• Aucun résultat trouvé

Perturbation anthropique de la végétation de Chélia : approche biologique

Approche biologique

II. 6. Perturbation anthropique de la végétation de Chélia : approche biologique

Introduction

Les forêts méditerranéennes constituent un milieu naturel fragile déjà profondément perturbé par les utilisations multiples, dont les origines remontent au début du Néolithique (Barbero et al.1990).La perturbation est définie comme étant une fluctuation environnementale et un événement destructeur qui affecte la santé, la structure des forêts, et/ou modifie les ressources ou l’environnement physique à n’importe quelle échelle spatiale ou temporelle (Simula, 2009).

Si l’approche biologique est la classification la plus utilisée pour la distinction des différents types physionomiques reflétant les potentialités des stations et le degré de perturbation humaine, cependant, la forme vitale du végétal peut exprimer les pressions naturelles et/ou artificielles qui lui ont été exercées. Par ailleurs, Les différents types biologiques qui informent sur les formes de croissance et donc sur l’adaptation des végétaux aux conditions locales de milieu et de perturbation y compris aux pressions exercées par l’homme et les animaux herbivores. Le spectre biologique , originellement défini sensu Raunkiaer, est un indicateur supplémentaire et particulièrement important de la structure d e l'écosystème ainsi que, probablement, de son fonctionnement (Aronson et al. 1995).

En fonction de la manière, par laquelle la plante peut traverser la période critique et défavorable de son cycle biologique (la localisation des bourgeons de rénovation p ar rapport à la surface du sol), on classe les plantes dans des types biologiques Ra unkiaer (1934). La variabilité du spectre biologique d'un écosystème décroît habituellement quand croît son niveau de dégradation. Ce type d'attribut vital peut, en particulier, être utilisé pour comparer différents états de formations végétales originellement de même type (Aronson et al.1995).

L’objectif visé à travers ce chapitre est d’étude l’impact de l’action anthropique et l’état de perturbation de la végétation de l’Aurès, en utilisant une approche biologique pour étudier le cas de la flore du massif de Chélia . En étudiant la répartition de la flore par type biologique dans les différents groupements végétaux mis en évidence dans les chapitres passés . L’indice de perturbation peut nous renseigner sur le degré de dégradation des ces biotope et permet de les classer en fonction de celle -ci.

II. 6. 1. Méthodes

Bien entendu que ce travail consiste à évaluer le spectre biologique global de la flore du Chélia et de comparer les spectres réels des groupements prédéfinis. Aussi avons -nous calculé l’indice de perturbation (IP) (Loisel et al.1993 in Achour-Kadi Hanifi et Loisel, 1997) des groupementsqui s’écrit :

Cependant, les formes biologiqu es ont été considérées sans distinction des différentes subdivisions relatives à la variation de la taille, de la morphologie et de la disposition des différents organes. Les classes retenues sont : phanerophytes (Ph), chamaephytes (Ch), hémicryptophytes (Hé), géophytes (Gé) et thérophytes (Th). Par ailleurs, pour chaque espèce le type biologique sensu Raunkiaer (Raunkiaer, 1934 ; Ellenberg et Mueller-Dombois, 1967) est renseigné d’après nos propres observations in situ, complétées lorsque cela est possible avec les données fournies par certaines flores ou catalogues récents des pays voisins Pignatti , 1982 ; Carazo-Montijano et Fernández-López, 2006)

II. 6. 2. Résultats

II. 6. 2. 1. Spectre biologique global

L’allure générale du spectre biologique global de la flore du Chélia, exprime son statut global. Il montre qu’il est dominé par les hémicryptophytes puis les thérophytes (Tab. II. 24).

D’une manière générale, les hémicryptophytes traduisent l’effet da la pluviosité et du froid (Floret et al.1990). Quant aux thérophytes, qui atteignent aussi un taux important ; ils témoignent un degré de d’ouverture et de dégradation très importantes dues au pâturage, à la surexploitation du milieu et à toutes dégradations naturelles ou artificielles .

