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2. Problématique

2.1. Un contexte de mondialisation

2.1.2. Les petits producteurs marginalisés

Les accords internationaux, tels ceux de l’Organisation Mondiale du Commerce, la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International, n’ont pas nécessairement joué en faveur du développement des pays du Sud. Les États du Sud, traversant une crise

d’endettement, se sont vus obligés d’appliquer des politiques néo-libérales dans la gestion de leur budget. Ce qui se traduit entre autres par la privatisation de plusieurs secteurs d’activité et par l’ouverture des marchés spécialisés vers l’exportation, sous prétexte que l’échange permet de dynamiser l’économie. Cependant, les échanges se font de manière inégale et créent une forme de dépendance des pays du Sud envers ceux de Nord. Ces pays du Sud qui souffrent de la faim exportent depuis des décennies des produits agricoles, à des prix souvent trop bas pour être rentables, vers d’autres pays qui connaissent déjà une surproduction alimentaire. En revanche, les pays du Nord, dont le secteur agricole est largement subventionné, transfèrent leurs surplus de céréales et autres produits agricoles vers les pays du Sud. Ceux-ci, ayant de la difficulté à concurrencer la production du Nord, doivent concentrer leur production sur l’exportation de matières premières. Ainsi, des milieux de vie et des marchés nationaux de produits vivriers se transforment en espaces de production massive destinés à l’exportation. L’échelle de production exige des plantations de monoculture, ce qui est très dommageable pour l’équilibre écologique et l’autonomie alimentaire de la population locale.

Considérant que l’activité économique essentielle des pays en développement se concentre au niveau de l’exploitation des matières premières, ils se voient plus vulnérables devant le marché international. En effet, ce marché est très instable, car les prix sont fixés en fonction de l’offre et de la demande par spéculations boursières. Par exemple, le café a connu une très grande chute de prix, par le fait qu’il a été dévalué suite à une surproduction mondiale. Cette situation a plongé un bon nombre de producteurs

dans une crise qui les a enlisés dans un cercle vicieux d’endettement et de problèmes sociaux.

Ces petits producteurs, pour écouler leur marchandise, n’ont d’autres choix que de vendre à des intermédiaires, qui pourront eux-mêmes vendrent à un nombre limité de multinationales. Dans ce cas-ci les nombreux petits producteurs se font compétition et ont tendance à vendre à des prix très bas qui génèrent une marge de profit très mince sinon nulle, ne couvrant parfois même pas le travail humain et le coût environnemental. En ce sens, les multinationales profitent largement de leur pouvoir d’achat pour manipuler les lois d’offre et de demande. Elles offrent au marché du Nord des produits à très bas prix, mais toujours avec une marge importante de profits qui renforce leur pouvoir. Ces entreprises, qui possèdent de grandes compagnies dans les pays du Sud, font pression sur les prix des productions des petits producteurs et ces derniers arrivent difficilement à écouler leur stock. Possédant le monopole du marché au Nord, il ne reste aucune autre alternative pour les petits producteurs que de se soumettre aux exigences qu’imposent ces acheteurs. On comprend bien que dans une recherche constante de profit, les valeurs humaines et écologiques soient mises en second plan ou pire, elles sont considérées comme des obstacles.

Les conséquences de ce système sont grandes et alarmantes pour les petits producteurs du Sud. La pauvreté touche de plus en plus de paysans. Les gouvernements, contraints aux exigences de leur créancier, telle la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International, investissent peu dans les services de santé et sociaux. La population a difficilement accès

au crédit et si c’est le cas, les taux d’intérêts sont tellement élevés qu’on peut parler d’un endettement durable. Beaucoup de petits producteurs délaissent leurs activités pour aller travailler dans les industries des multinationales, là où les conditions de travail sont moindres. Les choix sont minces pour la population qui souvent se trouve en situation de survie, ce qui soulève beaucoup de questionnements quant aux défis du développement dans les pays du Sud.

Dans les pays en développement, ces producteurs se voient dans une situation plus difficile, qui s’explique principalement par deux grandes tensions ; l’une au niveau de la pression internationale ; l’autre au niveau de la fragilité du soutien local. Le schéma suivant démontre bien où se situent les producteurs à travers ces tensions.

Figure 2.1. : Contexte et enjeux de la production dans les pays en développement12 Cadre institutionnel Problèmes de légitimité Moyens réduits Instabilité politique Corruption/isolation Problème de gouvernance des marchés Marchés

Pression sur les prix Commandes irrégulières Exigences techniques Déplacements fréquents Cadre institutionnel Libéralisation Dérégulation Globalisation Ajustements structurels International : Fortes pressions Local : Soutien fragile

Producteurs

Marchés Pénurie d’équipement Accès au crédit limité Retard technologique Manque de qualifications Débouchés limités Problèmes de solvabilité 12

RAES, T. et Lecomte, T., Étude mondiale sur le commerce équitable, Alter Eco PwC Conseil, Paris, 2001, p.12

Enfin, le néolibéralisme n’est pas une idéologie mauvaise en soi, c’est la façon dont il est géré qui devient préoccupante, par son manque démesuré d’éthique dans l’application des règles. La croissance du marché peut être très favorable pour tous, si les coûts de production intègrent la valeur humaine ainsi que les coûts écologiques. Comme le disent si bien les pionniers de la certification des produits équitables en Europe, si rien n’est fait en ce sens, «les frais reviendront à la charge des générations futures, qui seront confrontées à un environnement ayant perdu de sa diversité et dont les capacités à répondre aux besoins de la population auront diminué par la pollution et une exploitation abusive»13.