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Chapitre 7 synthèse

7.4 Perspectives de recherche future

La Communauté métropolitaine de Montréal, la seconde en importance au Canada, comprend une population de 3,92 millions d‘individus en 2011. La majorité des pôles d‘emplois, des centres d‘intérêt et des axes majeurs de circulation de la région métropolitaine se localisent sur l‘île de Montréal. Le réseau supérieur de l‘île de Montréal se caractérise d‘ailleurs par une hausse des débits de circulation constante depuis les années 1980 selon les données du MTQ. Cette situation amène des enjeux d‘équité environnementale et sociale majeurs pour les résidents vivant près d‘axes majeurs de circulation alors que ceux-ci subissent localement les déplacements et, par le fait même, les nuisances des conducteurs provenant en partie de l‘extérieur de l‘île de Montréal. Les résultats de cette thèse de doctorat signalent que les personnes à faible revenu et les minorités visibles sont plus susceptibles de se localiser dans des espaces où les niveaux de polluants atmosphériques, de bruit routier et de l‘effet cumulatif

et environnementale. Ces enjeux ouvrent la voie à de nouvelles réflexions selon trois thématiques de recherche distinctes.

1ère thématique : analyse distributionnelle des bénéfices et coûts du fonctionnement du réseau routier

Cette thèse a mis l‘accent sur la distribution des nuisances du transport routier à l‘égard des groupes les plus vulnérables socialement et physiologiquement. Bien qu‘elles génèrent des émissions polluantes, les infrastructures de transport routières ont un rôle central dans l‘organisation spatiale des villes, alors qu‘elles permettent à la fois le transport des marchandises et des personnes, de même que l‘atteinte des destinations d‘intérêt pour les individus, tels que les pôles d‘emplois, les services et les équipements municipaux (Geurs, Boon et Van Wee 2009; Hamersma et al. 2014; Martens 2006; Song et al. 2007). La dimension d‘accessibilité n‘a ainsi pas été abordée dans le cadre de cette thèse de doctorat. Un thème d‘intérêt serait de calculer le rapport entre les bénéfices et les coûts du transport routier à l‘égard de ces quatre groupes de la population, et ce, au niveau des îlots urbains. La section 6.1.3 de cette thèse aborde l‘importance de l‘accessibilité aux ressources urbaines quant au choix résidentiel en bordure des axes majeurs de circulation. L‘accessibilité aux ressources urbaines pourrait ainsi être mesurée à partir des espaces résidentiels de ces quatre groupes. De cette façon, nous serions en mesure de voir si les personnes à faible revenu ou les minorités visibles subissent davantage les coûts du fonctionnement du réseau de transport routier sur l‘île de Montréal par rapport aux bénéfices potentiels que ceux groupes en reçoivent. Une meilleure accessibilité aux ressources urbaines viendrait ainsi compenser les iniquités distributionnelles subies par les personnes à faible revenu et les minorités visibles à l‘égard de la pollution de l‘air et du bruit routier. Enfin, les analyses effectuées à l‘égard de cette thématique permettraient d‘identifier les îlots urbains spécifiques de l‘île de Montréal qui subissent davantage les coûts du transport routier et pour lesquels des interventions ciblées pourraient s‘effectuer.

2e thématique : L’exposition aux nuisances environnementales et la mesure de la concentration des polluants

L‘approche préconisée pour mesurer les niveaux de polluants atmosphériques et de bruit routier dans cette thèse a été celle de la modélisation. Nous avons ainsi été en mesure de connaître les concentrations de ces polluants dans les secteurs résidentiels de l‘île de Montréal. La plupart des études en équité environnementale traitant de ces nuisances ont d‘ailleurs analysé les