Tableau II. 24. Spectre biologique et indice de perturbation globaux

Ch Ph He Ge Th IP

Nombre d’espèces 20 23 46 6 41 45%

% 14,7 16,91 33,82 4,42 30,15

La part des ligneux, d’une manière générale, est équilibrée compte tenu du reste des formes (Fig. II. 30). Ceci confirme l’aspect, du moins global, de cette zone en terme de vocation forestière par excellence.

Nombre de Chaméphytes + Nom bre de Thérophytes x 100 Nombre total d’espèces

Figure II. 30. La part des types biologiques dans le spectre biologique global Le degré de thérophytisation et d’anthropisation exprime une valeur alarmante. L’indice calculé est de 45%: autant que l’indice est élevé autant que la dégradation est poussée. Cette thérophytisation, des formations forestières est liée à leur envahissement généralisées par des espèces annuelles souvent sub-nitrophiles et disséminées essentiellement par les troupeaux (Barbero et al.1990). Ces auteurs ajoutent , entre autre, que ces espèces sont fav orisées par un cycle biologique court (quelques semaines à quelques mois) qui leur permet d'occuper le sol durant les courtes périodes favorables à leur développement et ce dans tous les ensembles bioclimatiques et leurs variantes. Abdessemed (1984), en étudiant les conséquences du parcours sur la dégradation des phytocénoses a conclu qu’il entraîne une uniformisation du tapis végétal caractérisé par le développement des espèces peu palatables ou nitrophiles.

II. 6. 2. 2. Spectre biologique du groupement à Bupleurum spinosum et Cytisus balansae Le dénombrement des espèces appartenant à ce groupement donne un spectre biologique caractéristique (Tab. II. 25), son observationpermet d’énumérerles remarques suivantes :

Tableau II. 25. Spectre biologique du groupement à Bupleurum spinosum et Cytisus balansae et indice de perturbation

Ch Ph He Ge Th IP

Nombre d’espèces 12 4 20 0 6 43%

% 28,57 9,52 47,61 0 14,3

Ch 15%

Ph 17%

He 34%

Ge 4%

Th 30%

• Une forte dominance des hémicryptophytes : presque 50% du cortège floristique de la calotte sommitale est dominé par les hémicryptophytes. Ceci pourrait s’expliquer par la pluviosité et le froid qui règne surtout en hiver, mais aussi par le fort éclairement suite à l’absence des phanérophytes représentés par les arbres (Danin et Orshan, 1990 ; Floret et al.1990). Notons également que les espèces pérennes peuvent devenir abondantes et envahissantes dans des situations de perturbation prolongée (Aronson et al.1995). De leurs parts Quézel (1957) et Abdessemed (1984) ont précisé que l 'extension des pelouses culminales d u chélia climatiquement favorables, serait due à la dégradation du cè dre.

• Le second constat est la place importante qu’occupent les chaméphytes (Fig. II. 31). En effet, ce sont ellesqui donnent l’aspect physionomique particulier de ce groupement, connu sous le terme « xérophytes épineuses en coussinet ou pelouse écorchée» (Quézel, 1957 ; Abdessemed, 1981).

• Le taux des phénérophytes est relativement faible. Ce type est représenté par des espèces nanophanérophytes naines ou prostré. On peut citer : Berberis hispanica, Rosa pimpinellifolia et Prunus prostrata. La dominance des nanophan érophytes serait semble t -il le résultat de la persistance de la neige en hivers et des vents violents (Wojterski et Abdessemed, 1985).

• Les thérophytes atteignent leurs valeurs minimums, très basses par rapport aux autres groupes et au spectre global. Là les annuelles sont d’environ 14% ce qui est dû semble t-il à l’éloignement du site de la population. Ils n’arrivent ici que le bétail bovin circulant librement à l’intérieur du massif.

Figure II. 31. Spectre biologique du groupement à Bupleurum spinosum Ch

29%

10% Ph He 47%

Ge 0%

Th 14%

global ; il est de 43%. Aussi avons -nous signalé dans les paragraphes précèdent que cette zone constitue un lieu d’entreposage des bétails bovins surtout en été. Le pâturage semble ainsi favoriser et les chaméphytes refusées par les troupeaux dominent et envahissent l’espace. Notons que Le Houérou (1992), avait souligné l’augmentation des chaméphytes ligneuses dans les formations graminéennes par suite du surpâturage par les ovins et les bovins.

