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3. Etude de la composition moléculaire des MOD

3.2.2 Utilisation des principaux biomarqueurs

3.2.2.1 Les phénols : lignines et tannins

Origine, structure et propriété

Les lignines sont des macromolécules polyphénoliques à haut poids moléculaires qui sont présentes dans la paroi cellulaire des plantes ligneuses et herbacées, contrairement aux mousses et aux algues qui n’en contiennent pas. Elles sont également absentes de la structure des microorganismes (Higuchi, 1990). Après la cellulose, la lignine est le deuxième biopolymère le plus abondant dans la biosphère et représente une large proportion de la biomasse terrestre. Au sein de la plante, elle assure plusieurs fonctions (Boerjan et al., 2003; Laurichesse et Avérous, 2014) :

- en s’associant aux hémicelluloses, elle contribue à la rigidité de la paroi cellulaire - en inhibant la dégradation enzymatique d’autres composants, elle protège ainsi les

végétaux des agents pathogènes

- en contribuant à l’imperméabilité de la plante, elle permet la circulation des fluides dans leur système vasculaire

Les macromolécules de lignine résultent de la condensation de plusieurs monomères. Les trois principaux précurseurs (monolignols) de ces monomères sont les alcools coumarylique, coniférylique et sinapylique (Adler, 1977) représentés Figure 1-9. L’alcool coumarylique est le précurseur des unités p-hydroxyphényle (unités C), l’alcool coniférylique est le précurseur des unités vanillyle (unités V) et l’alcool sinapylique est le précurseur des unités syringyle (unités S). L’assemblage des différentes unités permettant la structuration de ces macromolécules se fait grâce à différentes liaisons illustrées sur la Figure 1-10. Parmi celles-ci, environ 50% sont de type arylglycerol-β-arylether (β-O-4) ce qui en fait la liaison majoritaire (Adler, 1977; Boerjan et al., 2003).

Figure 1-9 : Structure des trois principaux précurseurs de la lignine (Me = CH3)

Figure 1-10 : Exemple de représentation d’une macromolécule de lignine et

identification des liaisons responsables de l’assemblage des différentes unités (Laurichesse et Avérous, 2014)

Les tannins sont des macromolécules polyphénoliques hydrosolubles possédant la capacité de précipiter les protéines. On distingue deux classes de tannins : les tanins condensés et les tannins hydrolysables (Figure 1-11).

Les tannins condensés sont des polyphénols constitués de plusieurs unités poly-hydroxy-flavan-3-ols liées entre elles par des liaisons C-C. Les tannins hydrolysables sont constitués d’acides phénoliques et de sucre, généralement le glucose. On distingue deux catégories de tannins hydrolysables : les gallotannins dont l’unité phénolique de base est l’acide gallique et les ellagitannins dont l’unité phénolique de base est l’acide ellagique (Killops et Killops, 2005; Kraus et al., 2003). Ces tannins, synthétisés par les végétaux supérieurs sont présents en quantités plus importantes que les lignines dans certaines parties de la plante comme les feuilles ou l’écorce. De nombreuses études se sont intéressées au rôle des tannins dans les processus écologiques et environnementaux. Ainsi, plusieurs études suggèrent l’implication des tannins dans l’inhibition de l’activité microbienne (Scalbert, 1991) ou dans la protection des plantes contre le rayonnement solaire par son action antioxydante (Close et McArthur, 2002).

Réaction par thermochimiolyse

Au cours de la thermochimiolyse en présence de TMAH, il y a coupure des liaisons responsables de la structuration des macromolécules de lignines et de tannins. La coupure de

Figure 1-11 : Structure des tannins. A) exemple d’un tannin condensé, B) exemple

ces liaisons va conduire à la formation de phénols, présents sous forme méthylée. Les différents types de liaisons conduisant à la formation d’une grande diversité de phénols (Kuroda et Nakagawa-izumi, 2006; Nakagawa-izumi et al., 2004). Un exemple de coupure d’une liaison β-O-4 d’une macromolécule de lignine est illustré Figure 1-12.

L’utilisation de la HMT-CPG-SM ne permet pas la distinction entre les lignines et les tannins. En effet, lors de la réaction de thermochimiolyse, lignines et tannins produisent des phénols identiques. Les groupements hydroxyles des tannins n’étant pas méthylés à l’état naturel, contrairement aux groupements hydroxyles des lignines qui le sont partiellement. La différentiation entre ces deux types de biomolécules peut cependant être effectuée en utilisant du 13C-TMAH (Nierop et Filley, 2008).

Utilisation comme biomarqueur moléculaire

Les lignines provenant exclusivement de la végétation, l’étude des biomarqueurs des lignines et des tannins dans les eaux (Ouellet et al., 2009) ou les sédiments (Teisserenc et al., 2011) permet de retracer un apport de matière organique terrigène. Des informations complémentaires telles que la différentiation de certaines végétations (ex : gymnospermes vs. Angiospermes) ou encore l’état de biodégradation peuvent être obtenues en utilisant les ratios entre différentes molécules spécifiques.

Figure 1-12 : Exemple illustrant la scission d’une liaison β-O-4 au cours de la

thermochimiolyse, et la méthylation des phénols obtenus.

Thermochimiolyse

L’abondance des unités S, C, et V diffère en fonction du type de végétation. Les lignines des gymnospermes sont majoritairement composées d’unités V. Les lignines des angiospermes contiennent quant à elles des quantités comparables d’unités V et S. Les unités C sont quant à elles présentes en faible quantité chez les angiospermes et gymnospermes mais sont particulièrement abondantes chez les espèces non ligneuses (Killops et Killops, 2005; Opsahl et Benner, 1995). Les lignines sont donc utilisées comme biomarqueurs moléculaires à travers les ratios S/V et C/V afin de distinguer le type de végétation dont provient les lignines (Goñi et Hedges, 1992; Hedges et Mann, 1979; Opsahl et Benner, 1995).

Cependant, l’utilisation de ces ratios dans le but de mesurer quantitativement l’apport de MO par des plantes herbacées ou angiospermes implique de considérer que ceux-ci restent inchangés au cours de la dégradation. Plusieurs études portant sur l’évolution de la signature moléculaire de la lignine au cours de la dégradation ont montré de faibles variations du ratio S/V (Haddad et al., 1992; Opsahl et Benner, 1995). Au contraire le ratio C/V est sensible à la dégradation. En effet, les unités V présentent une plus forte résistance que les unités C, aboutissant à une diminution du rapport C/V au cour de la dégradation (Hedges et Weliky, 1989; Opsahl et Benner, 1995). Par ailleurs, lorsque les lignines sont dégradées, la chaîne carbonée présente sur les molécules des lignines est oxydée. Les formes aldéhydes des unités V et S sont donc converties en formes acides. Par conséquent, les ratios acide sur aldéhyde des unités V (Ad/Al)V et des unités S (Ad/Al)S augmentent au cours de la dégradation (Bianchi et al., 1999; Opsahl et Benner, 1995) et constituent donc aussi des marqueurs de l’intensité de dégradation des lignines.

Les biomarqueurs moléculaires issus des lignines et tannins par HMT-CPG-SM sont ainsi utilisés dans l’étude de la composition des MON (Frazier et al., 2003; Page et al., 2002; Ward et al., 2012). L’utilisation de ces biomarqueurs est appliquée dans le cadre de plusieurs problématiques telles que la détermination des sources de MOD (Kaal et al., 2017), les mécanismes de dégradation des MO (Kabuyah et al., 2012) mais également la reconstruction de paléoenvironnements (Tareq et al., 2004).

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