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DANS LA LITTÉRATURE ALLEMANDE CONTEMPORAINE UN AUTRE FIL CONDUCTEUR DE MES RECHERCHES

8. PERSPECTIVES DE RECHERCHE : PROSPECTIVE

Study problems, not periods !

John Emerich Edward Dalberg-Acton (1988)1

Introduction

Conformément à la « loi du genre », je voudrais conclure ce document de synthèse par une présentation succincte de mes perspectives de recherche pour les années à venir. En dehors des perspectives déjà ouvertes par les résumés et développements qui ont précédé, j’évoquerai ici principalement trois pistes de recherche, en m’abstenant de mentionner nombre d’autres projets dont la réalisation me semble trop incertaine pour être mentionnés en cet endroit.

Dans ce qui suit, seront donc exposés ces trois projets : 1° l’élargissement de mes études sur le plurilinguisme littéraire grâce à l’intégration d’autres cas de figure en vue de la constitution d’une perspective historique élargie ; 2° l’application de ma méthodologie en termes de plurilinguisme et d’interculturalité à d’autres objets d’études, en particulier au cinéma allemand contemporain ; 3° ouverture d’un chantier autour de la figure tutélaire de Goethe sous la perspective des concepts d’interculturalité et de cosmopolitisme, notamment à partir de son

West-Östlicher Divan.

Dans ce contexte, je me limiterai à l’évocation de mes projets de recherche individuels, lesquels seront forcément complétés par des entreprises collectives, dans le cadre de la poursuite des collaborations transdisciplinaires qui ponctuent mon parcours de germaniste.

Poursuite et élargissement de mes études sur le plurilinguisme littéraire

Le premier prolongement de mes recherches passées, le plus évident et le plus immédiatement réalisable, consiste naturellement à compléter les études de cas effectués par mes travaux consacrés aux écrivains plurilingues, en élargissant progressivement la perspective historique, notamment, mais pas exclusivement, en direction de la première moitié du XIXe siècle. En effet, cet élargissement, correspondant à un mouvement de diversification entamé depuis longtemps (sur le plan des auteurs et des époques abordés) et situé dans la continuité directe de mes travaux précédents, est actuellement en cours, sous forme d’une série de communications faites dans le cadre de colloques. Il concerne pour l’instant trois écrivains : Yvan Goll, Franz

1 John E. E. Dalberg-Acton, Essays in Religion, Politics, and Morality. Selected Writings of Lord Acton, vol. III, Indianapolis : Liberty Fund, 1988, p. 627.

Grillparzer, Georg Büchner, dont je voudrais brièvement présenter la problématique plurilingue. S’y ajoute enfin un projet monographique transversal de plus grande ampleur.

Mon intérêt pour l’œuvre d’Yvan Goll (1896-1950) s’inscrit dans le contexte des recherches que j’ai consacrées au rôle joué par le plurilinguisme littéraire dans la naissance de la modernité littéraire, recherches présentées dans la sixième partie du présent document. Dans le cadre d’une communication à l’occasion du colloque international qui s’est tenu en avril 2016 à l’Université de Sarrebruck2, j’ai donc analysé le cas de cet écrivain sous l’angle de la problématique exposée précédemment.

Né en 1896 en Lorraine, Yvan Goll se caractérise par un véritable équilinguisme littéraire, à l’origine d’une œuvre franco-allemande où l’auto-traduction occupe une place cruciale. Qui plus est, pendant son exil américain durant les années 1930, Goll a également commencé à écrire en anglais, ce qui fait de lui un écrivain trilingue, cas extrêmement rare. Or, si le plurilinguisme littéraire de Goll ressemble à maints égards à celui d’un George, d’un Rilke ou d’un Mehring, le profil de l’auteur se distingue par l’importance que les facteurs sociolinguistiques ont eue dans son parcours et dans sa production littéraire. Aussi Yvan Goll est-il à la fois proche de ces auteurs contemporains et séparés d’eux par une problématique spécifique.

À cet égard, le but de ma communication intitulée « Yvan Golls Werk im Kontext mehrsprachiger

Schreibverfahren der literarischen Moderne » était de mettre en évidence cette spécificité, en inscrivant

l’œuvre de Goll dans le contexte de la littérature alsacienne (ou alsaço-lorraine) de la première moitié du XXe siècle. En effet, on pourrait parler au sujet de Goll d’un plurilinguisme tragique dans la mesure où la mission de médiation qu’il s’était assigné se heurte au contexte politique de l’époque, à l’impossibilité d’un entre-deux harmonieux sur un territoire devenu le théâtre de luttes idéologiques et de conflits guerriers.