spatiale, et ce, principalement dans les espaces résidentiels ou l‘environnement scolaire des enfants. Cette approche favorise ultimement l‘identification des secteurs problématiques et des interventions appropriées. Cependant, comme souligné dans les limites de chacun des articles de cette thèse, les mesures de la concentration spatiale ne permettent pas d‘évaluer l‘exposition aux polluants des individus. Des études ont ainsi récemment porté sur la mesure de l‘exposition individuelle aux polluants de leur environnement (Bellander, Wichmann et Lind 2012; Setton et al. 2011; Williams et al. 2012). Des mesures de polluants atmosphériques ont donc été prises à l‘aide de capteurs individuels de façon continue. De cette façon, il serait envisageable de savoir, pour une journée normale, si les groupes d‘individus ciblés selon des caractéristiques socio- économiques particulières sont exposés à des niveaux de polluants qui dépassent les normes émises par les organismes de santé publique et l‘OMS.

3e thématique: Analyse des solutions potentielles pour atteindre des objectifs d’équité environnementale dans les politiques de transport routier

Le troisième axe de recherche consiste à identifier les solutions potentielles afin de réduire les iniquités mesurées pour certains groupes de la population à l‘égard du fonctionnement du réseau routier par l‘entremise des méthodes d‘analyse d‘impacts et des politiques publiques. Plusieurs études réalisées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas ont mis de l‘avant des méthodes d‘analyse des impacts sociaux reliées au transport routier (Geurs, Boon et Van Wee 2009; Thomopoulos, Grant-Muller et Tight 2009). L‘identification des impacts négatifs pour les communautés vulnérables ou défavorisées en amont de la réalisation des projets d‘infrastructures routières favorise l‘identification de mesures d‘atténuation qui n‘auraient pu être considérées sans l‘utilisation du principe d‘équité dans les méthodes d‘évaluation des impacts. Cependant, cette méthode possède ses limites en raison notamment de la fiabilité des données socio-économiques disponibles et des difficultés liées à la sélection d‘une échelle géographique adéquate pour effectuer l‘arrimage entre la population affectée et la dispersion spatiale des nuisances analysées. Malgré ces limites, ce principe d‘équité environnementale pourrait être intégré par voie de règlements dans les méthodes québécoises d‘évaluation des impacts, afin de s‘assurer qu‘aucun groupe de la population n‘expérimente de façon disproportionnelle les contraintes associées à tout projet d‘aménagement, et ce, malgré les limites inhérentes à ces techniques. L‘analyse obligatoire de la distribution des impacts négatifs d‘un projet envers les groupes de la population affectée par ces contraintes, prévue dans un cadre réglementaire, pourrait avoir l‘avantage d‘amenuiser la perpétuation d‘iniquités environnementales et de

de transport. De plus, une attention portée aux impacts négatifs d‘un projet envers les plus vulnérables favoriserait la réduction de certaines sources contributoires à divers problèmes de santé.

8. CONCLUSION

Les résultats de cette thèse de doctorat signalent que les personnes à faible revenu et les minorités visibles sont plus susceptibles de se localiser dans des secteurs résidentiels où les concentrations de polluants atmosphériques et où les niveaux de bruit routier s‘avèrent plus élevés par rapport au reste de la population. De plus, les personnes à faible revenu et les minorités visibles sont également surreprésentées dans les espaces résidentiels où l‘effet cumulatif de ces deux nuisances est maximal. À l‘inverse, les moins de 15 ans résident généralement dans des zones où les concentrations de polluants atmosphériques et les niveaux de bruit routier sont significativement moindres. De leur côté, les 65 ans et plus résident dans des îlots urbains où les concentrations des émissions polluantes sont similaires aux secteurs où résident les moins de 65 ans, mais se localisent davantage dans les zones où l‘effet cumulatif de ces nuisances est minimal.

