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Les  travaux  d’épidémiologie  sociale  montrent  que  les  comportements  d’alcoolisation  sont  des comportements complexes, individuels certes, mais largement socialement déterminés.  Ce que les individus consomment, en fréquence et en quantité, est influencé par les normes  de  leur  milieu  social,  économique,  environnemental  et  culturel.  Consommer  de  l’alcool  modérément  en  respectant  les  messages  de  prévention  exige  en  effet  que  les  individus  soient capables de faire ce choix, quel que soit leur groupe social d’appartenance, et que ce  choix soit pour eux le choix le plus facile et le plus souhaitable selon leur état de santé, leurs  ressources  financières  et  leur  contexte  social.  Une  approche  de  santé  publique  mettant  uniquement  l’accent  sur  le  rôle  des  comportements  individuels  est  à  l’évidence  vouée  à  l’échec.   L’étude des déterminants professionnels et sociaux des consommations d’alcool est donc un  élément crucial pour déterminer des politiques de santé publiques efficaces. En outre, dans  le but de réduire les inégalités de santé, une politique de prévention ne saurait se limiter au  seul segment de la population à risque ou vulnérable, mais doit s’inscrire dans une politique  globale visant l’ensemble de la population : « The close link between mean and prevalence  implies that to help the minority the "normal" majority must change » (Rose & Day 1990).  Comme on l’a vu dans ce travail de thèse, les comportements d’alcoolisation – tout comme  les  autres  comportement  de  santé  ‐  sont  fortement  influencés  par  les  conditions  de  la  vie  quotidiennes, les ressources financières et matérielles, l’environnement professionnel, ainsi  que  les  environnements  de  vie  et  d’urbanisme  (Matheson  et  al.  2011,  Gruenewald  et  al.  2002). 

5.1 DÉTERMINANTS SOCIAUX DES CONSOMMATIONS DALCOOL 

Dans cette thèse, je me suis intéressée à certains déterminants des consommations d’alcool  et de leur évolution dans la cohorte Gazel, notamment les déterminants socioprofessionnels.  Je compte dans l’avenir poursuivre dans cette voie, notamment par l’étude de trajectoires  dans  une  optique  de  « life  course  epidemiology ».  En  effet,  alors  que  la  multiplication  des  travaux  depuis  une  vingtaine  d’années  a  mis  en  évidence  que  l’accumulation  des  événements  et  des  facteurs  de  risque  tout  au  long  de  la  vie  constituent  des  déterminants  essentiels  de  la  santé  et  des  inégalités  sociales  de  santé,  relativement  peu  de  choses  sont  connues  sur  leurs  effets  sur  des  populations  arrivées  à  un  âge  avancé  (Blane  et  al,  1995).  Ceci s’explique en partie par le fait que les plus anciennes cohortes de naissance sont encore  relativement  jeunes  (les  sujets  de  la  plus  ancienne  d’entre  elles,  mise  en  place  en  Grande  Bretagne  en  1948,  ont  à  peine  plus  de  60  ans).  Une  autre  raison  est  de  nature  méthodologique :  il  n’existe  pratiquement  aucune  cohorte  au  monde  pour  laquelle  on  dispose de mesures répétées d’exposition à des facteurs comportementaux, professionnels,  familiaux  et  sociaux  avec  une  fréquence  suffisante  sur  une  longue  période  de  vie.  De  ce  point de vue, Gazel offre des avantages décisifs, comme l’ont d’ailleurs déjà illustré plusieurs  des travaux rapportés ici. Or les participants de Gazel, aujourd’hui âgés de 57 à 72 ans, vont  continuer d’être suivis pendant de nombreuses années. 

Dans  un  premier  temps,  j’ai  décidé  de  m’intéresser  aux  interrelations  des  trajectoires  socioprofessionnelles et de consommation d’alcool, dans la continuité des travaux présentés  dans cette thèse. En effet, ceux‐ci ont permis de suggérer qu’il existe des relations dans les  deux  sens  entre  ces  trajectoires,  et  je  souhaite  aller  plus  loin  dans  les  analyses,  en  m’appuyant  sur  une  durée  de  suivi  plus  longue,  notamment  après  la  retraite.  J’exploiterai 

aussi dans ce contexte des données recueillies en 1994 par un questionnaire spécifique. Ce  questionnaire  (15 079  répondants :  11 078  hommes  et  4 001  femmes)  est  précis  sur  la  notion  d’abstinence,  et  permet  de  connaître  la  consommation  de  vin,  bière,  apéritif.  Il  est  proposé  une  liste  de  différents  alcools  (vin  rouge,  rosé,  blanc,  bière,  alcool  fort) ;  le  sujet  précise pour chacun s’il le consomme : jamais, à l’occasion, tous les jours ou presque. L’âge  de début d’alcoolisation est également demandé. 