Appartenant à une génération « sacrifiée » par les conflits franco-allemands, Goll s’est en fin de compte trouvé dans l’incapacité de s’abstraire des déterminismes géopolitiques de son époque. À la différence de son ami Jean Arp notamment, il n’a pas réussi à transformer son destin linguistique en un plurilinguisme joyeux et expérimental à l’instar du mouvement Dada. À ce titre, il illustre de manière exemplaire les enjeux sociopolitiques du plurilinguisme littéraire, notamment dans un contexte ultranationaliste, chauviniste.

2 Konjunktionen. Yvan Goll im Diskurs der Moderne, colloque international, organisé par le Literaturarchiv Saar-Lor-Lux-Elsass, Université de la Sarre, Saarebruck, du 6 au 8 avril 2016.

Cette communication sur la spécificité des écrivains alsaciens de cette époque pourra trouver des prolongements sous la forme d’autres études de cas consacrées à des auteurs de la même génération tels que Jean Arp, René Schickele, Otto Flake, etc.

Le cas de Franz Grillparzer (1791-1872) est d’un tout autre ordre, étant donné qu’il s’agit d’un auteur né plus d’un siècle avant Goll et qui n’est aucunement un écrivain plurilingue au sens propre. Néanmoins, sa trilogie dramatique Das goldenen Vlies (1821), inscrite au programme de l’Agrégation d’allemand pour les sessions 2016 et 2017, emploie un procédé qu’on pourrait considérer comme l’anticipation d’une certaine esthétique plurilingue ou polyphonique de la modernité.

Dans son adaptation du mythe de Médée, Franz Grillparzer accorde en effet une importance cruciale à la différence culturelle et ethnique entre les personnages du drame en attribuant aux gens de Iolcos et à ceux de Colchide deux idiomes distincts, qualifiés de « langues » par l’auteur lui-même. On y trouve, d’une part, le pentamètre ïambique (Blankvers), ayant acquis ses lettres de noblesse littéraires, attribué en l’occurrence aux Grecs, et, d’autre part, un mètre beaucoup plus libre, sans forme régulière, attribué aux personnages considérés comme « barbares » car venus du dehors du monde grec.

Tout au long de la trilogie, ce double langage dramatique, vers blanc contre vers libre, sert à caractériser les personnages de ces deux mondes éloignés pour mettre en scène les contacts interculturels. Dans ce cadre, les deux peuples ne restent pas séparés mais se rapprochent jusqu’à s’unir, à l’instar du mariage entre Jason le Grec et Médée la Colchidienne. Au travers de leurs dialogues, il arrive également que les idiomes qui leur sont assignés se télescopent et se mélangent pour finalement exprimer un questionnement identitaire, une identité en crise.

Sur la base des études classiques comme celle de Joachim Kaiser3, mais aussi en m’appuyant sur quelques recherches plus récentes dans le domaine de l’interculturalité, ma communication dans le cadre d’une journée d’études organisée en janvier 2016 à la Maison Heinrich Heine de Paris4, s’est proposée d’analyser, à partir de quelques exemples concrets, le lien entre l’idiome des personnages et leur identité culturelle respective, un lien beaucoup plus complexe qu’il ne paraît de prime abord.

Sous le titre « Différences culturelles, conflits ethniques et diversité des idiomes dans La

Toison d’Or de Grillparzer », il s’agissait de mettre en rapport le questionnement identitaire qui en

3 Joachim Kaiser, Grillparzers dramatischer Stil, Munich, Hanser, 1961.

4 Franz Grillparzer, « Das goldene Vließ », journée d’étude, organisée dans le cadre de la préparation à l’Agrégation externe d’allemand 2016, Maison Heinrich Heine, Paris, le 30 janvier 2016.

découle avec les conflits majeurs qui structurent la pièce, notamment avec la passion amoureuse liant Médée à Jason, mais aussi, plus largement, avec les conflits entre le monde grec et les pays soumis.

