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Perspectives / Projet de recherche

Comme le justifie le nombre de congrès ayant pour thème la modélisation multi échelles et les applications envisageables avec ce type de modélisation, un projet de recherche centré autour de ce thème semble plus que raisonnable. Ce type de description en est encore à ses débuts et de nombreux points sont encore à éclaircir. Je compte donc poursuivre encore quelques années au moins le développement, la fiabilisation de tels modèles pour les rendre complètement opérationnels de façon à en faire des standards utilisables comme les modèles phénoménologiques classiques d'aujourd'hui. La poursuite d'un tel programme s'effectuera en réalisant au moins les différents points suivants.

Modélisation

Amélioration de la modélisation proposée

La prise en compte de l'écrouissage de type cinématique m'apparaît aujourd'hui incontournable notamment pour l'aluminium. Il existe de fortes présomptions pour que cet effet provienne des contraintes générées par les agrégats polarisés de dislocations. L'écrouissage cinématique doit alors être introduit au moyen d'une contrainte à retrancher de la contrainte résolue appliquée sur un système. L'origine, dans ce cas serait restreinte aux seules dislocations du système sur lequel le calcul est effectué. Une autre voie consiste à retrancher un tenseur cinématique global du tenseur des contraintes avant projection sur les différents systèmes de glissement. Ceci revient à considérer que toutes les structures développées sur les différents systèmes ont une influence sur le système considéré. L'introduction de cette modification rend évidemment le modèle plus complexe. C'est pourquoi, je propose dans un premier temps de n'utiliser que la première proposition qui semble plus simple. Ceci aurait l'avantage de proposer une description du comportement en meilleure adéquation avec la physique. Cela étendrait également les possibilité de la loi pour traiter par exemple un trajet alterné (fatigue).

L'extension à d'autres structures : exemple du titane

La généralisation de ce travail à d'autres matériaux avec des structures cristallines différentes nécessite à chaque fois l'identification et la sélection des mécanismes associés à la plasticité. On envisage l'extension des travaux au cas du titane. La première étape est le recensement des mécanismes physiques actifs lorsque le titane est déformé plastiquement à froid [17,71]. Le matériau, sous forme monocristalline a une maille de type hexagonale. Même si théoriquement, plusieurs possibilités de glissement existent pour accommoder les conditions aux limites, le monocristal accepte expérimentalement seulement une à deux directions privilégiées de déformations. Ceci rend le comportement d'un grain très anisotrope et très sensible la réponse mécanique à son orientation par rapport aux directions principales de sollicitation. Le matériau texturé par laminage présente donc des grains favorablement orientés pour répondre par exemple à une sollicitation en traction alors que d'autres sont comparativement très résistants. Cette disposition explique au moins partiellement les hétérogénéités détectées au cours de la déformation. La modélisation devra intégrer les aspects suivants :

 nombre limité de systèmes de glissement avec des cissions limites initiales différentes,

 déformation accommodée par les portions vis des dislocations dont le saut d'une vallée de Peierls à une autre est contrôlé par un mécanisme de double décrochement,

 détermination du mécanisme de durcissement (forêt ?),

 effet des contraintes retour (écrouissage cinématique),

 intégration du maclage. Expérimentation

L'expérimentation est une activité indispensable pour la modélisation multi échelles. Elle se pratique aussi bien au niveau microscopique que macroscopique.

Production de monocristaux

L'identification des paramètres et la validation des modèles requièrent l'utilisation de nombreuses éprouvettes monocristallines. Il devient difficile de se procurer des matériaux monocristallins en raison de la raréfaction des sites de production. Toute une compétence qui existait, il y encore quelques années est en train de disparaître progressivement.

La production de monocristaux d'aluminium est actuellement bien maîtrisée au laboratoire. Par contre, il semble intéressant d'entreprendre la recristallisation du titane pour laquelle il existe nombreuses difficultés expérimentales. Par exemple, le mode opératoire classique (écrouissage critique) semble inopérant. De plus les traitements thermiques du titane sont problématiques car le titane est très avide d'oxygène qui modifie ultérieurement son comportement.

