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Peroxydation lipidique

PARTIE 3. PHYSIOPATHOLOGIE ET TOXICOLOGIE EXPERIMENTALE

9. Bases moléculaires de la toxicité

9.5. Peroxydation lipidique

La peroxydation des lipides est un processus complexe engendrant de nombreuses molécules biologiquement actives telles que les alkanals, 2-alkenals, 4-hydroxyalkenals ou le malondialdéhyde (MDA). Ces aldéhydes réagissent très rapidement avec des thiols comme la cystéine et le glutathion, mais inhibent également de nombreuses réactions enzymatiques en

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ainsi que la synthèse d’ADN et de protéines, participant ainsi probablement à la toxicité des trichothécènes.

L’activité des trichothécènes sur la peroxydation lipidique peut s’évaluer par leur effet sur les agents antioxydants comme sur les produits de cette peroxydation. L’étude des effets des agents antioxydants sur la toxicité des trichothécènes fournit également des pistes sur leurs mécanismes d’action et d’éventuels moyens de prévention.

9.5.1. Effets des trichothécène sur les produits de la peroxydation lipidique

Le niveau de malondialdéhyde (MDA) hépatique est augmenté chez la souris dès 20 heures après une administration unique de 4-6.25 mg/kg PV de toxine T-2 par voie orale, pour atteindre un maximum vers 48-72 heures après l’intoxication [Vilà et al., 2002].

On retrouve un effet équivalent chez le rat recevant une dose unique de 3.6 mg/kg PV par voie orale, avec une augmentation de la formation de diènes conjugués et de MDA. L’augmentation du MDA est également obtenue, mais dans une bien moindre mesure, avec une dose unique de 28 mg/kg PV de DON administrée par gavage. Il est intéressant de noter que la cinétique d’apparition de ce stress oxydatif suit la cinétique de distribution de la toxine T-2 (Partie 2. 1. Toxicocinétique) [Chang & Mar, 1988, Rizzo et al., 1994].

L’apparition de MDA dans le foie de volailles suite à une intoxication subaiguë par la toxine T-2 est controversée :

- le MDA est détectable dès de très basses doses de toxine T-2 (0.2-0.6 mg/kg dans l’aliment) chez le poulet, le canard et l’oie mais la méthode utilisée est ancienne et critiquée par d’autres auteurs pour son manque de spécificité [Mézes et al., 1998].

- avec de meilleurs moyens de détection, la production de MDA hépatique va également en augmentant pendant trois semaines chez des poulets recevant dans l’aliment 1.5 mg/kg PV de toxine T-2 par jour [Leal et al., 1999].

- mêmes méthodes analytiques, mais pas d’augmentation du niveau de MDA hépatique chez le poulet consommant un aliment contenant jusqu’à 5 mg/kg de toxine T-2 pendant 10 jours [Hoehler & Marquardt, 1996].

9.5.2. Effets des trichothécènes sur les agents antioxydants

• α-tocophérol

Chez la souris, l’administration de 4-6.25 mg/kg PV de toxine T-2 entraîne une diminution de la concentration plasmatique en α-tocophérol, qui atteint un minimum 20 heures après l’intoxication. La durée de cette baisse de concentration est augmentée avec la dose [Vilà et al., 2002].

La concentration hépatique en α-tocophérol est également diminuée chez le poulet recevant un aliment contenant 4 mg/kg de toxine T-2 [Hoeler & Marquardt, 1996].

• Glutathion et glutathion peroxydase

Chez le rat, une administration unique de 3.6 mg/kg PV de toxine T-2 ou de 28 mg/kg PV de DON par gavage entraîne une diminution du glutathion hépatique de 48 et 25 %, respectivement [Rizzo et al., 1994].