Somme toute, la différenciation des idiomes dans la pièce de Grillparzer montre beaucoup de parallèles avec la fonction que l’écriture plurilingue allait revêtir dans le théâtre allemand des époques ultérieures. En même temps, cette esthétique s’ancre dans le contexte spécifique du conflit naissant entre les nationalités de l’Empire habsbourgeois, conflit se constituant d’abord à travers la question linguistique, à commencer par le décret de 1784 imposant l’allemand comme unique langue administrative.

Par le biais de cet élargissement historique, on voit apparaître dans mes recherches une thématique récurrente consacrée au rôle du plurilinguisme dans le théâtre allemand, du Vormärz jusqu’à la période contemporaine, de Franz Grillparzer à Yoko Tawada, en passant notamment par Frank Wedekind et par Georg Büchner, dernier exemple que je citerai ici.

Le cas de Georg Büchner (1810-1837) se rapproche d’abord de celui d’Yvan Goll, ou plus encore de celui de Heinrich Heine, compte tenu de la trajectoire biographique de l’auteur qui a passé la majeure partie de sa vie d’écrivain sur le sol français, à Strasbourg. L’influence de la culture et de la langue française sur son œuvre a maintes fois été soulignée par la recherche, et elle apparaît de la manière la plus évidente dans sa thèse de médecine rédigée entièrement en français.

Or, ses œuvres littéraires font également apparaître de multiples traces du français, dans la mesure où Büchner a utilisé pour leur élaboration de nombreuses sources françaises, qu’il a en partie lui-même traduites, parfois de manière littérale. Sur le plan du langage utilisé par ces personnages dramatiques, le naturalisme avant la lettre de Büchner le pousse en outre à recourir à des sociolectes et des idiolectes faisant apparaître une très forte influence du français.

En m’appuyant notamment sur un jeu de mots en langue française apparaissant dans

Dantons Tod, jeu de mots isolé mais révélateur, ainsi que sur les nombreuses traces du français dans

le langage dramatique du Woyzeck, je me suis penché, dans le cadre d’un atelier que j’ai co-organisé dans le cadre du XXIe congrès de littérature comparée5, sur les particularités linguistiques du langage des personnages de Büchner par rapport à ses liens avec les spécificités sociopolitiques de son époque et avec l’interculturalité de son œuvre en général.

5 Mapping Multilingualism in 19th Century European Literature : Closing the Gap between Past and Present, atelier co-organisée par Olga Anokhina, Till Dembeck et Dirk Weissmann dans le cadre du XXIe congrès de l’Association Internationale de Littérature Comparée, Université de Vienne, Autriche, 21-27 juillet 2016.

Écrivant à une époque où les frontières nationales, culturelles et linguistiques furent encore floues et mouvantes, le cas de Büchner illustre notamment les problèmes posés par le nationalisme méthodologique dans les études littéraires dans la mesure où la vision historiographique élaborée au cours du XIXe siècle n’est pas toujours adaptée à l’analyse de leur production littéraire.

En somme, quoique plus marginaux dans le cadre d’une histoire du plurilinguisme littéraire, les exemples de Grillparzer et de Büchner complètent très utilement mes recherches sur une généalogie de la polyphonie des langues au sein de la littérature allemande.

Alors que les projets que je viens de décrire sont actuellement en cours d’achèvement en ayant fait l’objet de présentations orales, je suis également en train de commencer la rédaction d’une monographie ayant pour but d’inscrire le plurilinguisme littéraire dans une perspective historiographique plus large. Sous le titre de travail Diesseits und jenseits des Rheins, Translinguale

Schriftstelleridentitäten zwischen Deutschland und Frankreich von der Aufklärung bis in die Gegenwart, il s’agira

de resserer l’analyse autour des relations littéraires franco-allemandes tout en construisant un large panorama historique.

Ce projet pour lequel j’ai un accord de principe de la part des directeurs de la collection

poethik polyglott du LitVerlag (Britta Benert, Rainier Grutman, Alfons Knauth), sera construit sous

forme d’une galerie de portraits d’écrivains ayant navigué entre la France et l’Allemagne en changeant de langue, en pratiquant l’exophonie et l’auto-traduction. Somme toute, il s’agit de mettre en évidence l’importance constante d’identités littéraires translingues dans l’histoire littéraire des deux pays, d’écrire une sorte d’histoire littéraire croisée axée sur le translinguisme, en ciblant les cas les plus emblématiques.

