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Une extension possible de ce travail serait de travailler sur des coûts plus réalistes en rendant le coût de livraison du lot dépendant de la prévalence ou mieux de la distribu- tion de concentration de celui-ci afin de tenir compte de la probabilité pour une personne

ingérant une portion type d’être malade, via un modèle dose-réponsed. Dans ce cas, il

faudrait tenir compte de la croissance de L. monocytogenes entre la sortie de l’usine et la consommation pour les portions contaminées. Enfin, il reste à déterminer le coût d’une personne malade. Frenzen et al. (2005) ont par exemple estimé les coûts dus aux infection par E. coli O157 aux Etats-Unis en distinguant les coûts de consultation, d’hospitalisa- tion, les coûts médicaux dus à des séquelles irréversibles de certains malades, la perte de productivité ainsi que les coûts de la mort prématurée due à ce pathogène. Scharff (2012) a mené le même travail mais pour plusieurs bactéries, parasites et virus aux Etats-Unis pour l’année 2010.

Les études d’estimation des coûts que j’ai pu lire portent sur l’impact causé par un pathogène. Si on souhaite intégrer les coûts de maladie dans la fonction de coût pour déterminer le meilleur plan d’échantillonnage dans le cas du saumon fumé, il faut esti- mer les coûts pour un couple pathogène/aliment. Une manière d’évaluer ces coûts serait de multiplier le coût global dû au pathogène par la fraction de malades dus à l’aliment considéré, c’est-à-dire de procéder à une analyse quantitative des risques pour le couple aliment/pathogène. Pouillot et al. (2009) ont estimé le nombre de cas de listerioses dus à la consommation de saumon fumé en France pour différentes catégories de population. Comme l’incertitude et la variabilité des différents paramètres entrant en jeu dans l’esti- mation du nombre de malades ont été prises en compte, le nombre de cas suit lui-même une distribution. Ainsi, le nombre de cas est estimé à 307 par an dans la population géné- rale avec un intervalle de crédibilité à 95% très large de [10 ; 12 453] en raison de la forte incertitude de certains paramètres. En comparant la consommation de saumon fumé en France avec les données épidémiologiques de listériose, Pouillot et al. (2009) estiment que le nombre de listerioses éventuellement attribuables au saumon fumé est compris entre 0 (car le lien entre listériose et consommation de saumon fumé n’a jamais été clairement démontré) et 100, soit entre 0 et 33% des listérioses annuelles en France.

Les coûts tels qu’estimés par Frenzen et al. (2005) ou Scharff (2012) sont essentielle- ment supportés par la société. Or, la fonction de coût telle que présentée dans ce chapitre porte sur des coûts subis par l’entreprise. Ces coûts sont divers, ils recouvrent entre autres le retrait, le rappel, la perte d’image de marque qui peut être importante s’il y a plusieurs malades et que la couverture médiatique de l’événement est nationale. L’estimation de cette perte d’image peut s’avérer extrêmement difficile car l’entreprise peut n’avoir jamais été confrontée à ce type de situation donc elle n’a pas d’historique. De plus, un scénario catastrophe se produit, le perte peut être très élevée et être couplée à un procès donnant lieu à l’indemnisation des victimes.

Néanmoins, ce cas peut se produire et il faut bien indemniser les victimes si l’en- treprise est condamnée. Cela nécessite donc de quantifier le coût d’une maladie subie par

d. Un modèle dose-réponse est un modèle reliant la dose ingérée à la probabilité d’être malade. Cette probabilité peut dépendre de la catégorie de personne (en bonne santé, immunodéprimée, âgée, femme enceinte... Pour plus de détails sur les modèles dose-réponse, voir Haas et al. (1999).

