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Phénomènes physiques intervenants lors de la compaction des renforts

CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE

1.5 Comportement en compaction des renforts fibreux

1.5.2 Phénomènes physiques intervenants lors de la compaction des renforts

1.5.2.1 Paquets de fibres

Van Wyk (1946) a d’abord étudié la compaction de fibres de laine orientées aléatoirement et a identifié la flexion des fibres comme mécanisme principal, parce qu’elles présentent naturellement une certaine ondulation. Gutowski a observé plus tard que des paquets de fibres orientées aléatoirement avaient une rigidité transverse très inférieure à celle du matériau constituant la fibre (Gutowski, T. G., Cai, et al., 1986; Gutowski, T. G., Kingery, et al., 1986). Il a justifié ce phénomène de la même manière que Van Wyk et a développé un modèle de compaction élastique des paquets de fibres, basé sur cette hypothèse.

1.5.2.2 Renforts 2D

Le modèle de Van Wyk a servi de base à la création de lois de comportement en compaction des renforts tissés (Chen, Z. R. & Ye, 2006; Chen, Z. R. et al., 2006; Vernet & Trochu, 2016). Dans le cas d’une seule couche de renfort 2D, la force de compaction totale était divisée en deux composantes, soit l’écrasement des torons et leur déformation en flexion (Lomov & Verpoest, 2000; Chen, Z. R. et al., 2006). L’étude d’empilements de renforts 2D a permis d’identifier une autre composante à la force de compaction totale qui est le glissement entre les couches (« nesting ») (Chen, Z. R. & Ye, 2006; Kruckenberg et al., 2008). Il faut noter que ces trois mécanismes sont souvent regroupés sous le terme de « réorganisation du renfort pendant la compaction » car ils comprennent tous un glissement entre les fibres, à différentes échelles (Robitaille & Gauvin, 1999; Kruckenberg et al., 2008). Ces trois composantes sont illustrées dans la Figure 1-24, à savoir l’écrasement des torons (a), la déformation des torons (b) et le glissement entre les couches (c). Après compaction d’un renfort, son épaisseur décompactée après stabilisation est souvent plus faible que son épaisseur initiale (Somashekar, A. et al., 2007). Ceci est dû aux phénomènes de réorganisation précédemment explicités.

Figure 1-24 : Mécanismes de réorganisation à différentes échelles d’un renfort multicouches : écrasement des torons (a), déformation des torons (b), glissement entre les couches (c)

(Kruckenberg et al., 2008).

1.5.2.3 Renforts 3D

La compaction des renforts 3D a récemment été étudiée par différents auteurs. Endruweit et Long (2010) ont par exemple montré, grâce à des observations microscopiques sur trois architectures différentes (deux interlock à angle, un orthogonal), qu’il existe deux étapes distinctes dans la compaction des renforts 3D. Selon eux, à bas niveau de compaction, ce sont principalement les vides présents entre les torons qui sont écrasés et les torons qui sont réorganisés (déformation en

flexion ou glissement d’un toron par rapport à un autre). À plus haut niveau de compaction, seul l’écrasement des torons dominerait la compaction du renfort. Ils mettent de plus en évidence le fait qu’à haut taux de compression, le fil interlock d’une structure orthogonale a tendance à flamber (effet similaire observé lorsqu’on comprime une mèche de fibres parallèles dans l’axe des fibres). Cet effet tend à modifier la structure du renfort et peut impacter les propriétés mécaniques espérées du composite finale. Ceci ne peut être observé sur une structure interlock à angle puisque le fil interlock se déforme en flexion. Mahadik et al. (2010) ont réalisé une étude similaire grâce à des observations au tomographe sur deux structures interlock à angle. En compactant le renfort à un Vf de 60 %, ils ont observé que la taille des vides a été diminuée de 90 % par rapport au renfort non compacté. L’ondulation du toron interlock a aussi été diminuée par cette compaction.

1.5.2.4 Friction entre les fibres

La friction entre les fibres, à différentes échelles, influence fortement le comportement en compaction d’un renfort (Rugg & Cox, 2004). Les phénomènes de friction entre les fibres ont donc été étudiés par Roselman et Tabor (1976). Ils ont montré que le comportement en friction entre deux fibres de carbone peut être changé en réalisant des traitements d’oxydation sur ces dernières. Le changement de friction viendrait de la modification de la rugosité de la fibre par le traitement. La friction entre des torons a été étudiée par Cornelissen et al. (2012). Ils ont mesuré une diminution du coefficient de friction entre deux torons de fibres de carbone lorsque l’humidité relative augmente, ceci étant dû à un effet lubrifiant de l’eau. Ils ont par contre montré que la friction entre ces mêmes torons n’était pas significativement modifiée par la présence d’ensimage sur les fibres. La friction entre des couches de tissus 2D a été étudiée par différents auteurs. Lomov et al. (2003) souhaitaient mesurer un coefficient de friction afin de définir une modèle de compaction d’empilement de renforts tandis que Hivet et al. (2012) ont analysé les phénomènes qui interviennent lors du glissement d’une couche par rapport à une autre. Ils ont d’abord montré que les phénomènes de friction entre deux couches de tissu ne sont pas aussi simples que pour d’autres matériaux, du fait que la surface de contact n’est pas plane. Comme montré sur la Figure 1-25a, le coefficient de friction évolue de manière sinusoïdale avec le temps. D’après les auteurs, ceci viendrait du passage d’un toron d’une couche par-dessus un toron parallèle de l’autre couche, ce qu’ils ont prouvé en reliant l’espacement entre deux sinusoïdes à l’espacement entre deux torons dans le tissu. Ceci rend difficile la modélisation du phénomène global de friction par une loi de

Coulomb. Ils ont alors décidé d’utiliser une valeur moyenne du coefficient de friction, comme indiqué sur la Figure 1-25a, et ont mesuré son évolution lors du cyclage d’essai de friction sur un même échantillon. Un résultat typique d’essai, montré sur la Figure 1-25b, indique que le coefficient de friction moyen diminue et se stabilise lorsque le nombre d’essais augmente. Les auteurs associent de résultat à la réorganisation des fibres dans le renfort et à un phénomène de rodage des fibres dû à l’abrasion de ces dernières à cause du frottement.

Figure 1-25 : Évolution du coefficient de friction instantané entre deux couches de tissu 2D de fibres de verre avec le temps lors d’un essai et calcul du coefficient de friction moyen (a) et évolution du coefficient de friction moyen lors de la répétition du même essai de friction (b)

(Hivet et al., 2012).