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Perturbations singulières

1.3 Stabilité des systèmes non linéaires

1.4.1 Perturbations singulières

Le premier outil que nous présentons est la théorie des perturbations sin-gulières. Cette théorie a pour origine l’étude des phénomènes de couches limites dans les écoulements près des parois d’un fluide avec une faible vis-cosité. Certaines terminologies en sont directement inspirées.

La théorie des perturbations permet de relier les trajectoires de deux systèmes ayant des espaces d’état de dimensions différentes. Dans ce cadre, le système perturbé possède un nombre d’états plus grand que le système réduit. Plus précisément, cette théorie vise à éliminer les effets à court terme et à ne conserver que les effets à long terme. C’est un outil précieux pour la construction de modèles réduits résumant l’essentiel des comportements qualitatifs à long terme.

De manière générale, on distingue deux cas illustrés par la Figure 1.17 : – premier cas : les effets rapides se stabilisent très vite et on parle alors

de perturbations singulières, d’approximation quasi-statique, ou encore d’approximation adiabatique ;

– second cas : les effets rapides ne sont pas asymptotiquement stables mais restent d’amplitude bornée ; ils sont donc oscillants et l’on parle alors indifféremment de moyennisation ou d’approximation séculaire. Seul le premier cas est abordé ici. Le second est traité dans l’Annexe C

lorsque la dynamique rapide est périodique. Les cas plus généraux où la dynamique rapide n’est pas périodique sont nettement plus difficiles à for-maliser : il faut passer par la théorie ergodique des systèmes dynamiques

système lent-rapide −→ système lent perturbations singulières -6 0 ε 1 t x −→ -6 0 ε 1 t x moyennisation -6 0 ε 1 t x −→ -6 0 ε 1 t x

Figure 1.17 – La théorie des perturbations consiste à éliminer les effets à court terme, t ∼ ε, qu’ils soient asymptotiquement stables ou oscillants, afin de ne conserver que les effets à long terme, t ∼ 1 (0 < ε  1).

pour obtenir la dynamique lente en prenant des moyennes faisant interve-nir la mesure asymptotique du rapide : la dynamique rapide est alors vue comme un bruit à haute fréquence dont il faut connaître la loi de probabilité (la mesure asymptotique) qui dépend en général des variables lentes.

On ne considère ici que les systèmes continus (une analyse similaire peut être conduite pour les systèmes discrets) du type

ε)    dx dt = f (x, z, ε) εdzdt = g(x, z, ε)

avec x ∈ Rn, z ∈ Rp, où 0 < ε  1 est un petit paramètre, f et g sont des fonctions régulières. L’état partiel x correspond aux variables dont l’évo-lution est lente (variation significative sur une durée en t de l’ordre 1) et z correspond aux variables dont l’évolution est rapide (variation significative sur une durée en t de l’ordre de ε). On dit que t ≈ ε correspond à l’échelle de temps rapide et t ≈ 1 à l’échelle de temps lente.

Figure 1.18 – Le champs des vitesses est quasi-vertical pour la forme nor-male de Tikhonov (Σε).

Considérons pour commencer l’exemple suivant11      d dtx = z ε d dtz = x − z

avec 0 < ε  1. Intuitivement, on voit que x est une variable lente (sa vitesse est petite et d’ordre 1), tandis que z est une variable rapide (sa vitesse est d’ordre 1/ε). On a donc envie de dire que z atteint rapidement son point d’équilibre z = x et que, par suite, x évolue selon dtdx = x. Cette idée est fondamentalement correcte dès que les effets rapides sont asymptotiquement stables.

La situation géométrique est donnée par la Figure1.18 : pour ε > 0 assez petit et localement autour de g(x, z, 0) = 0, les trajectoires du système sont quasi-verticales et convergent toutes vers le sous-ensemble de l’espace d’état (sous-variété) donné à l’ordre 0 en ε par l’équation g(x, z, 0) = 0.

Les résultats ci-dessous justifient alors, sous essentiellement l’hypothèse de stabilité asymptotique à x constant de la dynamique rapide en z, εdtdz = g(x, z, 0), l’approximation des trajectoires du système perturbé (Σε) par celles du système lent (Σ0) obtenu en faisant ε = 0 dans les équations

0)    dx dt = f (x, z, 0) 0 = g(x, z, 0)

11. Comme autre exemple caractéristique citons la cinétique chimique où les constantes de vitesses de certaines réactions peuvent être nettement plus grandes que d’autres (ciné-tiques lentes et ciné(ciné-tiques très rapides).

On néglige ainsi les convergences rapides vers la sous-variété donnée approxi-mativement par les équations statiques g(x, z, 0) = 0. Toute trajectoire du système (Σε) démarrant en (x, z) est proche, après une durée en t de l’ordre de ε, de la trajectoire du système lent (Σ0) démarrant avec le même x (pro-jection selon la verticale, voir Figure 1.18).