une personne en tenant compte de la gravité et même le coût d’un mort. La “monéti- sation” de la maladie et même de la mort me semble être plus répandue dans les pays anglo-saxons. Ainsi, j’ai trouvé de tels coûts dans une affaire au Canada. Il y a 4 ans, des cas de listérioses se sont produits dans plusieurs provinces du Canada à cause d’aliments

produits par l’entreprise canadienne Maple Leaf. Une “class-action”e s’est constituée dans

plusieurs provinces du pays. L’entreprise a procédé à un rappel de 243 produits prêts à consommés fabriqués entre le 1er janvier et le 31 août 2008. L’épidémie a causé la mort de 23 personnes et entraîné 60 malades. Le principe même de la “class-action” est de fixer des indemnités de manière précise selon l’atteinte dont une personne a été victime. Pour cette épidémie, Maple Leaf a dû provisionner 25 millions de dollars canadiens, soit 19 mil- lions d’euros environ. L’indemnisation s’élève à 750 dollars pour une personne ayant eu des symptôme pendant 48h maximum jusqu’à 120 000 dollars pour une personne décédée avec 35 000 dollars pour le conjoint, 30 000 par enfant, 20 000 pour chaque parent et 5 000 pour les frères et sœurs ou les petits-enfants et les frais de funérailles jusqu’à 13 500 dollars (MapleLeaf (2011)).

Un moyen d’évaluer la perte d’image de marque est de consulter les assurances car certaines proposent des couvertures pour ce type de risque. Cependant, le montant de la couverture ne donne qu’une indication des coûts puisque les modalités des polices d’assurance sont variables et que la totalité des situations possibles n’est pas forcément couverte.

Pour compliquer encore un peu le problème, on peut penser qu’un retrait ou un rappel de lot pourrait permettre à l’entreprise incriminée de faire de la publicité sur le fait qu’elle est très vigilante à propos de la sécurité sanitaire des aliments et c’est pourquoi elle préfère retirer le lot. Dans ce cas, il faudrait évaluer le bénéfice pour l’entreprise s’il existe ou la modération de la perte d’image de marque du fait de cette communication.

e. La class action ou action collective est une action en justice qui permet à un grand nombre de personnes, souvent des consommateurs, de se regrouper et de poursuivre une personne, souvent une entreprise ou une institution publique pour faire valoir leur droit ou se faire indemniser leur préjudice. Cette procédure n’existe pas en France.

Chapitre 8

Cas plat cuisiné en restauration

collective : un exemple de surveillance

de la température

Cette partie présente une application de plan d’échantillonnage sur la mesure de températures dans des plats cuisinés en restauration collective. Ce travail a fait l’objet d’un article soumis à la revue Food Control et qui est reproduit en fin de chapitre.

8.1

Préparation d’un plat en restauration collective

Un des sous-projets du projet Quant’HACCP était intitulé “C. perfringens dans les plats préparés de restauration collective”. Plus précisément, les plats choisis étaient les préparations de bœuf en sauce élaborés dans la cuisine centrale d’un hôpital à Paris. Des

données de température ont été collectées par l’unité MAHYa du laboratoire de sécurité

sanitaire des aliments de l’ANSES dans de la viande et de la sauce depuis la cuisson jusqu’à la consommation par les patients.

Brièvement, le mode de préparation est le suivant : après une cuisson d’une heure environ à 100°C dans une grande sauteuse, la préparation est répartie dans des bacs en plastique qui sont ensuite operculés puis placés dans un chariot. Ce dernier est mis dans une cellule de refroidissement rapide. Cette cellule comporte des ventilateurs pour propager le froid de manière rapide. Une sonde mesurant la température est placée dans un des bacs. Lorsque cette température passe sous le seuil de 10°C, la sonde émet un signal sonore. Le seuil est fixé à 10°C car l’Arrêté du 21 décembre 2009 (2009) stipule à l’annexe IV que le refroidissement rapide des préparations culinaires doit être tel que la température à cœur ne doit pas demeurer plus de 2 h entre 63 °C et 10°C. A ce moment, un opérateur place une seconde sonde dans un autre endroit d’un autre bac pour effectuer une autre mesure de température. Si cette dernière est inférieure à 10°C, le chariot est retiré de la cellule de refroidissement, sinon, le chariot est maintenu en cellule et l’opérateur mesure à nouveau la température un peu plus tard. Une fois sorti, le chariot est placé dans une chambre froide. Peu avant la consommation, les bacs sont réchauffés.

a. MAHY signifie MAîtrise de l’HYgiène.

Le contrôle du procédé étant uniquement basé sur le suivi de la température, nous avons simplement tenu compte de ce dernier et nous n’avons pas étudié la contamination par C. perfringens. Pour une modélisation de la contamination microbiologique, voir les travaux de Jaloustre (2011), Jaloustre et al. (2011) et Jaloustre et al. (2012).

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