À la question de recherche, nous pouvons donc répondre que les personnes à faible revenu et les minorités visibles, uniquement, sont plus susceptibles de subir de l‘iniquité environnementale quant aux concentrations de polluants estimées dans leurs milieux résidentiels. La concentration de ces groupes dans les arrondissements centraux et leur présence significativement plus élevée à proximité des axes majeurs de circulation font en sorte qu‘ils sont plus susceptibles de résider dans des secteurs caractérisés par des niveaux plus élevés d‘émissions polluantes. Des types d‘habitations caractérisés en partie par des « walk-up » et des HLM dispersés en bordure des principaux axes majeurs de circulation, de même qu‘un prix des loyers probablement plus bas causé en partie par des concentrations suffisamment élevées d‘émissions polluantes, sont deux des explications possibles quant aux iniquités environnementales subies par les personnes à faible revenu et des minorités visibles.

Des informations supplémentaires doivent cependant être apportées quant au diagnostic d‘équité environnementale posé. Tout d‘abord, les concentrations de polluants atmosphériques de type NO2 mesurées dans les secteurs des personnes à faible revenu et des minorités visibles sont inférieures au seuil quotidien établi l‘OMS à l‘égard de cette nuisance. Par contre, nous ne

journée. Ainsi, il est possible que des individus appartenant à l‘un de ces deux groupes de la population soient exposés, à certains moments de la journée, à des concentrations de NO2 qui dépassent le seuil horaire de l‘OMS établi à 400 µg/m-3 pour ce polluant. Par conséquent, nous ne pouvons pas apporter de conclusions quant aux impacts du NO2 sur la santé et le bien-être des individus à faible revenu ou appartenant à une minorité visible. Pour ce qui est du bruit routier, dans le pire des scénarios, un peu moins du quart du territoire d‘étude se caractérise par un niveau moyen de bruit routier supérieur à 65 dB(A), soit le seuil maximal d‘acceptabilité prévu par le MTQ et les autorités en santé publique. Tout comme pour la pollution de l‘air, nous ne sommes pas en mesure de déterminer les conséquences du bruit routier sur la santé publique et le bien-être étant donné qu‘aucune mesure d‘exposition individuelle n‘a été faite dans le cadre de la thèse de doctorat.

La littérature en équité environnementale a ensuite systématiquement signalé que l‘éloignement aux ressources urbaines et que les concentrations significativement plus élevées de polluants sont considérées comme une iniquité environnementale. L‘une des limites pouvant être associées aux études de ce courant théorique se rapporte au fait que très peu d‘entre elles comparent les iniquités environnementales obtenues avec des seuils mesurables par les autorités publiques. Dans certains cas, il est probable que les iniquités ne soient pas problématiques pour la santé et le bien-être. Cela nous amène à aborder l‘expression de « l'avantage environnemental » pour le présent cas à l‘étude. Les articles de cette thèse portant sur les polluants atmosphériques et le bruit routier ont signalé que les concentrations de ces nuisances sont significativement moindres dans les territoires comprenant les plus faibles proportions de personnes à faible revenu. Or, très peu de personnes à faible revenu résident dans les secteurs de banlieue de l‘île de Montréal (principalement dans la partie de l‘ouest de l‘île), de même que dans certaines zones de richesse à proximité des arrondissements centraux (Outremont, Westmount et Ville Mont-Royal). Ces espaces résidentiels se caractérisent par des concentrations plus faibles d‘émissions polluantes, une densité du réseau routier supérieur moins élevée et par une plus grande portion de leurs territoires couverts par la végétation. Les résultats du second article de cette thèse portant sur la liaison entre la défavorisation et les concentrations de polluants atmosphériques à proximité des écoles primaires abondent dans le même sens. En observant les concentrations moyennes de NO2 à proximité des écoles selon leur quintile de défavorisation, nous avons noté qu‘il existe une différence significative entre le premier et second quintile. Par la suite, les concentrations du NO2 se stabilisent entre le second

demeurent plus faibles. Ainsi, il nous est possible d‘affirmer, dans le contexte montréalais, que certains secteurs résidentiels bénéficient d‘une situation avantageuse d‘un point de vue de quelques éléments de l‘environnement urbain.

