• Aucun résultat trouvé

2. Les diodes électroluminescentes à base de molécules ambipolaires

2.5 Le phénomène de transfert de charge

2.5 Le phénomène de transfert de charge

Une caractéristique essentielle des diodes à base de matériaux ambipolaires est le phénomène de luminescence par transfert de charge. Un transfert de charge dans des semi-conducteurs organiques peut être généré par voie électrique (Electrogenerated Charge Transfer ou ECT) ou par voie photochimique (Photoinduced Charge Transfer ou PCT). Le PCT concerne les cellules photovoltaïques et des molécules D-π-A (Donneur-système π-conjugué-Accepteur) en solution, l’ECT est un phénomène ne se produisant que dans les diodes. Dans cette partie nous commencerons par décrire l’ECT puis le PCT.

Transfert de charge électrogénéré (ECT)

Les équations 1-4 suivantes décrivent le processus de transfert de charge électrogénéré dans une diode.49 A l’anode, des trous (déficit électronique) sont injectés dans le matériau pour donner des espèces chargées positivement sur la partie donneuse D·+-π-A (équation 1)). A la cathode, des électrons sont injectés dans le matériau pour donner des espèces chargées négativement sur la partie acceptrice D-π-A·- (équation 2). Par un mécanisme de saut de charge (hopping38) entre molécules voisines, les deux types de charges peuvent se retrouver sur une même unité D-π-A pour donner une molécule bichargée D·+-π-A·- (équation 3). Cette molécule D·+-π-A·- est appelé état de transfert de charge excité. La relaxation de cet état excité par recombinaison de charge intramoléculaire conduit à l’émission de lumière hνCT (équation 4).49

D-π-A – e-+-π-A (1) D-π-A +e- D-π-A·- (2) +-π-A + D-π-A·- D-π-A + D·+-π-A·- (3) +-π-A·- D-π-A + hνCT (4)

L’ensemble des transferts de charges n’est pas nécessairement intramoléculaire, il peut y avoir un transfert de charge intermoléculaire. Ce transfert de charge intermoléculaire est assumé non émissif et la relaxation se fait par perte de chaleur (équation 5). Ceci a été démontré en comparant des solutions très diluées de D-π-A avec ses solutions de mélange des unités D et A seuls. Il n’y a pas d’émission de lumière dans ce dernier cas et donc pas de fluorescence par transfert de charge (de type exciplex).50-51

29 Figure 9 Principe de fonctionnement du Transfert de charge électrogénéré49

Deux phénomènes sont la conséquence du transfert de charge électrogénéré et influent sur l’émission de la diode :

- Plus le transfert de charge est important, plus la contribution hνCT est importante dans l’émission totale (émission système π + émission par transfert de charge) de la diode. - Plus le transfert de charge est important, plus l’émission est décalée de façon

bathochrome.

Le choix des différentes unités D et A est donc crucial pour obtenir des couleurs spécifiques avec des matériaux de type D-π-A.

Transfert de charge photoinduit (PCT)

Le phénomène de transfert de charge photoinduit (PCT) est un phénomène que l’on retrouve dans beaucoup de domaines différents comme les cellules photovoltaïques3 et de nombreux processus biologiques (photosynthèse etc.).52-53 Dans le cadre des matériaux destinés à l’utilisation en OLEDs, le transfert de charge photoinduit a moins d’importance que le transfert de charge électrogénéré car il ne se produit qu’en solution et non dans le dispositif. Cependant le PCT permet de quantifier de façon simple la force du transfert de charge en solution, ce qui n’est pas le cas de l’ECT. Le mécanisme de fonctionnement du PCT est proche de celui de l’ECT, les équations 1-5 décrites ci-dessus sont également valables mis à part qu’au lieu d’injecter des charges aux électrodes, l’initiation du transfert de charge se fait par énergie lumineuse. La différence majeure entre ECT et PCT, est que le PCT se déroule en solution et les effets de solvants peuvent être très importants. La

30 compréhension et la détermination de la force du transfert de charge photoinduit est possible par le modèle de Lippert-Mataga-Ooshika.54-56

L’équation de Lippert-Mataga-Ooshika (6) est une relation entre propriétés optiques (déplacement de Stokes), sphère de solvatation et différences de moments dipolaires des états excités et fondamentaux d’un composé dans un solvant donné.

(6)

Avec :

- n l’indice de réfraction du solvant - ε la constante diélectrique du solvant - a la sphère de solvatation du composé

- µ et µ* les moments dipolaires du composé à l’état fondamental et à l’état excité respectivement

- νab – νem le déplacement de Stokes (défini par la différence entre le nombre d’onde du maximum d’absorption νab et le nombre d’onde du maximum d’émission νem du composé en solution)

L’excitation lumineuse d’un fluorophore conduit au passage d’un électron de l’état fondamental (orbitale initiale) à l’état excité (orbitale finale, voir diagramme de Jablonski-Perrin, figure 3 page 16). Si l’orbitale initiale et l’orbitale finale sont séparées dans l’espace, la transition électronique est accompagnée d’un changement quasi-instantané du moment dipolaire du fluorophore. Si le fluorophore possède des groupements attracteurs et donneurs d’électrons conjugués comme dans un système D-π-A, cette variation de moment dipolaire peut être très importante. Par conséquent, l’état excité atteint après excitation lumineuse (appelé état de Franck-Condon ou état localement excité LE) n’est pas en équilibre avec le milieu environnant si celui-ci est polaire. Dans un milieu suffisamment fluide, les molécules de solvant se réorganisent autour de la sphère de solvatation pour atteindre un état thermodynamiquement équilibré avec le fluorophore. Cet état est appelé état de transfert de charge intramoléculaire (ICT pour intramolecular charge transfer, figure 10).24

31 Figure 10 Processus de relaxation d’un solvant polaire autour d’un fluorophore possédant une différence de

moments dipolaires à l’état fondamental et à l’état excité et émission à partir de l’état de transfert de charge (ICT)24

La réorganisation des molécules de solvant pour atteindre un état ICT stable est appelé relaxation du solvant (Figure 10). Plus le solvant est polaire, moins le niveau d’énergie de l’état relaxé est élevé et donc plus le décalage bathochrome est important. Cette diminution du niveau d’énergie conduit à un déplacement bathochrome de l’émission à partir de l’état de transfert de charge (F’) par rapport à l’émission à partir de l’état de Franck-Condon (F, figure 10).24

L’équation de Lippert-Mataga (6) permet de relier la différence de moments dipolaires et le déplacement de Stokes. Plus le transfert de charge est important, plus le niveau énergétique du moment dipolaire à l’état excité µ* est élevé et donc la différence des moments dipolaires est importante. Par conséquent, plus la stabilisation par des solvants polaires est forte, plus le transfert de charge est important.24 Des études solvatochromiques, c’est-à-dire l’étude des propriétés optiques en fonction de la nature des solvants, donnent donc une information sur la force du transfert de charge intramoléculaire d’un composé en solution avant son utilisation en tant que couche émissive dans une OLED.57-59

32