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Les personnalités locales influentes

Chapitre 4 : Bilan de la caractérisation des paysans et enjeux à souligner

C) Les personnalités locales influentes

Effectivement, le développement de l'Agriculture et du monde rural par une logique de réformespendant la Seconde Guerre mondiale , tient à des personnalités politiques ou d'importance locale. A l'échelle nationale, il est à noter l'importance de Pierre Caziot, initialement ingénieur agronome de profession, propriétaire d'une grande exploitation dans le Berry ; il tend vers une carrière politique. Il est ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement jusqu'en décembre 1940, puis devient secrétaire d’État à l'Agriculture pour redevenir ministre de l'Agriculture d'avril à septembre 1942. Il est l'un des inspirateurs et des fondateurs de la Corporation Paysanne. Par ailleurs, Jacques Leroy Ladurie constitue une personnalité politique influente. Membre et militant du syndicat l'Union Nationale des Syndicats Agricoles, et dirigeant de l'Encyclopédie Paysanne, il est également ministre de l'Agriculture à partir de décembre 1940, mais de manière progressive, il s'éloigne de Vichy pour se rapprocher de la Résistance en 1943, quand il rejoint l'OCM60. Certaines

personnalités sont également à noter du fait de leur notoriété et du rôle qu'elles tiennent dans le monde du syndicalisme agricole et du corporatisme, dont M. Salleron et M. Goussault, délégués généraux, M. Guébriant, président de la Commission Nationale ou encore M. Dorgéres, délégué général à la propagande. Il s'agit d'hommes politiques et syndicalistes dont le rayonnement s'effectue à l'échelle nationale et qui sont les acteurs principaux du monde syndical, initiateur de la Corporation, et dirigeants politiques agricoles dans le cadre du gouvernement de Vichy.

A l'échelle régionale, outre l'importance du préfet qui représente le pouvoir central dans les Basses-Pyrénées, nous avons constaté l'influence conséquente d'un certain nombre de personnalités. Dans un premier temps, il est à noter l'importance du rôle et des actions menées par Samuel de Lestapis dans le monde rural béarnais. Dans le cadre de cette partie de notre mémoire, il nous a semblé intéressant et important d'évoquer ce personnage politique du début du XXème siècle en Béarn, malgré le fait que certaines de ses actions pour le monde agricole n'entrent pas dans le cadre temporel de notre étude, mais parce que ses initiatives pour les paysans béarnais trouvent une continuité pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit à la fois d'un homme politique, d'un syndicaliste agricole, d'un propriétaire exploitant et d'une personnalité locale, reconnue et appréciée par le monde

paysan béarnais pour ses actions menées en faveur de l'épanouissement du monde rural. Il fait partie des quatre députés des Basses-Pyrénées61, avec M. Mendiondou, maire d'Oloron

classé Gauche Indépendante, M. Lillaz de la Gauche Républicaine (les deux candidats se situant dans la mouvance plutôt radicale), et M. Delomb-Sorbé classé Gauche Indépendante. Samuel de Lestapis tient son siège de l'Action Républicaine de Gauche et des Radicaux Indépendants (ARGRI) à Pau. Comme évoqué précédemment, il est à l'origine de la création du Mouvement Paysan en Béarn, qui constitue un organisme d'aide matériel aux paysans des Basses-Pyrénées, plus qu'idéologique. Il rassemble des structures tels qu'une mutualité agricole, des coopératives de stockage, des crédits particuliers accordés aux paysans par les banques. Par ailleurs, pendant la Seconde Guerre mondiale, la présence d'une série de personnalités influentes siégeant aux divers organismes agricoles dans le Béarn est à noter. C'est notamment le cas de M. Douence, directeur général des Services Agricoles, et de M. Bonnemaison. Il s'agit d'un personnage important dans le monde rural béarnais. Professeur de techniques agricoles de métier, il s'agit d'un homme engagé dans la cause paysanne. C'est également le cas de M. Bidau et de M. Lacabe, représentant de la Mutualité Agricole, ou de M. Mondinat, représentant du Crédit Agricole. En somme, ces dirigeants et représentants de structures agricoles béarnaises constituent des personnalités politiques et syndicales engagées et reconnues dans les Basses-Pyrénées. Il est à préciser, que de manière générale, les hommes de pouvoir en Béarn sont élus que s'ils sont originaires de la région. Avant et pendant la période étudiée, il est très rare de trouver un homme politique non-Béarnais élu en Béarn. Ainsi que nous l'avons expliqué en introduisant notre sujet, le Béarn est une région au sentiment identitaire fort. De ce fait, les hommes de pouvoir doivent être des notables locaux, préalablement connus de tous parce qu'ils sont originaires de la région.

En conclusion, le cadre structurel de l'agriculture sous Vichy tient à l'application de l'idéologie du gouvernement de Pétain en rapport avec le retour aux valeurs terriennes, par les institutions s'organisant en une hiérarchie complexe et en délégation du pouvoir dans une logique de réforme spécifique à la période de l'Occupation. De même, elle tient à l'importance et l'apport des personnalités politiques du monde agricole de l'époque en termes de développement du monde agricole à tous les niveaux, puisque les structures existent uniquement par la main des hommes qui les dirigent. Il nous est apparu nécessaire

de mener une réflexion sur le cadre structurel, politique et administratif de l'agriculture à l'échelle nationale, et à l'échelle du Béarn pendant la Seconde Guerre mondiale dans une optique de meilleure compréhension de notre sujet tout comme le fond ne peut être étudié sans avoir, au préalable, trouvé sa forme. Cependant, à mesure que le fil de notre étude se clarifie sur ce point complexe, nous avons constaté l'importance de souligner un certain décalage entre la volonté de mise exergue de l'Agriculture par le gouvernement et ses institutions et la réalité des faits c'est-à-dire les difficultés vécues par les agriculteurs eux- mêmes, l'opinion publique à l'échelle du monde paysan, et même une contradiction du gouvernement entre son idéologie et la concrétisation de cette dernière.