Néanmoins, la modélisation de ce matériau (ou des matériaux à structure hexagonale de façon plus générale16) nécessite le recours à des expériences impliquant des monocristaux. Une piste qu'il paraît intéressant de suivre est fondée sur les considérations suivantes. La recristallisation ne peut avoir lieu que lorsque le matériau a stocké suffisamment d'énergie dans les grains mesurée par une densité critique de dislocations. Or dans le titane laminé, la faible proportion de systèmes activables, rend problématique l'activation de systèmes de glissement de certains grains mal orientés pour la sollicitation. Il faut les considérer comme amorphes pour la recristallisation. Cette dernière raison est vraisemblablement à l'origine de l'impossibilité de transposer cette technique relativement efficace pour les matériaux à structure cubique à faces centrées aux matériaux à structure hexagonale. L'idée est alors d'explorer des modes de déformation peut être plus à même de provoquer une déformation homogène sur tous les grains de l'échantillon comme l'expansion.

Développement des micros essais

Les machines classiques sont souvent trop volumineuses pour la pratique expérimentale d'essais sur éprouvette mono ou multicristalline. Principalement la mise en place de l'échantillon met en jeu des efforts bien supérieurs à la limite élastique de l'éprouvette. Cette raison et la nécessité de suivre des orientations cristallines lors de la déformation impose de développer alors des micro machines d'essai mécanique. A ce titre, une première machine d'emboutissage in-situ a déjà été développée pour appliquer des conditions aux limites complexes sur des agrégats cristallins. Il m'a paru alors nécessaire de développer une machine de cisaillement in-situ. Ces machines encore peu répandues apportent un moyen complémentaire d'exploration particulièrement bien adapté à l'étude de la plasticité en général [81] et plus particulièrement lors de la déformation de monocristaux. Cette machine est pratiquement au point et devrait notamment nous permettre de mettre en place des essais complémentaires sur les monocristaux : glissement simple, glissement multiple en condition de haute symétrie.

Mesure des densités de dislocations

Les densités de dislocations sont des paramètres essentiels du modèle. La mesure de ces densités est encore très complexe à réaliser expérimentalement. Il paraît cependant important de les obtenir afin de valider encore plus complètement les modèles proposés. A cette fin, une collaboration est en cours avec le LPMTM de l'Université Paris-Nord (qui possède une bonne maîtrise de ces mesures [39]) sur des éprouvettes d'aluminium déjà déformées et analysées par nos soins. A terme, cependant, il paraît souhaitable de développer cette compétence au laboratoire.

Mesure de dissipation thermique

Le développement de caméras infrarouges haute sensibilité permet de mesurer la température superficielle d'un échantillon déformé. Un traitement numérique donne accès à la puissance dissipée localement [18]. L'origine de la dissipation est principalement attribuée à la puissance σ:ε&p induite par la déformation plastique. Il est alors envisageable d'estimer les contraintes locales responsables de la dissipation si on effectue une mesure couplée des champs de déformation et de dissipation thermique. Ce travail conduit à déterminer l'origine exacte de la dissipation thermique. Une partie de la puissance apportée au matériau reste bloquée dans le matériau. La partie dissipée est certainement due au glissement des dislocations. Il est alors important de confronter cartographie de dissipation thermique avec des simulations éléments finis utilisant le modèle de plasticité cristalline avec différentes hypothèses concernant la partition des contraintes.

