques, l’alpha-1-microglobuline (marqueur de l’atteinte tubulaire) et la créatininémie étaient significativement plus élevées chez les patients CT et TT que chez les CC, tandis que l’hémogramme était significativement plus altéré. Par ailleurs, les mutations entraînaient une augmentation de la demi-vie et de l’AUC du méthotrexate, et une diminution de la constante d’élimination et de la clairance totale. La survie sans progression et la

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survie globale à 2 ans étaient significativement inférieures chez les homozygotes TT que les homozygotes CC.

L’homocystéine est un acide aminé non protéinogène ayant une activité pro-inflammatoire, pouvant donc être à l’origine d’une hépatotoxicité. Par ailleurs, une diminution de l’efficacité du méthotrexate a été décrite chez les patients dont l’activité de la MTHFR est diminuée. L’hypothèse la plus largement partagée est que cette diminution d’activité entraînerait une rétention accrue du 5,10- méthylènetétrahydrofolate dans les cellules, contrant l’effet dépléteur de folates du méthotrexate. En 2012, Chiusolo et al. (82) ont étudié le rôle des polymorphismes du Reduced Folate Carrier (RFC) 1 (transporteur majeur des folates et du méthotrexate) sur la toxicité et le pronostic de 49 patients adultes traités pour une hémopathie maligne. Le polymorphisme 80G>A du gène du RFC (entraînant le remplacement d’une histidine par une arginine sur la protéine) est répandu dans la population caucasienne, qui présente le génotype GG à hauteur de 27%, GA à 51% et AA à 22%. Le phénotype GG était associé à un faible taux de folates sériques, une augmentation de l’homocystéinémie et des anomalies du tube neural. Dans cette étude, la méthotrexatémie n’était pas corrélée à ce polymorphisme, mais la survie sans progression et la survie globale étaient significativement améliorées chez les patients présentant le génotype GA ou AA pour le gène du RFC.

En 2008, Dulucq et al. (83) ont étudié l’influence de variations sur le promoteur du gène de la Dihydrofolate réductase sur le pronostic de 277 enfants traités par méthotrexate à la dose de 4 g/m² pour une LAL. Quinze polymorphismes ont été identifiés, dont 3 SNP significatifs : 317A>G ; 1610C>G/T ; 680C>A. Les homozygoties 317 AA et 1610CC étaient associées à une diminution de la survie sans événement et de la survie sans progression, qui étaient améliorées en cas d’homozygotie 1610TT. Ces résultats n’étaient pas significatifs pour la survie globale, mais montraient une tendance. Il n’y avait pas d’association retrouvée avec la toxicité de la chimiothérapie. Les différents haplotypes menaient à des niveaux de transcription de la DHFR différents, et une quantité augmentée de cette enzyme était liée à un pronostic plus sombre du fait de la résistance au méthotrexate qu’elle procure aux cellules cancéreuses.

Treviño et al. (84) ont mis en évidence en 2009 plusieurs SNP localisés sur le gène SLCO1B1 codant pour le transporteur OATP1B1, expliquant jusqu’à 9% de la variabilité interindividuelle de la clairance du méthotrexate. Ce transporteur est situé sur la membrane sinusoïdale des hépatocytes et participe à l’élimination biliaire du méthotrexate. Une diminution de son activité entraînait une augmentation de la méthotrexatémie mais une diminution de la toxicité gastro-intestinale. Ramsey et al. (85) ont conforté en 2013 l’importance des polymorphismes du gène codant pour l’OATP1B1 dans la variabilité de clairance du méthotrexate.

En 2017, Kienana et al. (86) ont étudié la relation entre le métabolome urinaire et l’élimination du méthotrexate chez 62 patients adultes traités pour une hémopathie lymphoïde. L’étude consistait en l’analyse par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse de toutes les molécules de bas poids moléculaire présentes dans l’urine avant l’administration du méthotrexate, pour en extraire un profil métabolique traduisant l’activité des transporteurs et autres enzymes impliqués dans son élimination. Ces métabolites étaient principalement des anions, dont l’excrétion urinaire dépend des Organic Anion Transporters, également impliqués dans l’élimination du méthotrexate. Vingt-huit d’entre eux ont été retenus et une bonne corrélation était retrouvée entre leur concentration et le temps d’élimination (coefficient de corrélation de 0,591), avec cependant une mauvaise prédiction de la survenue d’un retard d’élimination.

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2. Résistances au méthotrexate

L’usage de méthotrexate à haute dose permet d’outrepasser la résistance au traitement dans la plupart des cas, mais la réponse est très variable selon les patients.

Les différents moyens par lesquels les cellules acquièrent une résistance au méthotrexate sont les suivants :

• Altération du transport actif par diminution de l’expression ou mutation du gène du RFC. L’influx cellulaire de méthotrexate a été montré inférieur chez les patients qui rechutent de leur LAL.

• Modification de la structure de la DHFR (Acide aminé hydrophobe sur le site de liaison de l’enzyme) entraînant une diminution de son affinité pour le méthotrexate.

• Augmentation de la quantité de DHFR par amplification génique : il a été mis en évidence une augmentation du nombre de copies d’ARN messager et du nombre de gènes codants intra et extra-chromosomiques au fur et à mesure des administrations de méthotrexate (1).

• Diminution de la polyglutamylation par la folylpolyglutamate synthase. Les cellules formant peu de polyglutamates sont résistantes à une exposition courte au méthotrexate, mais y sont sensibles lorsqu’une concentration cytotoxique est maintenue plus de 24 heures (87).

• Augmentation de l’expression de la gamma-glutamyl-hydrolase, enzyme lysosomale hydrolysant le méthotrexate polyglutamylé.

• Augmentation de l’efflux actif du méthotrexate et de ses dérivés polyglutamylés par surexpression de la Breast Cancer Resistance Protein (également appelée Mitoxantrone Resistance Protein, ABCG2). Cet efflux est ATP-dépendant, osmotiquement sensible, suit une cinétique de Michaelis-Menten, est de faible affinité et grande capacité (88). Les MRP sont également impliqués dans la résistance au méthotrexate.

En 1996, Bertino et al. (89) et Gorlick et al. (87) ont évoqué le rôle de gènes suppresseurs de tumeurs : • Le gène p53, dont la perte de fonction entraîne une annulation de l’effet pro-apoptotique de la

protéine p53 sur les cellules dont le patrimoine génétique est altéré.

• Le gène rétinoblastome, dont la faible expression entraînerait une augmentation de la quantité d’enzymes impliquées dans la prolifération cellulaire (DHFR et TS). Cela serait dû à un plus haut niveau de facteur circulant E2F-1 libre, normalement liée à la protéine rétinoblastome hypophosphorylée. Lorsque la cellule passe de la phase G1 à la phase S, la protéine rétinoblastome est hyperphosphorylée et relâche le facteur, qui active la transcription de gènes impliqués dans la synthèse d’ADN. Les régulateurs de la phosphorylation de la protéine rétinoblastome (cycline D1 et Kinase 4 dépendante de la cycline) auraient également un rôle.

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