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La principale hypothèse de la théorie de la pertinence se fonde sur la maxime du même nom et stipule que l’esprit humain est formé pour maximiser la pertinence dans l’interprétation (Moeschler & Reboul, 1998). Il s’agit donc d’obtenir l’interprétation la plus pertinente d’un énoncé quelconque. Pour Sperber et Wilson, cette théorie ne se situe pas du tout au même niveau que celle de Wierzbicka parce qu’il est plutôt question d’une théorie cognitiviste et psychologique qui présuppose un type d’organisation de la pensée. La pragmatique découle ici de mécanismes cognitifs qui permettent de viser la pertinence maximale. Cette optimisation est présente conjointement au niveau de la production du sens (la parole) et au niveau de l’interprétation (la compréhension). En effet, l’auditeur tente de comprendre un énoncé en supposant que l’énoncé entendu est pertinent, mais il doit en retour exprimer ce qu’il veut transmettre en faisant usage de moyens qui seront perçus comme pertinents en retour par l’interlocuteur.

Pour Sperber et Wilson, la pertinence est en quelque sorte considérée comme un précepte de base de la communication, c’est ce qui sert de repère sur lequel s’appuyer pour tenter de comprendre un énoncé. Elle se distingue par contre des maximes de Grice parce qu’elle n’est pas une attente communicationnelle, mais plutôt une contrainte cognitive. S’il n’y avait pas de principe de pertinence, l’esprit humain ne pourrait comprendre un énoncé selon le contexte. Ces idées sont très bien résumées avec ces deux principes suivants (tirés de (Wilson & Sperber, 2012)) :

i) Principe de la pertinence communicationnelle

Un énoncé transmet l’hypothèse de sa propre pertinence optimale. ii) Principe de pertinence optimale

Un énoncé est de pertinence optimale si et seulement si :

- Il est assez pertinent pour valoir l’effort d’être interprété par l’auditeur;

- C’est le stimulus le plus pertinent qui est compatible avec les capacités et les préférences de l’auditeur.

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Le principe i) résume bien le fait qu’un énoncé doit être considéré comme pertinent pour être interprété tandis que ii) stipule que la pertinence optimale découle autant des capacités cognitives de l’auditeur (celui qui interprète) que de l’effort requis pour le faire. La pertinence optimale puise donc sa source dans l’équilibre délicat entre l’énergie cognitive qui doit être déployée pour comprendre un énoncé, mais aussi par l’effet qu’aura cette interprétation sur sa perception de la conversation. Autrement dit, l’auditeur tente de réduire le plus possible son effort de computation nécessaire à la compréhension d’un énoncé du locuteur; dès que la personne est rendue à traiter une inférence qu’elle jugera pertinente pour elle, elle arrêtera sa procédure interprétative (Moeschler & Reboul, 1998). Il s’ensuit qu’un individu ne considère que les choix les plus logiques et les plus facilement interprétables. Ceci limite la computation et empêche d’avoir à considérer toutes les possibilités de sens qui pourraient exister41 (Wilson & Sperber, 2012). Il ne serait pas possible pour un individu de traiter indéfiniment un énoncé pour tenter d’y trouver un Xe degré de sens parce que l’effort cognitif pour s’y rendre serait trop grand. La computation prend fin lorsqu’une interprétation satisfaisante est dégagée42. Ceci exclut donc la possibilité d’avoir une infinité de suppositions toujours de plus en plus complexes.

Parallèlement, l’évaluation de la pertinence est un processus cognitif qui sert à l’interprétation du sens en contexte, mais la même démarche doit aussi servir pour la production du sens, donc pour l’énonciation. Par exemple, une personne ne va dire que ce qu’il est pertinent de dire en fonction de ce qu’elle veut transmettre comme message et elle ne dépensera pas plus d’énergie cognitive qu’il le faut. L’idée de la pertinence dépend fortement des conditions dictées par le contexte puisque les inférences dégagées d’une même phrase ne

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Fodor conteste cette vision parce qu’elle contrevient selon lui à la définition même de la rationalité qui implique de considérer toutes les avenues possibles. Dans le cas où une personne ne le ferait pas, elle pourrait être vue comme étant irrationnelle. Sperber et Wilson répondent à Fodor que pour la théorie de la pertinence, être rationnel veut dire maximiser l’utilité cognitive estimée de l’information retirée d’une inférence. Ce qui est le plus pertinent est ce qui est le plus facile à déterminer (à computer). Le but est donc d’optimaliser le ratio effet/effort cognitif. Comme il ne s’agit pas d’une stratégie arbitraire, la pertinence est en mesure de remplir les conditions de la définition de rationalité de Fodor (Sperber & Wilson, 1996).

42 La notion de satisfaction est quelque peu nébuleuse et j’y reviendrai lorsqu’il sera question d’intégrer la culture

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seront pas nécessairement les mêmes pour deux énonciations ayant eu lieu dans des contextes différents. Pour Sperber et Wilson, le contexte permet une certaine élasticité dans la définition sémantique des mots, ce qui joue donc un rôle important puisque c’est lui qui permet d’obtenir les valeurs de vérité d’une phrase qui se situe au-delà du simple code linguistique. C’est aussi le contexte qui rend légitime l’énoncé en le plaçant dans une situation réelle, qui l’imbrique dans la pratique linguistique (Sperber & Wilson, 1986).

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