Parmi les auteurs devant figurer dans cet ouvrage, on peut citer Leibniz, F.-M. Grimm, Von Holbach, Frédéric II, A. v. Humboldt, A.-W. Schlegel, Adelbert von Chamisso, Georg Büchner, Heinrich Heine, Ludwig Börne, Frank Wedekind, Stefan George, Rainer Maria Rilke, Raoul Hausmann, René Schickele, Jean/Hans Arp, Yvan Goll, Maxime Alexandre, André Weckmann, Walter Benjamin, Paul Celan, Georges-Arthur Goldschmidt, Peter Handke, Anne Weber…

Application de ma méthodologie à d’autres objets d’études

Une autre perspective que j’envisage pour mes recherches à venir est le transfert de mon expertise en matière d’interculturalité et de ma méthodologie d’analyse du plurilinguisme vers d’autres objets d’études, c’est-à-dire l’application des outils d’analyse forgés à partir d’un corpus littéraire à d’autres médias, notamment le cinéma allemand contemporain.

Il est vrai que mon profond attachement à la littérature et mes longues années de spécialisation dans ce domaine m’ont fait longtemps hésiter à sauter le pas vers le septième art. En effet, face à la forte diminution de l’importance de la littérature au sein de nos filières LLCE, la

défense du genre littéraire me tient personnellement très à cœur. Il ne s’agira donc pas pour moi de

substituer le cinéma à la littérature.

Cependant, Jochen Neubauer, parmi d’autres, a montré que les deux perspectives, littéraire et cinématographique, pouvaient se compléter de manière tout à fait intéressante, en particulier sur le plan des questions identitaires dans le cadre d’une société d’immigration confrontée au phénomène de la diversité culturelle et linguistique6.

De plus, mon expérience comme enseignant de première année de licence, où j’assure depuis quelques années un cours consacré à l’histoire du cinéma allemand, cours à destination des étudiants de toute l’UFR de Lettres, Langues et Sciences humaines, m’a convaincu de l’importance que revêt le genre cinématographique pour les études germaniques en France. En effet, il me semble regrettable que, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays tels que les États-Unis où le German Cinema occupe une place tout à fait centrale dans les programmes d’études, les études germaniques en France n’aient jamais véritablement réussi à intégrer dans leurs filières d’études et leurs projets de recherche ce pan essentiel de la culture allemande depuis le XXe siècle. Cependant, certaines évolutions et prises de décision récentes me font espérer que cette situation va changer positivement dans les années à venir, ce qui créerait un cadre particulièrement propice à la réalisation de ce projet.

Plus précisément, sous l’angle de l’interculturalité et du plurilinguisme, le cinéma allemand de ces cinquante dernières années offre toute une série de chefs-d’œuvre à analyser tels que

Katzelmacher (1969) et Angst essen Seele auf (1974) de Rainer Werner Fassbinder, Shirins Hochzeit de

Helma Sanders-Brahms (1975), Der Himmel über Berlin de Wim Wenders (1987), Nirgendwo in Afrika de Charotte Link (2001) ou Auf der anderen Seite de Fatih Akin (2007). Ce dernier exemple me paraît particulièrement riche, dans la mesure où la question linguistique y est intimement liée à la question

identitaire et au phénomène de la migration. Le conflit entre la génération des pères s’exprimant

majoritairement en turc et la génération post-migratoire, souvent fortement assimilée, rejetant en partie la culture et la langue des ancêtres, y donne lieu à une savante mise en scène du code-switching qui participe de l’esthétique générale du film.

6 Jochen Neubauer, Türkische Deutsche, Kanakster und Deutschländer. Identität und Fremdwahrnehmung in Film und Literatur : Fatih Akin, Thomas Arslan, Emine Sevgi Özdamar, Zafer Senocak und Feridun Zaimoglu, Wurtzbourg, Königshausen & Neumann 2011.

D’une manière générale, l’œuvre cinématographique de Fatih Akin, plaçant la problématique identitaire de la population allemande d’origine turque au centre de ses films, paraît un objet de recherche particulièrement fécond pour travailler sur le rôle du plurilinguisme dans le cinéma allemand contemporain par rapport à la problématique de l’interculturalité. Malgré mon fort attachement au genre littéraire, cet élargissement répondrait également à un réel besoin de diversification et d’ouverture7, dans un contexte universitaire qui exige une polyvalence de plus en plus grande.

