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CHAPITRE III Influence des pratiques de gestion du soya et des conditions

3.4.1 Persistance et accumulation du glyphosate et de l’AMPA

Les résultats de notre étude ont montré une quasi-omniprésence du glyphosate et de l'AMPA dans les sols de grandes cultures de la plaine du Saint-Laurent avec 91 % des échantillons de sol qui contenaient au moins un des deux composés. L'AMPA a été la forme la plus retrouvée, mesurable dans 76 % des échantillons de l'étude. L’occurrence de ces composés est supérieure à la plupart des études effectuées avec des sols agricoles mais pas uniquement dans les grandes cultures, avec 62.5 % observée par Aparicio et al. (2013) en Argentine, entre 50 et 66 % par Scribner et al. (2007) en Amérique du Nord et 45 % dans une grande variété de cultures en Europe de l’Ouest par Silva et al. (2018). La présence plus élevée du glyphosate et de l'AMPA dans notre étude montre que les grandes cultures de soya en rotation avec le maïs favorisent la persistance des deux composés même lorsqu'il n'y a pas eu d'application l'année de l'échantillonnage, contrairement à d'autres types de culture. L’étude de Primost et al. (2017) a rapporté au moins un des deux composés dans tous les échantillons de sols issus de champs traités aux HBG de 17 fermes agricoles en Argentine. Ces auteurs justifient cette occurrence élevée par le fait que les échantillons ont été prélevés directement dans les champs traités aux HBG, contrairement à la plupart des analyses qui ont été réalisées dans différents compartiments à l'échelle des bassins versants et donc pas forcément dans des champs traités systématiquement aux HBG. En ce qui concerne les teneurs mesurées dans les sols, les valeurs de notre étude se situaient dans le même ordre de grandeur que celles des autres régions du monde pour les grandes cultures pour le glyphosate, mais étaient plus élevées pour l'AMPA (Battaglin et al., 2014; Gunarathna et al., 2018; Silva et al., 2018), sauf en ce qui concerne les études menées en Argentine où les teneurs étaient largement supérieures pour les deux composés (Primost et al.,

107 2017).Les conditions hivernales froides du Québec pourraient être un des facteurs expliquant ces différences, avec un taux de dégradation du glyphosate plus bas à basses températures (Helander et al., 2012). Les deux composés ont déjà été mesurés pendant plusieurs années après application dans des zones avec climats froids (Kjaer et al., 2005; Simonsen et al., 2008; Bento et al., 2016), où le temps de demi-vie du glyphosate pouvait aller jusqu’à plus de 460 jours (Borggaard et Gimsing, 2008). Laitinen et al. (2009) ont mesuré 19 % de glyphosate et 48 % d’AMPA de la quantité appliquée 20 mois après application en Finlande. Le fait que les deux composés aient été mesurés aussi bien dans les champs traités en 2014 que ceux non traités cette année quelle que soit la région agricole de la plaine du Saint-Laurent montrent que cette persistance peut conduire à une accumulation progressive du glyphosate et de l'AMPA dans les sols. D’autres études ont démontré que le glyphosate pouvait s’accumuler dans les sols (Simonsen et al., 2008; Banks et al., 2014; Sviridov et al., 2015; Travaglia et al., 2015; Cassigneul et al., 2016; Okada et al., 2016; Sidoli et al., 2016). Cela confirmerait également les observations de Primost et al. (2017) qui ont estimé une augmentation d’un milligramme de glyphosate par kilogramme de sol au bout de cinq applications, avec un taux d’application plus élevé que le taux de dissipation, favorisant une accumulation non linéaire des composés issus des HBG dans les sols. En effet, Andrea et al. (2003) ont suggéré que le taux de minéralisation dépendait de l'historique de culture, diminuait avec le nombre d’applications. Les teneurs en glyphosate et AMPA sont largement supérieures dans les sols de l'Argentine par rapport à celles de notre étude au Québec, soit deux fois plus élevées dans l’étude de Aparicio et al. (2013) et jusqu’à cinq fois plus élevées pour le glyphosate dans l’étude de Primost et al. (2017). Cela souligne l'importance de l'historique des cultures mais aussi des conditions climatiques dans la persistance et l'accumulation du glyphosate et de l’AMPA. En Argentine, les sols reçoivent en moyenne 3,3 applications par année sur des sols

108 majoritairement limoneux et argileux (Primost et al., 2017) à des doses allant de 0,5 à 3,3 kg ha-1 et ce malgré un climat plus chaud que celui du Québec qui devrait favoriser la dégradation des composés. Dans notre étude les cultures tolérantes au glyphosate sont traitées une à deux fois par année à des doses recommandées par les manufacturiers, soit inférieures à 0,90 kg ha-1. Mais comme le soulignent ces auteurs, l'accumulation ne semble pas linéaire à la fréquence d'application, confirmée par les résultats de notre étude car i) aucune différence au niveau des teneurs ou de l'occurrence globale n'a été observée entre l'échantillonnage de printemps et celui de l'automne pour les deux composés, ii) le nombre d'application sur le site ne semble pas avoir impacté les teneurs ou la fréquence de détection du glyphosate dans les sols, et iii) l’intervalle des teneurs était le même dans les cultures tolérantes aux HBG et les non tolérantes IP plantées en 2014. Ainsi, d'autres facteurs semblent avoir un effet sur la persistance des deux composés dans les sols. Le fait que les teneurs et l'occurrence de l'AMPA soient significativement différentes selon le nombre d'application en 2014, pourraient venir du fait que sur les sites avec plus d'application en 2014 ont un historique d'application d’HBG plus élevé que d'autres sites, résultant en une plus grande persistance de l'AMPA. Mais ayant eu une majorité de sites avec une seule application par année et n'ayant pas pu obtenir l'historique d'application pour tous les sites, cette hypothèse n'a pas pu être confirmée dans notre étude.

Les différentes pratiques liées au travail du sol ne semblent pas non plus avoir constitué un facteur majeur dans la persistance du glyphosate et de l'AMPA dans les sols de notre étude car aucune différence n'a été observée entre les sites ayant été labourés et ceux cultivés avec un travail minimal du sol en semis direct, confirmant les observations d'un certain nombre d'études (Formsgaard et al., 2003; Rampazzo et al., 2013; Okada et al., 2016). Soracco et al. (2018) ont aussi mis de l’avant une accumulation du

109 glyphosate et de l’AMPA dans les deux pratiques culturales avec et sans travail du sol. Cependant ils ont observé plus de variation des teneurs en glyphosate et AMPA au cours de la période culturale dans des sols travaillés. Peruzzo et al. (2008) ont observé quant à eux une augmentation des teneurs en glyphosate et en AMPA dans des sols non travaillés après application d’HBG, confirmé par Cassigneul et al. (2016), ce qu’ils ont expliqué par le fait que le labour aurait pu augmenter le lessivage des deux composés hors des sols (Gjettermann et al., 2000). La taille et la connectivité des pores du sol pourraient être affectés et augmenter le transport des solutés (Lipiec et al., 2006; Okada et al., 2016). Mais les effets du travail du sol sont difficiles à évaluer en conditions réelles car les pratiques culturales dépendent d'autres facteurs tels que le mode d'application de l'herbicide, l'historique des cultures du site et le type de sol. Ainsi dans la plaine agricole du Saint-Laurent, la majeure partie des cultures tolérantes aux HBG étaient combinées à la pratique du semis direct dans une optique de conservation de la qualité des sols sur le long terme. Lorsque le labour traditionnel était utilisé c'était majoritairement lié à des contraintes de structure et texture du sol.

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