Simulation

Intégration des lois dans un code industriel

Les simulations numériques sont essentiellement effectuées actuellement avec un code éléments finis développé et amélioré au laboratoire. Les développements liés à de tels outils sont longs. Il existe sur le marché des codes performants dans lesquels il est possible d'introduire une loi de comportement aussi sophistiquée soit-elle. C'est par exemple le cas d'Abaqus™. Sur le plan pratique, il suffit de récupérer les routines d'actualisation de la version du code déjà réalisé et de les introduire dans la routine utilisateur vumat du logiciel Abaqus™. Un travail préliminaire a déjà montré la faisabilité de l'opération même si quelques difficultés de mise en œuvre plutôt techniques sont apparues : stockage des variables, stockage des constantes… On bénéficie ainsi de la puissance de développement d'un code moderne en apportant la partie sur laquelle porte le savoir-faire. Par exemple, la prise en compte des conditions aux limites complexes permet de simuler par exemple l'essai de

16 Le zirconium est très largement utilisé dans les centrales nucléaires sous forme de tube à combustible. Il y un intérêt évident à prédire ses propriétés mécaniques notamment en régime de fluage. La modélisation du fluage se décline également en version multi échelles à partir de mécanismes similaires à ceux de l'étude.

emboutissage. Abaqus™ permet également de traiter des problèmes couplés en déformation et température, ce qui devrait faciliter les analyses proposées au paragraphe précédent.

Couplage avec code de simulation de dynamique des dislocations

Les moyens numériques actuels sont suffisamment performants pour envisager une description mixte du comportement plastique. Cette simulation éléments finis repose alors sur la définition de deux lois de comportement. La première correspond à une modélisation du même type que celle de l'étude. La seconde est du type dynamique des dislocations. L'utilisation d'une loi de comportement est choisie en fonction de l'information recherchée au niveau de l'élément. Par exemple, la simulation des déformations plastiques sous un micro indenteur se ferait en utilisant la simulation du type simulation de dislocation comme description du comportement dans les éléments au contact de la pointe (figure 142). Le reste du volume serait simulé avec la modélisation à l'échelle de la densité.

Loi de comportement obtenue avec la simulation dynamique de dislocation Loi de comportement obtenue avec le modèle monocristallin micro indenteur

Figure 142 : Problème d'indentation traité avec une modélisation mixte dislocation / modèle monocristallin.

Pour travailler avec un pas de temps compatible avec la simulation dynamique de dislocations, la version explicite du code de simulation Abaqus™ doit être par exemple utilisée. Le traitement du problème doit s'effectuer sur un ensemble d'ordinateurs travaillant en parallèle (cluster).

Il existe deux avantages à développer une simulation de ce type qui élimineraient les inconvénients respectifs des deux codes. Des problèmes portant sur de grands volumes peuvent être traités, la durée des simulations du code de dislocations n'est plus un obstacle. Une information plus précise est apportée aux endroit les plus intéressants (sous l'indenteur par exemple).

Application aux multicristaux

Les simulations d'essais sur multicristaux sont intéressantes pour une première validation de la loi de comportement dans le cadre de son application à des modélisations d'agrégats. Les multicristaux utilisés jusqu'à présent sont cependant insuffisamment contraints car les grains impliqués comportent de grandes surfaces libres. La difficulté pour traiter des grains internes sans surface libre d'une éprouvette multi couches réside dans la quasi-impossibilité d'obtenir leur orientation, et leur topologie. Une parade pourrait consister à agréger des éprouvettes multicristallines de façon à obtenir une couche de grains internes complètement contraints.

collage

traction

Figure 143 : Disposition d'éprouvettes multicristallines pour l'obtention de grains complètement contraints.

efficace les éprouvettes durant l'essai de traction (figure 143). En dissolvant la colle après essai, on a accès à l'éprouvette intérieure. L'orientation et les déformations finales de celle-ci sont mesurables. Ce type d'essai, en imposant la déformation de grains sans surface libre devrait être beaucoup plus contraignant pour la loi. Notamment, l'écrouissage correspondant à un glissement multiple devra être finement ajusté.

Ce travail est une première étape vers la simulation d'agrégats complexes.

Bilan

Il reste un important travail pour faire progresser les modélisations multi-échelles. Ce type de modèle semble suffisamment prometteur pour développer un programme ambitieux qui combine à la fois développements expérimentaux, modélisation et développements numériques. Les actions proposées vont dans ce sens et s'appuient sur le savoir-faire et les potentialités de l'équipe plasticité cristalline du Laboratoire de Mécanique Appliquée.