Dans l’état actuel des études germaniques en France, faire vivre son groupe de recherche et sa discipline implique assurément la capacité de « jongler », pour ainsi dire, entre les deux nécessités de la spécialisation et de la diversification. À cet égard, être spécialiste de littérature allemande n’empêche nullement de jeter des ponts vers d’autres expressions culturelles et artistiques pour lesquelles la littérature joue le plus souvent un rôle de modèle ou de source.

Remonter jusqu’à la figure tutélaire de Goethe

Le dernier prolongement de mes travaux de recherche que j’évoquerai dans ce document de synthèse ne pourra donner lieu qu’à une présentation très succincte, étant donné qu’il se situe dans un futur moins proche que les projets précédents. Il s’agit d’une « ligne de fuite » logique, pour ainsi dire, par rapport à l’élargissement de mes travaux sur la littérature allemande en direction de la première moitié du XIXe siècle, élargissement déjà entamé par le biais de mes travaux sur Heine, Büchner et Grillparzer notamment.

Au cours de mes travaux sur la dimension transnationale de la littérature allemande, la figure tutélaire de Goethe est avec le temps devenue une référence récurrente, constante. Ce sont en particulier ses célèbres remarques sur la Weltliteratur, sur la circulation transnationale des textes et des idées, qui m’accompagnent depuis longtemps, dans la mesure où ils font partie intégrante des discussions actuelles, à l’échelle internationale, sur le système littéraire mondial, du passé et du présent, et sur l’idée d’un nouveau cosmopolitisme à l’heure de la littérature migrante.

7 J’avais en fait déjà entrepris de premiers pas vers la diversification de mes objets d’études, en publiant notamment des analyses de la musique pop en langue allemande ; voir à cet égard mon article « ‘Es könnte viel bedeuten…’ Ein hermeneutisch-philologisches Experiment mit einem Song der Gruppe Blumfeld (‘Tausend Tränen tief’) », in : Olivier Agard/Christian Helmreich/Hélène Vinckel-Roisin (dir.), Das Populäre. Untersuchungen zu Interaktionen und Differenzierungsstrategien in Literatur, Kultur und Sprache, Göttingen, V&R Unipress, 2011, p. 253-265 [hors dossier d’HDR]. En termes de diversification, on pourrait également mentionner ma co-direction d’un dossier consacré à Minorités, écoles et politiques linguistiques : études sur l’aire germanophone, des Lumières à nos jours (= Allemagne d’aujourd’hui, n° 2, 2016) [hors d’HDR]. Mon incursion dans le domaine didactique a été exposée précédemment dans la septième partie de ce document.

En outre, pour qui travaille sur la genèse du paradigme de la littérature nationale en Allemagne, Goethe apparaît comme l’incarnation d’un contre-discours ou d’une sorte de pont jeté entre l’esprit cosmopolite des Lumières, son universalisme, et un XIXe siècle fortement marqué par la nationalisation et la territorialisation de la littérature et de la culture dans le cadre d’une recherche d’autonomie voire d’hégémonie culturelle. À cet égard, il est intéressant de noter que, outre ses expériences exophones en français, le jeune Goethe avait même projeté la rédaction d’un roman polyglotte…

Le désir de travailler sur le cosmopolitisme littéraire de Goethe a été renforcé par le fait que le « sage de Weimar » pourrait également être qualifié de patron de la littérature interculturelle de langue allemande8. De ce point de vue, son West-Östlicher Divan (1819-1827), considéré précisément comme éminent modèle d’une « littérature de pont » (Brückenliteratur) entre Occident et Orient, apparaît comme un objet d’études privilégié dans la continuité de ma monographie sur Die Stimmen

von Marrakech d’Elias Canetti.

Travailler sur cette œuvre me permettrait de conjuguer l’élargissement de mon champ historique d’investigation avec une continuation de mes investigations sur la place de l’interculturalité en littérature, tout en intégrant une certaine dimension plurilingue propre au Divan (qui contient, comme on le sait, de nombreux mots persans). Or, c’est plus en termes d’ouverture d’un chantier de recherches potentielles qu’il faut présenter ce projet ici, qui ne verra probablement le jour qu’à l’horizon de trois à cinq ans. Il reste que la volonté de me consacrer un jour de manière