Avec des doses de toxine T-2 avoisinant les maxima détectés lors de contamination spontanée (0.2-0.6 mg/kg dans l’aliment pendant 10 jours) chez le poulet, le canard et l’oie, la concentration hépatique en glutathion réduit diminue légèrement, alors que celle du glutathion oxydé augmente progressivement avec l’administration prolongée de l’aliment contaminé. L’effet est évidemment beaucoup plus marqué lors de la consommation d’un aliment contaminé à hauteur de 1.5 mg/kg PV de toxine T-2 chez le poulet, mais tend à se réduire avec le temps pour atteindre le niveau des contrôles au bout de trois semaines de traitement [Leal et al., 1999, Mézes et al., 1998].

L’activité de la glutathion peroxydase est diminuée chez l’oie recevant l’aliment contaminé à hauteur de 0.4-0.6 mg/kg, alors que cet effet n’est pas obtenu chez le poulet et le canard recevant l’aliment contaminé par 0.2 mg/kg de toxine T-2. Cette activité est augmentée chez le poulet après 7 jours de consommation d’un aliment contenant 1.5 mg/kg PV de toxine T-2, ce que les auteurs interprètent comme une réaction adaptative du foie au stress oxydatif, tout comme l’augmentation concomitante de l’activité des glutathion S-transférases et γ- glutamyl transférases [Leal et al., 1999, Mézes et al., 1998].

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9.5.3. Effets des agents antioxydants sur la toxicité des trichothécènes

Chez la souris, les niveaux de MDA hépatiques sont inversement proportionnels à la quantité de vitamine E dans l’aliment donné pendant une semaine avant l’administration de toxine T-2. La vitamine E, à des concentrations normales (60 UI/kg PV) parvient même à bloquer les effets de la toxine T-2 sur les teneurs hépatiques en MDA lorsque celle-ci est administrée à une dose allant jusqu’à 2 mg/kg PV par voie orale – cette dose de toxine étant déjà supérieure aux quantités de toxine pouvant être ingérées avec des niveaux de contamination spontanée des aliments. Une augmentation de la dose de vitamine E au-dessus des valeurs recommandées (500 UI/kg PV) permet également de contrer une dose d’au plus 3 mg/kg PV de toxine T-2. A la dose de 4 mg/kg PV de toxine T-2, l’effet toxique sur la peroxydation lipidique n’est plus totalement contré par la vitamine E [Vilà et al., 2002].

De même chez le rat, une supplémentation élevée de l’aliment en sélénium, vitamine C et vitamine E diminue les effets de la toxine T-2 ou du DON sur les niveaux hépatiques de MDA et de glutathion, ainsi que la gravité des symptômes observés [Rizzo et al., 1994].

Le lycopène, un caroténoïde extrait de la tomate, se révèle également efficace dans la diminution des effets de 1.5 mg/kg PV de toxine T-2 administrée dans l’aliment pendant trois semaines chez le poulet sur les niveaux de MDA et de glutathion hépatiques. Il diminue également l’intensité de la stimulation de la glutathion peroxydase, de la glutathion S- transférase et de la γ-glutamyl transférase [Leal et al., 1999].

9.5.4. Conclusion

L’intoxication par les trichothécènes entraîne donc un stress oxydatif qui se manifeste par une augmentation des produits de la peroxydation lipidique et une utilisation des équivalents- réducteurs. Le mécanisme exact du déclenchement de ce stress oxydatif reste cependant inconnu, et l’on ne sait même pas s’il est du à l’action directe des trichothécènes ou s’il n’est qu’une conséquence indirecte de l’intoxication – et notamment des baisses de synthèses protéique.

La supplémentation de l’aliment en agents antioxydants tels que la vitamine E, la vitamine C, le sélénium ou le lycopène diminue l’intensité de ce stress oxydatif en complétant l’action des systèmes réducteurs de l’organisme, et diminue du même coup la gravité des symptômes d’une intoxication aiguë par les trichothécènes.

Si les données sont insuffisantes pour conclure définitivement sur ce point, il semble néanmoins que le simple fait d’assurer des niveaux en vitamine E dans l’aliment conformes aux recommandations classiques permettent déjà de prévenir les effets des trichothécènes sur le stress oxydatif – des animaux carencés étant eux bien plus sensibles.

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