5.2 EFFETS DE LALCOOL SUR LA SANTÉ 

Les  travaux  présentés  dans  cette  thèse  ne  concernent  que  les  déterminants  des  consommations,  comme  on  l’a  indiqué  en  préambule.  Il  n’en  reste  pas  moins  que  de  nombreuses questions de recherche se posent encore concernant les effets sur la santé des  consommations de boissons alcoolisées. 

Je compte donc également travailler sur les effets de l’alcool sur la santé, toujours au sein de  la cohorte Gazel, et notamment sur la mortalité toutes causes et par causes, et analysant les  risques  pour  les  catégories  suivantes  de  consommateurs :  abstinents  (au  sens  « ne  jamais  avoir consommé de sa vie »), ex‐consommateurs en fonction du temps écoulé depuis l’arrêt,  consommateurs  modérés  en  fonction  de  leurs  profils  de  consommation.  Si  la  réalité  de  l’effet protecteur d’une consommation modérée sur la mortalité coronaire semble admise,  l’évaluation quantitative de la relation entre consommation d’alcool et risques pour la santé  reste  cependant  imprécise  pour  des  raisons  essentiellement  méthodologiques,  et  malgré  une  importante  littérature  la  courbe  de  risque  entre  la  consommation  d’alcool  et  la  mortalité reste à établir de façon fiable (White et al, 2002). Il en est de même pour ce qui  concerne les modes de consommation (régularité ou non de la prise, au cours des repas ou  non, consommation excessive occasionnelle…) et la nature des boissons alcoolisées. 

Pour prendre en compte les effets de sélection, qui sont un problème majeur, j’utiliserai les  données  de  morbi‐mortalité  liées  à  une  consommation  excessive  systématiquement  enregistrées par les services d’EDF‐GDF sur l’ensemble de la population cible. Même si on ne  dispose  d’aucune  mesure  directe  des  consommations  d’alcool  pour  les  non  participants  à  Gazel, ceci donne une solution pour analyser des biais potentiels. Pour cela, nous disposons  pour  l’ensemble  de  la  population  des  agents  EDF‐GDF  de  données  d’absentéisme  et  de  mortalité  par  causes  médicales  pour  la  période  de  suivi  de  la  cohorte  des  volontaires  de  Gazel. Il sera donc possible de quantifier les effets de sélection et de les décrire au cours du  temps,  en  étudiant,  plus  de  20  ans  après  le  lancement  de  la  cohorte  Gazel,  l’absentéisme  pour raisons médicales et la mortalité des participants et des non participants à la cohorte  Gazel pendant toute la période de suivi. Les résultats permettront de mieux appréhender les  effets de sélection, de les décrire au cours de plus de 20 ans de suivi de Gazel, et d’estimer  leur  impact  sur  les  mesures  d’association  entre  consommation  d’alcool  et  diverses  pathologies.  

En  dehors  de  la  mortalité,  je  souhaite  aussi  travailler  sur  les  effets  de  l’alcool  sur  les  performances  physiques  et  cognitives  en  relation  avec  le  vieillissement.  En  effet,  une  nouvelle  campagne  d’examens  de  santé  est  en  cours  pour  les  volontaires  de  la  cohorte  Gazel.  Elle  comporte  une  riche  batterie  des  tests  fonctionnels,  et  je  m’intéresserai  plus  spécifiquement  aux effets  des  consommations  d’alcool,  de  façon  plus  complète  que  cela a  été possible jusqu’à présent, à la fois du fait d’un recul plus long permettant de prendre en  compte des effets à très long terme, et du fait d’une batterie de tests permettant d’explorer  l’ensemble  des  dimensions  physiques  et  cognitives  (l’étude  de  S.  Sabia  (Sabia  et  al,  2001), 

dont les résultats ont été résumés plus haut, ne disposait que du Digit Symbol Substitution 

Test). 

5.3 COHORTE CONSTANCES 

La cohorte Constances, dont j’assure la coordination scientifique et technique, est en cours  de  mise  en  place  (Zins  et  al,  2010).  Les  caractéristiques  de  cette  nouvelle  cohorte  permettront de mieux prendre en compte certaines difficultés méthodologiques rencontrées  pour l’étude, notamment les biais de sélection, la mesure de l’exposition et le contrôle de  divers facteurs de confusion. 