Plusieurs études en équité environnementale abordent, en conclusion, des pistes d‘intervention potentielles en matière de politiques publiques. Pour la présente thèse, les recommandations en termes de politiques publiques prennent trois formes distinctes. La première recommandation se rapporte à la mise en place d‘un cadre normatif spécifique qui pourrait guider les acteurs impliqués dans l‘aménagement du territoire. L‘une des actions envisageables serait d‘encadrer l‘aménagement futur aux abords des axes majeurs de circulation. À titre d‘exemple, toute municipalité québécoise devrait interdire à moins de 200 mètres d‘un axe de circulation où plus de 40 000 véhicules circulent quotidiennement, l‘aménagement d‘usages considérés sensibles aux émissions polluantes telles que des écoles, des résidences pour personnes âgées, des hôpitaux, des centres de la petite enfance et la fonction résidentielle. En ce sens, cette approche normative permettrait de minimiser les conséquences potentielles négatives du transport sur la santé et le bien-être des groupes de la population les plus vulnérables au bruit et à la pollution de l‘air. Pour ce faire, des fonctions urbaines adéquates doivent être implantées en bordure des autoroutes et autres axes majeurs de circulation. Ces fonctions adossées aux axes majeurs de circulation capteraient ainsi une partie importante des nuisances en agissant comme zones tampons. Enfin, les municipalités québécoises pourraient également inclure, dans leur règlement de construction, des normes rattachées aux matériaux et aux marges de recul appropriées pour tous les nouveaux bâtiments construits en bordure d‘un axe majeur de circulation afin de minimiser tous les risques potentiels pour les occupants.

La seconde recommandation concerne l‘imposition de seuils spécifiques dans les politiques publiques pour des éléments particuliers de l‘environnement urbain. Il serait ainsi fort pertinent que les autorités municipales et provinciales se dotent de mesures systématiques de suivi pour estimer les concentrations de polluants atmosphériques, le niveau de bruit routier et de la présence de services et d‘équipements municipaux en quantité suffisante sur l‘ensemble du territoire. Les autorités municipales pourraient ainsi se doter d‘un cadre opérationnel caractérisé par des seuils minimaux (pour les ressources urbaines) ou maximaux (nuisances environnementales) pour tous les éléments de l‘environnement urbain appuyé par des interventions spécifiques dans l‘éventualité où ces seuils ne soient pas respectés. Cela nous amène à aborder la troisième recommandation qui se rapporte à la notion d‘équité compensatoire envers les territoires ou les groupes de la population les plus affectés par les

polluants atmosphériques et le bruit routier. Cette approche, déjà développée en Europe, consiste à identifier les groupes ou les secteurs qui subissent de façon disproportionnée les coûts du transport routier par rapport aux bénéfices encourus. Des mesures d‘atténuation pourraient alors être mises en place dans les zones résidentielles où l‘effet cumulatif des nuisances est maximal afin de réduire les émissions polluantes provenant du transport routier. En ce sens, des investissements sous différentes formes pourraient s‘effectuer, que ce soit en plantation d‘arbres ou en mesure de verdissement, alors que ces dernières favorisaient le captage de polluants atmosphériques et en minimisant la propagation du bruit routier.

En terminant, l‘une des façons de réduire les niveaux d‘émissions polluantes est de diminuer le nombre de véhicules circulant sur le réseau supérieur de l‘île de Montréal. Plusieurs moyens ont été évoqués dans la littérature pour y parvenir comme un meilleur financement octroyé au transport en commun, l‘établissement de mesures incitatives pour diminuer le nombre d‘automobiles dans les secteurs centraux, la mise en place de voies autoroutières réservées au covoiturage lors des périodes de pointe et l‘élaboration de programmes avec les employeurs favorisant le télétravail. L‘opérationnalisation de l‘une ou l‘autre de ces mesures serait uniquement possible par un consensus établi entre plusieurs acteurs de différents secteurs, soit, entre autres, les services d‘aménagement de la CMM et de la Ville de Montréal, le ministère des Transports du Québec, la Société de transport de Montréal, l‘Agence métropolitaine de transport et les experts en santé publique.