II. 6. 2. 3. Spectre biologique du groupement à Cedrus atlantica

Dans ce groupement on assiste à une augmentation notable du taux des thérophytes par rapport à celui du groupement à Bupleurum spinosum. Mais ce taux reste toujours inférieur à celui du spectre brut. Cette augmentation est accompagnée aussi par un notable élévation des phanérophytes notamment les méga et méso - phanérophytes. Les hémicryptophytes sont également important et approch ent les valeurs du groupement précédant (Fig. II. 32). Cela dû semble t-il à l’éclairement des forets de cèdre et à la diminution de la densité du recouvrement (Tab. II. 26)

Tableau II. 26. Spectre biologique du groupement à Cedrus atlantica et indice de perturbation

Ch Ph He Ge Th IP

Nombre d’espèces 14 13 39 6 24 40%

% 14,58 13,55 40,62 6,25 25

Selon Barbero et al. (1990), la matorralisation des ensembles forestiers est géné rale dans le sud de l’Espagne et en Afrique du Nord en bioclimat su bhumide et humide, et correspond à un envahissement généralisé des structures forestières par des sclé rophylles des ourlets et manteaux préforestiers. Dans notre cédraie c’est surtout le chêne vert et le frêne qui récupérera le terrain, surtout suite au dépérissement du cèdre de l’atlas constaté ces dernières années (Bentouati et Bariteau, 2006 ; Bentouati, 2008). Beghami et al. (2012, sous presse) ont démontré en utilisant une approche géomatique que les cédraies mixtes ( cédraies à chêne) seraient diminuées d’environ -3,27% et que les garrigue s de chêne vert auraient gagné environ +10,51% sur une période 37 ans. Au sujet des chaméphyte comme on l’a déjà souligné, que lorsque le couvert s’éclaircir les chaméphytes s’infiltrent et constituent de ce faite ce q u’on a nommé les espèces de transition entre les groupements.

Figure II. 32. Spectre biologique du groupement à Cedrus atlantica

En ce qui concerne l’indice de perturbation, il est moins important ; vu le taux des espèces pérennes et le nombre réduit en chaméphytes . Ces dernières recolonisent les vides laissés, après perturbation, par les espèces arbustives et herbacées écologiquement exigeantes de l'écosystème initial (Barbero et al.1990). Les espèces pérennes paraissent occuper une position dominante dans la plupart des écosystèmes terrestres et aquatiques en conditions relativement stables (Aronson et al.1995).

II. 6. 2. 4. Spectre biologique du groupement à Quercus ilex et Fraxinus dimorpha L’observation du tableau II. 27, fait ressortir les points suivants :

• Les phanérophytes constitués essentiellement de méso- phanérophytes détiennent une place très remarquables, elle est d’environ 17% (Fig. II. 33). Ce groupement se présente sous forme d’une garrigue ou maquis plus ou moins fermé , il repose sur des sols souvent dégradés et dont les conditions bioclimatiques sont propices (subhumide).

Tableau II. 27. Spectre biologique du groupement à Quercus ilex et Fraxinus dimorpha et indice de perturbation

Ch Ph He Ge Th IP

Nombre d’espèces 14 18 35 5 34 45%

% 13,2 17 33 4,7 32,1

Abdessemed (1984) précise que la dégradation du microclimat et des sols entraîne la disparition des espèces mésophiles et leur remplacement par des espèces xérophiles. De notre part, nous estimons que ces biotopes étaient, autrefois parmi l’aire d’extension naturelle du cèdre

Ch 15%

Ph 14%

He 40%

Ge 6%

Th

25%

subsiste aujourd’hui que quelques vestiges reliques de cèdre disséminé ça et là.

• Les thérophyte s’amplifient de nouveau pour atteindre des valeurs plus élevées que celles du spectre brut 32% environ. De point de vue altitude ces formations sont à proximité de la population et de leurs champs de cultur e: en hiver quand il n’y a pas de quoi se nourrir les bétails bovins, ovins et notamment les chèvres, ils eurent recours aux maquis.

