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1. Virulence de Neisseria meningitidis

1.2. Travail personnel

1.2.3. Perspective

L’analyse génomique et la comparaison gène par gène nous a permis d’identifier plus de 600 gènes au profil génétique variable entre nos différents groupes de souches. Parmi ces gènes, plusieurs facteurs et mécanismes impliqués dans la virulence présentent des variations au niveau génomique, que ce soit par la présence de SNPs ou par la présence de larges régions hétérologues.

L’étude du locus capsulaire (cps) nous a permis d’identifier chez les souches non capsulées (NG:14:P1.7,16) que le gène siaC nouvellement nommé cssC impliqué dans la synthèse des constituants capsulaires présentait une délétion de 11pb140. Cette délétion entraine virtuellement un décalage du cadre de lecture et potentiellement la non expression de ce gène. Ainsi, nous supposons que cette délétion puisse être à l’origine de l’absence de capsule observée pour ces souches. Il serait intéressant de caractériser plus précisément l’impact de cette délétion sur l’expression capsulaire. En effet, hormis l’absence de capsule, les souches de portage non capsulées présentent un profil génomique très proche des souches de référence (invasives) utilisées pour la comparaison. La conservation sur le plan génétique de l’ensemble des facteurs de virulence, du moins ceux aujourd’hui caractérisées et ici étudiés, est surprenante car la perte stricte de la virulence (ici via la perte de la capsule) est fréquemment associée à la perte d’autres facteurs de virulence non indispensables au commensalisme. Des essais préliminaires visant à caractériser le pouvoir pro-apoptotique de nos souches réalisés in

vitro sur une lignée de cellules épithéliales ont montré que les souches invasives mais

également de portage non capsulées étaient capables d’induire un niveau d’apoptose significativement plus élevé que les souches de portage capsulées. Ces résultats confirment l’analyse génomique et la conservation pour les souches de portage non capsulées d’un phénotype de virulence. Ces résultats apportent également une nouvelle donnée quant aux différences observées in vivo chez l’animal. Bien que les mécanismes en jeu ne soient pas pour l’instant plus finement caractérisés sur le plan génomique et phénotypique, une étude plus poussée de ce pouvoir pro-apoptotique est à envisager.

La présence de variabilités observées pour plusieurs facteurs de virulence majeurs pourrait expliquer ces différences de phénotypes.

Nous avons identifié plusieurs variations importantes au niveau des gènes frpC et frpD entre la souche de portage capsulée re-séquencé par la méthode PacBio® et les souches de référence. Ces gènes font partie de la famille des toxines RTX (de l’anglais Repeats in ToXin)218,219. Leur rôle chez le méningocoque est peu documenté mais chez d’autres espèces bactériennes à Gram négative ils sont impliqués dans l’activité cytotoxique et jouent un rôle essentiel dans la virulence220. Leur caractérisation n’a pas été réalisée sur l’ensemble des souches de l’étude car la présence de motifs répétés au niveau génomique entraine des difficultés d’assemblage avec les séquences Illumina® trop courtes pour permettre l’obtention d’une séquence continue (les séquences Illumina® se chevauchent arbitrairement lors de l’assemblage). Ainsi, il serait intéressant de séquencer les autres souches de l’étude par la méthode PacBio® afin de vérifier si ces variations sont spécifiques à nos souches de portage capsulées ou retrouvées chez l’ensemble des souches « B14 ».

La plus importante variabilité identifiée entre nos souches concerne les gènes de la famille Maf (Multiple Adhesin Family). Les protéines Maf ont été nommées selon MafA qui chez le gonocoque a été caractérisé pour ses propriétés d’adhésion221. Plus récemment, des études ont identifié que ces gènes et en particulier MafB étaient impliqués dans la compétition bactérienne grâce à leurs propriétés cytotoxiques222,223. Les gènes Maf sont localisés au niveau de 3 ilots génomiques222. La comparaison a révélé la présence de larges variations chromosomiques pour les ilots 1 et 3, là où l’ilot 2 était strictement conservé chez l’ensemble de nos souches. Pour les souches de portage non capsulées, aucune variation n’a été identifiée et les 3 ilots de ces souches présentaient une homologie de 100% avec ceux de la souche de référence H44/76. L’ilot 1 des souches invasives était également identique à celui de la souche H44/76. A l’inverse, l’ilot 1 des souches de portage capsulées présentait de larges variations et une forte homologie avec l’ilot 1 d’une autre souche de portage, la souche Alpha14. Enfin, les ilots 3 des souches invasives et de portage capsulées, bien que relativement homologues à celui de la souche H44/76 (70-80%), étaient différents entre ces 2 groupes de souches. Les différences portaient principalement sur la région N-terminal du gène MafB et sur les gènes accessoires en aval de celui-ci. MafB est supposé être médiateur de l’activité cytotoxique, une activité supposé médiée par le domaine N-terminal du gène qui présente une forte homologie avec le domaine terminal de plusieurs toxines polymorphiques, comme les toxines Rsh (de l’anglais Rearrangement Hot Spot Toxin) plus précisément caractérisées chez d’autres espèces à Gram négative (Escherichia. coli, Salmonella enterica

Le rôle des protéines Maf et l’importance de chaque ilot est peu documenté. Néanmoins, la présence de variations entre nos différents groupes de souches reste une piste intéressante qui devra être explorée.

Le séquençage tout génome et la comparaison génomique sont des approches qui permettent de produire une quantité très importante de données. La caractérisation génétique apporte un certain nombre de réponses mais ne permet pas de répondre à toutes les questions. Ainsi, les approches phénotypiques restent cruciales afin de comprendre dans sa globalité le fonctionnement d’un gène, d’un groupe de gènes et des différents mécanismes sous-jacents à la base de certains phénotypes, dont la virulence. Notre étude comparative nous a permis d’identifier la présence de nombreuses variations entre nos différents groupes de souches pourtant en l’apparence clonales. Parmi ces variations, une majorité ont été retrouvées pour des gènes sans fonction établie ou de fonction putative avec des pistes très prometteuses quant aux facteurs de virulence ici évoqués. Ainsi, la caractérisation plus fine de ces variations sur le plan phénotypique reste à être explorée. Néanmoins, cette approche nous a permis d’identifier et d’étudier un des mécanismes clé de la virulence, l’acquisition du fer. Nous avons démontré le rôle clé du fer au cours de l’invasion et supposé son rôle d’un point de vue métabolique. Pour continuer sur cette analyse, une caractérisation plus large de l’impact du fer dans le phénotype invasif serait intéressante.

Ainsi le recours aux collections bactériennes constituées lors de « l’épidémie normande » a permis d’identifier un mécanisme de virulence déterminant dans l’adaptation du clone B:14:P1.7,16/ST-32. L’autre biothèque établie lors de l’épidémie consiste en une collection de sérums recueillis de sujets vaccinés par MenBvac®, le vaccin OMV alors utilisé (les vaccins polyvalents B tels le Bexsero® n’étant pas encore disponibles). Les derniers sérums collectés très à distance du schéma vaccinal initial ont permis une évaluation de la durabilité et de l’ampleur de la protection OMV, objet de l’étude originale présentée dans le second volet de cette thèse après un état des connaissances en ce domaine.