Constances  est  une  cohorte  constituée  d’un  échantillon  représentatif  de  la  population  couverte par le Régime général de Sécurité sociale‐RGSS âgée de 18 à 69 ans à l’inclusion ;  l’effectif total visé est de 200 000 sujets, et sa structure est proportionnelle à la population  du RGSS pour le sexe, l’âge et la catégorie sociale. Les sujets tirés au sort dans les bases de  données  de  la  Caisse  nationale  d’assurance  vieillesse  (Cnav)  seront  inclus  pendant  une  période de 5 ans dans 19 Centres d’examens de santé de la sécurité sociale (CES), repartis  dans  toute  la  France.  Le  suivi  se  fera,  comme  pour  Gazel,  par  un  autoquestionnaire  postal  annuel, ainsi que par un retour au CES tous les 5 ans ; un suivi « passif » (car n’impliquant  pas  une  intervention  des  sujets  eux‐mêmes)  d’événements  socioprofessionnels  et  de  données  de  santé  sera  réalisé  par  appariement  régulier  avec  des  bases  de  données  nationales (SNIIR‐AM et Cnav). Les principales données recueillies de façon prospective sont  les suivantes. 

• Événements  socioprofessionnels :  les  bases  de  données  de  la  Cnav  permettent  de  connaître  les  emplois  successifs,  et  tous  les  événements  ouvrant  droit  à  cotisation  pour la retraite (arrêts de travail, maternité, chômage…). 

• Données  de  santé :  causes  de  décès  (CépiDC‐Inserm),  prescriptions,  Affections  de  longue  durée  (SNIIR‐AM),  séjours  hospitaliers  avec  les  diagnostics  et  les  actes  pratiqués (PMSI). Dans les CES : poids, taille, rapport tour de taille‐tour de hanches,  tension  artérielle,  fréquence  cardiaque,  vision,  audition,  spirométrie,  investigations  biologiques  (régulation  glycémique,  bilan  lipidique,  bilan  hépatique,  créatinémie,  numération formule sanguine, examen urinaire). Pour les personnes âgées de 45 ans  et plus : fonctions cognitives et fonctionnement physique.  • Comportements : Consommations de tabac et d’alcool (consommations historiques et  actuelles), habitudes alimentaires et activité physique, usage du cannabis, orientation  sexuelle.  • Facteurs professionnels : Histoire professionnelle, expositions professionnelles à des  agents  chimiques,  physiques  et  biologiques,  contraintes  posturales,  gestuelles  et  organisationnelles, stress au travail. 

Par rapport à Gazel, la cohorte Constances doit permettre de surmonter certaines limites, du  fait  de  sa  taille,  de  l’étendue  des  classes  d’âge  concernées,  de  la  composition  socioprofessionnelle  plus  large  et  du  fait  que  dès  l’inclusion,  on  recueillera  des  données  d’examen médical et biologique pour l’ensemble des participants. La mise en place de cette  cohorte  commence  en  2011 :  il  ne  sera  donc  possible  dans  une  première  étape,  que  d’effectuer des analyses transversales, mais les premières analyses réalisées sur l’échantillon  d’environ  3 500  sujets  ayant  participé  à  la  phase  pilote  en  2010  montrent  que  résultats  intéressants  pourront  être  obtenus  rapidement.  Les  quelques  données  descriptives 

suivantes  montrent  en effet  que  qu’on  observe  parmi  les  participants  une  distribution  des  habitudes de consommation d’alcool selon les classes d’âge et les PCS proches de ce qu’on  trouve ne population générale en France, pour les hommes comme chez les femmes (Figure  5.3.1).  Figure 5.3.1 : Distribution des consommations d’alcool selon les classes d’âge et les PCS      On trouve aussi un nombre non négligeable de sujets qui ont des comportements de « binge  drinking » (tableau 5.3.1).  Tableau 5.3.1 : Fréquence de consommation de six verres ou davantage lors d’une occasion  particulière 

        Hommes     Femmes     Total 

            n        %     n     n  Jamais  275  30.7     617  64.1     892  48.0  Moins d’une fois par mois  328  36.6     179  18.6     507  27.3  Une fois par mois  128  14.3     57  5.9     185  10.0  Une fois par semaine  76  8.5     23  2.4     99  5.3  Tous les jours ou presque  23  2.6     6  0.6     29  1.6  Non réponse  65  7.3     81  8.4     146  7.9  0 .2 .4 .6 .8 1 55 ans et + 45-54 ans 35-44 ans 18-34 ans Ouvrier Employé Prof. interm. Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm.Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm. Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm.Ca dre

Consommation d'alcool par classes d'âge et PCS - Femmes

Gr osse consommatrice (21 v et +/sem) Moyenne consommatrice (7 à 20 v/sem) Petite consommatrice (1 à 6 v/sem)

Consommatrice (sans précision) Non consommatrice Non réponse 0 .2 .4 .6 .8 1 55 ans et + 45-54 ans 35-44 ans 18-34 ans Ouvrier Employé Prof. interm.Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm. Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm. Ca dre Ouvrier Employé Prof. interm. Ca dre

Consommation d'alcool par classes d'âge et PCS - Hommes

Consommateur à risque chronique Consommateur à risque ponctuel

Consommateur sans risque Abstinent

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