Figure II. 33. Spectre biologique du groupement à Quercus ilex et Fraxinus xanthoxyloϊdes

• L’indice de perturbation manifeste ici une hausse pour égaler l’indice de la perturbation global, il est de 45%, c’est dû comme nous l’avons signalé précédemmen t à une forte anthropisation de ces formations.

II. 6. 2. 5. Spectre biologique du groupement à Juniperus oxycedrus

L’examen du Tab. II. 28, montre qu’ici comme ailleurs au niveau des groupements précédent les hémicryptophytes sont très proche, cependant les chaméphytes et les géophytes sont plus abondant que dans le groupent de chêne v ert. En ce qui concerne le s phanérophytes, une baisse considérables du taux de celle -ci (Fig. II. 34). Cet état de chose nous permet de conclure que ce groupement présente une tendance régressive plus poussée que celui de chêne vert. De ce fait il montre u n stade de dégradation vers une dématorralisation totale dont Barbero et al. (1990) ont en schématisé les phases comme suit :

33%

Ch 13%

Ph 17%

He Ge

5%

Th 32%

- La première consiste au remplacement des espèces rejetant de souche par des arbustes hauts recepant peu ou pas : (Cistacées, Pap ilionacées) qui à leur tour pou rront être prélevés par l'homme.

- la deuxième marque alors la dématorralisation effective, avec l'installation de chaméphytes de plus petite taille constitués surtout par des Labiées ( Lavandula marocana, L.

atlantica, L. dentata, Thymus, etc.) et plus rarement des Papilionacées ( Genista pseudopilosa, Coronilla minima). Malheureusement ce sont presque les mêmes espèces ou bien des espèces possédant le même type biologique que celle -ci qu’on rencontre dans ce groupement. Dans tout cas de figure, c’est le même scénario que nous imaginons à moins qu’un plan de préservation urgent et effective ! Soit appliqué.

Tableau II. 28. Spectre biologique du groupement à Juniperus oxycedrus et indice de perturbation

Ch Ph He Ge Th IP

Nombre d’espèces 17 11 29 2 26 51%

% 20 12,94 34,11 2,35 30,6

Ici l’indice de thérophytisation atteint son maximum, il est de 51%. Ce groupement est lié à des valeurs de l’indice très élevé, ceci pourrait s’expliquer par : une anthropisation (incendie, coupes, Emondage pastoral) ouvrant le couvert et un surpâturage enrichissant le sol en nitrates et permet le développement des rudérales, notamment annuelles envahies par la suite par des espèces chaméphytes épineuses peu appréciées par les a nimaux domestique herbivores (Médail et Diadema, 2006 ; Quézel, 2000).

Figure II. 34. Spectre biologique du groupement à Juniperus oxycedrus Ch

20%

Ph 13%

He 34%

Ge 2%

Th 31%

succession de la majorité des écosystèmes méditerranée ns, des zones aride et semi aride sont caractérisés par leur grand nombre d'espèces annuelles. A cela s’ajoute pratiquement l’aléa climatique, sachant que la plus grande partie de ces formations se localisent sur l es versant sud et sud est, exposant cette végétation directement aux influences de l’aridité du climat, notamment le vent sec et chaud dominant en été (sirocco).

Conclusion

L’étude des spectres biologiques réels confirme l’évolution régressive du tapis végétal telle qu’elle a été illustrée par l’examen de la composition floristique des groupements dans l’interprétation directe des gradients le long des axes factoriels. Puis confirmée par l’analyse canonique des correspondances. Cette régression du tapis v égétal se traduit par la disparition progressive des phanérophytes, l’extension des hémicryptophytes et des chamaephytes en conditions bioclimatique relativement favorables (subhumide et humide) et l’apparition progressive des thérophytes en direction des formations bénéficiant des conditions bioclimatique peu propices (semi aride) . Ces formations sont situées en basses altitude notamment sur le versant sud et sud est. Quand la dégradation s’accentue, des chaméphytes et des thérophytes deviennent dominantes dans la contribution au tapis végétal , bien qu’elles soient peu nombreuses.Ces résultats sont en accord avec ceux obtenus lors de l’utilisation de l’interprétation directe ou indirecte par le biais de l’analyse canonique des correspondances de la flore et des variables environnementales prélevées sur le terrain.

Dynamique de la