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La peroxydation des lipides : les AGPIs et leur effet sur la qualité de la viande

1.7. L’oxydation de la viande : un phénomène redouté en agroalimentaire

1.7.1. La peroxydation des lipides : les AGPIs et leur effet sur la qualité de la viande

détérioration de la qualité de la viande et des produits carnés, et génère des composés qui peuvent être préjudiciables pour la santé comme des molécules cancérigènes par exemple le malondialdéhyde (MDA), le 4-hydroxynonénal (4-HNE) et les isoprostanes (Byrne et al., 2001; Michel et al., 2008). La peroxydation du la viande est initiée dans la région

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phospholipidique hautement insaturée des membranes intracellulaires. Cette fraction de phospholipides riches en acides gras polyinsaturés se dégrade en des produits d'oxydation volatils à chaînes courtes et conduit à la formation d’odeurs et de flaveurs désagréables

(rancissementdes aliments).

L’oxydation des lipides se produit par une auto-oxydation, une photo-oxydation et lors d’une oxydation enzymatique. Cependant dans les produits alimentaires, incluant les produits carnés, le principal processus d’oxydation est l’auto-oxydation qui est catalysée par l’oxygène ou la température ambiante et initiée par des espèces réactives de l'oxygène (ERO). La photo-oxydation quant à elle, est initiée par la lumière en présence de photosensibilisateurs tandis que l’oxydation enzymatique l’est par la présence d’enzymes qui catalysent les réactions d’oxydation (Morales et al., 2006). Le taux d’oxydation des lipides dans les viandes fraîches et cuites est tributaire de plusieurs facteurs internes, à savoir : la teneur en matières grasses et en fer constitutif de l'hème de l’hémoglobine et de la myoglobine, ainsi que de la ferritine, la composition en acides gras et en antioxydants naturels (Morrissey et al.,1994 ; Combes et Dalle Zotte, 2005 ; Min et Ahn, 2005). Ce taux est également tributaire de l’oxydation des facteurs externes tels que la température, la lumière, la cuisson/réchauffement, les ingrédients pro-oxydants non musculaires (comme le sel), l’oxygène, l’activité de l’eau, les conditions d’entreposage, de transformation et d’emballage (Monahan, 2000).

Au cours de la conservation, la sensibilité à l’oxydation dépend de l’effet conjoint du pourcentage d’AGPIs et du fer héminique des viandes (Dalle Zotte, 2002). Pendant l’entreposage, la peroxydation lipidique est favorisée par certains facteurs, dont un pH plus acide, une teneur élevée en acides gras polyinsaturés, la présence élevée de myoglobine (qui varie selon le type de muscle) et des températures de l’ordre de 4 °C et plus (Morrissey et al., 1994). En effet, l'oxydation de la myoglobine transforme l'oxymyoglobine, qui est responsable de la couleur rouge brillant de la viande fraîche en metmyoglobine, pigment caractéristique des viandes oxydées (brune). Tandis que le processus de cuisson entraîne dans le muscle une augmentation de l’oxydation des lipides et l’apparition de flaveur dite « réchauffée » dans la viande préparée et réfrigérée.

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Les acides gras polyinsaturés sont très sensibles à l'attaque des radicaux libres conduisant à la production d'hydroperoxydes, qui sont responsables de la formation de sous-produits tels que des aldéhydes, des cétones et d'autres composés qui affectent négativement la qualité des aliments. La viande de lapin sur laquelle porte notre étude est sujette aux peroxydations ; ceci s’explique par le fait qu’elle contient naturellement plus d’AGPIs n-3 que les autres espèces (Mourot et al., 2011 ; Dalle zotte et Szendrő, 2011). Ces peroxydations qui se forment soit par l’action des espèces radicalaires (ERO), ou sont catalysées par des enzymes, engendrent une dégradation de la qualité nutritionnelle, mais aussi organoleptique des viandes et produits

carnés. Ce phénomène se produit quand l'oxygène atmosphérique (O2) réagit avec les acides

gras insaturés (c’est-à-dire comportant des doubles liaisons carbone-carbone) et forme des espèces partiellement réduites, les ERO.

La peroxydation des lipides polyinsaturés se produit en trois étapes : l’initiation, la

propagation et la terminaison (Michel et al., 2008). La première phase de la peroxydation lipidique est caractérisée par la présence des hydroperoxydes que l’on appelle les « produits primaires » de la peroxydation lipidique. Instables, ces molécules oxydées réagissent avec les constituants de l’aliment/viande et se décomposent en « produits secondaires » et « terminaux » pour former des endopéroxydes cycliques et finalement des produits terminaux volatils et non volatils stables, tels que les aldéhydes (malondialdéhyde ou MDA, 4- hydroxynonénal ou HNE) ou les isoprostanes et le 2-propénal (Michel et al., 2008 ; Dalle- Donne et al., 2006).