Nous voyons que cette approximation s’accompagne d’une diminution de la dimension de l’état. En fait, la réduction n’est qu’une restriction à une sous-variété invariante attractive, les équations de cette sous-variété étant approximativement données par g(x, z, 0) = 0. On a le premier résultat gé-néral suivant (sa démonstration figure dans [61])

Théorème 15 (Tikhonov). Soit le système (Σε). Supposons que

H1 l’équation g(x, z, 0) = 0 admet une solution, z = ρ(x), avec ρ fonction régulière de x telle que la matrice Jacobienne partielle

∂g

∂z(x, ρ(x), 0)

est une matrice dont toutes les valeurs propres sont à partie réelle stric-tement négative (Hurwitz) ; on dit alors que le système est sous forme standard ;

H2 le système réduit

 dx

dt = f (x, ρ(x), 0)

x(t=0) = x0 (1.15)

admet une unique solution x0(t) pour t ∈ [0, T ], 0 < T < +∞.

Alors, pour ε suffisamment proche de 0, le système complet (Σ) admet une unique solution (xε(t), zε(t)) sur [0, T ] dès que la condition initiale z0 appar-tient au bassin d’attraction du point d’équilibre ρ(x0) du sous-système rapide

ε

dt = g(x

0, ζ, 0).

De plus on a

limε→0+xε(t) = x0(t) et limε→0+zε(t) = z0(t)

uniformément pour t dans tout intervalle fermé de la forme [a, T ] avec a > 0. Par le Théorème 4, l’hypothèse H1 implique que, à x fixé, la dynamique de ζ

ε

est localement asymptotiquement stable autour du point d’équilibre ρ(x). Remarquons aussi que (Σ0) s’écrit ainsi

d

dtx = f (x, ρ(x), 0)

avec z = ρ(x), la fonction x 7→ ρ(x) étant définie implicitement par g(x, ρ, 0) = 0.

Sans hypothèses supplémentaires, l’approximation du Théorème 15n’est valable, en général, que sur des intervalles de temps t de longueur bornée T . L’hypothèse supplémentaire, qu’il convient alors d’utiliser pour avoir une bonne approximation pour tous les temps positifs, concerne le comportement asymptotique du système réduit (1.15) : si ce dernier admet un point d’équi-libre dont le linéaire tangent est asymptotiquement stable, l’approximation est alors valable pour tous les temps positifs (pourvu que la condition initiale x0 soit dans le bassin d’attraction de l’équilibre de la dynamique lente). Théorème 16 (Préservation de la stabilité). Supposons en plus des hypo-thèses du Théorème15que le système réduit (1.15) admet un point d’équilibre ¯

x : f (¯x, ρ(¯x), 0) = 0 et que les valeurs propres de la matrice  ∂f ∂x + ∂f ∂z · ∂ρ ∂x  (¯x,ρ(¯x),0)

sont à partie réelle strictement négative. Alors, pour tout ε ≥ 0 assez proche de 0, le système perturbé (Σε) admet un point d’équilibre proche de (¯x, ρ(¯x)) et dont le linéaire tangent est asymptotiquement stable.

Preuve L’existence du point stationnaire pour le système perturbé est lais-sée en exercice (il suffit d’utiliser le théorème des fonctions implicites pour g = 0 et ensuite pour f = 0). Quitte à faire, pour chaque ε une translation, nous supposons que (0, 0) est point stationnaire du système perturbé

f (0, 0, ε) = 0, g(0, 0, ε) = 0

Notons, pour x proche de 0, z = ρε(x), la solution proche de 0 de g(x, z, ε) = 0. Suite à la translation précédente, on a ρε(0) = 0. Considérons le chan-gement de variables (x, z) 7→ (x, w = z − ρε(x)). Les équations du système perturbé dans les coordonnées (x, w) ont alors la forme suivante

d

dtx = ˜f (x, w, ε), ε d

avec ˜f (0, 0, ε) = 0, ˜g(x, 0, ε) ≡ 0. Le système réduit s’écrit alors, dans les coordonnées (x, w)

d

dtx = ˜f (x, 0, ε)

Ce changement de variable triangularise la matrice Jacobienne du système perturbé

∂ ˜f

∂x(0, 0, ε) ∂w∂ ˜f(0, 0, ε) 0 1ε∂w∂ ˜g(0, 0, ε)

!

car ∂ ˜∂xg(0, 0, ε) = 0 puisque ˜g(x, 0, ) ≡ 0. Comme les valeurs propres de ∂ ˜f

∂x(0, 0, 0) et de ∂ ˜∂zg(0, 0, 0) sont toutes à partie réelle strictement négative, les valeurs propres de ∂ ˜∂xf(0, 0, ε) et ∂ ˜∂zg(0, 0, ε) le sont aussi pour ε assez petit. Ce qui montre la stabilité asymptotique du système perturbé pour tout ε assez petit.

Cette preuve peut être améliorée pour montrer que l’approximation du Théorème 15 devient valide, localement autour de (¯x, ρ(¯x)) et pour tous les temps t positifs, dès que ε est assez petit (le caractère local étant alors indépendant de ε tendant vers zéro).