Dans la partie de notre étude précédent notre réflexion, nous avons établi un état des lieux du cadre structurel, politique et administratif de l'agriculture nationale et par extension béarnaise des années 1940, ainsi qu'une focalisation sur les acteurs de ce cadre. Nous avons souligné le processus de réformation du monde agricole qui s'opère pendant la Seconde Guerre mondiale dans un idéal de rupture avec le passé et de modernisation afin de réaffirmer la paysannerie et de lui octroyer un rôle de premier plan dans l'avenir du pays. L'intérêt de la réflexion menée dans cette fraction de notre mémoire, est d'étudier le décalage entre la doctrine pétainiste, les projets gouvernementaux, les discours des acteurs politiques de l'agriculture et la réalités des faits, vus et vécus par les protagonistes, à savoir les agriculteurs béarnais. La notion de décalage est importante dans la mesure où il est fondamental de comprendre l'écart qu'il peut exister entre la théorie officielle de Vichy et les pratiques des agriculteurs en accord avec la nouvelle législation, les nouvelles réformes et les nouvelles prérogatives. De même, il est essentiel de comprendre et mener un questionnement sur les facteurs qui viennent conditionner ce décalage. Cet écart peut s'expliquer par une diversité de déterminismes : les temps de crises en lien avec la guerre rendent-ils hermétiques les possibilités de réformer et de développer le monde rural ? La classe paysanne est-elle mise en exergue par le nouveau gouvernement dans une optique d'instrumentalisation ? Résulte t-il d'un abus de la classe paysanne, responsable de l'approvisionnement alimentaire du pays, nouveau socle de la société qui représente un poids trop lourd à porter ? Les mutations d'ordre agraire attendues par le monde paysan correspondaient-elles aux bouleversements qui se sont opérés ? Les réformes mises en place dans le monde agricole ont-elles été suffisantes ? En somme, le décalage est-il réel et surtout est-il volontaire ou est-il indépendant de la volonté du gouvernement ? Il nous est

apparu intéressant d'établir un lien entre les enjeux gouvernementaux et la pratique dans la réalité des faits, de se questionner sur la nature de ce lien qui pourrait s'avérer être un écart progressif. Pour cela, nous avons procédé à une réflexion à l'échelle du Béarn. En effet, nous avons étudié parallèlement les réformes du monde agraire résultant du nouveau gouvernement et la pratique des faits. Par le terme « pratiques », nous entendons la manière dont les protagonistes de ce mémoire ont vécu les bouleversements de l'agriculture à leurs niveaux, ce qu'ils en ont pensé et de quelles manières cela s'est-il manifesté concrètement62. De cette façon, notre réflexion s'articule en trois temps. Il nous a semblé

crucial d'établir un compte-rendu des réformes prévues et attendues dans le monde agricole63 national ainsi que la perception par la population paysanne béarnaise du

nouveau régime et du maréchal au début de la Guerre, donc une forme d'étude de l'opinion publique cantonnée à la paysannerie64, pour laquelle l'étude de la thèse de Pierre Laborie et

le mémoire de Paul Cabanne relatifs aux Basses-Pyrénées ont constitué un apport substantiel; par la suite, il nous a semblé important de souligner la difficulté pour les paysans béarnais d'exercer leurs professions et surtout d'en vivre au vu de la pluralité des ponctions du gouvernement et donc du décalage qu'il existe entre les projets gouvernementaux et la réalité des faits ; enfin, nous avons posé notre interrogation sur les manifestations concrètes des réactions de mécontentement des paysans à l'échelle du Béarn. En outre, il est à noter l'existence d'une réelle évolution dans la perception du gouvernement par les paysans ainsi que du sort qui leur est réservé. Le point essentiel de cette partie de notre réflexion est réellement le concept de décalage entre l'idéologie Pétainiste concernant la paysannerie et la réalité des faits vue65 par les acteurs de notre

mémoire.

62 Pour effectuer cette analyse, les témoignages oraux ont constitué une partie considérable de nos sources en complémentarité avec les archives préfectorales.

63 Pour cette partie, la source constituée par un annuaire datant de l'époque ( Guide professionnel de la

région de Toulouse partie les professions agricoles) a représenté un apport considérable.

64 Pour cela, il est d'important d'insister sur la notion de diversité dans le monde paysan. 65 Il est également essentiel de souligner l'aspect subjectif de la perception.

Chapitre 3 : Entre réformes et réalité, un décalage.

En effet, le monde agricole, dans les années 1940 et plus spécifiquement en période de guerre, fait l'objet de projets de diverses réformes et d'une pluralité de mutations d'ordre agraire comme énoncé précédemment. Cette volonté de réformer le monde agricole s'articule par l'intermédiaire de mesures de plusieurs natures.