En agroalimentaire, Valerga et al. (2013) et Byrne et al. (2001) ont observé que l'oxydation des lipides conduit à une modification de l’aspect (décoloration), à une perte en vitamines (A, E, C, D) et de la valeur nutritive, à de mauvaises odeurs, à une altération du goût (flaveur caractéristique, rancissement) ainsi qu’à la production de composés potentiellement toxiques et cancérigènes pour la santé du consommateur. Les aliments de type viande, riches en AGPIs sont les plus affectés (Dalle Zotte et Szendrő, 2011) et subissent des modifications organoleptiques telles que la rancidité, l’acidification, la modification de la couleur avec apparition de brunissements, les dégradations biochimiques et nutritionnelles (par interaction des produits d’oxydation avec les acides aminés) de l’aliment. En effet, ils sont très sensibles à l'attaque des radicaux libres qui conduit à la production d'hydroperoxydes, qui sont responsables de la formation secondaire de sous-produits tels que les aldéhydes, les cétones

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et d'autres composés (peroxydes, hydrocarbures, cétones, acides, esters ; Cillard et Cillard, 2006) qui affectent négativement la qualité des aliments (Lund et al., 2011) et aussi la texture de la viande. Cela a été corroboré par l’étude de Musella et al. (2009) qui a démontré que la peroxydation des acides gras insaturés altérait les qualités sensorielles du porc.

Concernant les viandes cuites, les procédés thermiques peuvent aussi favoriser l'oxydation des lipides en perturbant les membranes cellulaires et en libérant des composés pro-oxydants, qui induisent '' la saveur réchauffée '' pendant l’entreposage réfrigéré et le réchauffage ultérieur (Sato et Hegarty, 1971). Combes et Dalle Zotte (2005) affirment que la cuisson entraîne l’oxydation partielle des AGPIs des phospholipides. L’oxydation de ces derniers est plus élevée dans les muscles oxydatifs que dans les muscles glycolytiques ; en d’autres termes, elle est d'autant plus forte que l'insaturation des AGPIs est plus élevée (Gandemer, 1998). De plus, la cuisson de la viande à haute température entraîne la formation d’amines hétérocycliques (AH, par exemple friture à une T > 200°C; Vanier, 2007), des nitrosamines (T > 130°C; Vendreuve, 2006), composés nocifs pour la santé du consommateur, car

carcinogène (Dalle Zotte, 2002). Étant donné que la viande de lapin est généralement riche

en AGPI à longue chaîne, cela peut limiter davantage la durée de conservation de la viande cuite

.

Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour suivre et évaluer l’état d’oxydation des lipides des produits, mais la plus utilisée est la méthode TBARS (substances réagissant à l’acide thiobarbiturique; Dawn-Linsley et al., 2005) pour les viandes et les produits transformés. Le dosage du TBARS permet d’évaluer la quantité de malondialdéhyde (MDA), un produit terminal de l’oxydation des lipides membranaires par les radicaux libres. La figure 1.5 présente la comparaison des valeurs d’oxydation de la viande de différentes espèces animales, exprimées en TBARS (en mg de MDA/kg viande; Combes et Dalle Zotte (2005). D’après les indices de TBARS de la figure 1.5, on peut noter la plus grande sensibilité de la viande de lapin à l’oxydation par rapport aux autres espèces (Combes et Dalle Zotte, 2005). Il est important de noter que des valeurs de TBARS égales ou supérieures à 5 mg MDA/kg de viande représentent le seuil pour la détection d’odeurs et de goûts désagréables pour les humains (Insausti et al., 2001).

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Figure 1.5. Comparaison des valeurs d’oxydation, exprimées en indice TBARS (exprimées en mg de MDA/kg muscle), de la viande de porc (muscle Longissimus lumborum), de taurillon (muscle Longissimus thoracis), de poulet (muscle Pectoralis major) et de lapin (muscle Longissimus dorsi et viande hachée). Tirée de Dalle zotte (2005).

Ainsi, la lutte contre l'oxydation des denrées alimentaires au cours de leurs transformations technologiques, de l’entreposage et de la distribution s’impose afin de maintenir la qualité des aliments et prolonger la durée de vie de tablette.