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Performances et place par rapport aux étapes

3. La situation aujourd’hui

3.1. Performances et place par rapport aux étapes

La configuration magnétique devait donc être stable vis-à-vis des instabilités MHD les plus violentes aboutissant à la destruction du plasma. Nous avons vu que deux configurations to-roïdales sont apparues comme présentant des domaines d’opération vérifiant les contraintes ci-dessus :

- la configuration Tokamak nécessitant la présence d’un courant plasma (à condition que ce courant ne soit pas trop élevé et que la pression cinétique reste suffisamment faible par rapport à la pression magnétique) ;

- la configuration Stellarator sans courant plasma (avec une limite également sur le rapport entre la pression cinétique et la pression magnétique).

Ces deux configurations font l’objet aujourd’hui de réalisations expérimentales partout dans le monde.

3.1.2. Obtention de températures et de densités caractéristiques du plasma d’un réacteur thermonucléaire

La stabilité globale étant acquise, il fallait démontrer que le plasma pouvait être porté aux températures et aux densités qui seraient celles d’un plasma thermonucléaire, c’est-à-dire d’après le critère de Lawson une température de l’ordre de 10 keV et une densité de l’ordre de 1020 m-3.

Les premiers Tokamaks étaient chauffés grâce à l’effet Joule issu du courant plasma.

L’augmentation de la conductivité électrique avec la température (en T3/2) rendant pratique-ment inopérant ce chauffage au delà de quelques keV, le développepratique-ment de moyens de chauf-fage extérieurs est apparu rapidement comme indispensable.

Le chauffage par injections de particules neutres très énergétiques (~100 keV) créés à par-tir de sources d’ions positifs a fait de rapide progrès et a permis pour la première fois sur la machine PLT l’obtention de températures ioniques supérieures à 10 keV. Ce chauffage est aujourd’hui présent sur presque toutes les grandes installations. Il est envisagé sur Iter à une énergie de 1 MeV qui nécessite le développement de sources d’ions négatifs objet d’une R&D importante.

Le chauffage par couplage au plasma d’ondes électromagnétiques à des fréquences judi-cieusement choisies a progressé en parallèle. Ce type de chauffage est en particulier utilisé exclusivement pour chauffer les plasmas de la machine Tore Supra.

L’augmentation de la densité a pu être obtenue par simple injection de gaz dans le plasma.

Dans les Tokamaks, une densité limite est cependant atteinte à cause d’un déséquilibre radia-tif. Cette limite est d’autant plus élevée que le champ magnétique est plus fort et que la ma-chine est plus petite (n Bt

R ). Des densités très élevées (n ~ 1021 m-3) ont pu être obtenues sur de petites machines à fort champ (Alcator C). Pour Iter, (Bt = 5.3 T, R = 6 m), la limite de densité est de l’ordre de 1020 m-3, suffisante pour obtenir un facteur d’amplification Q = 10.

Dans un réacteur thermonucléaire, il est souhaitable (pour des raisons de performances) que le profil de densité soit le plus piqué possible. De tels profils de densité peuvent être ob-tenus avec une alimentation de matière proche du cœur du plasma. Des techniques d’injection de glaçons d’hydrogène à des vitesses très élevées ont été développées dans cette perspective.

Elles donnent des résultats très encourageants dans Jet (figure 1.21).

Figure 1.21 – Piquage des profils de densité dans Jet par injection de glaçons.

3.1.3. Temps de vie de l’énergie

Pour obtenir un facteur d’amplification élevé, le critère de Lawson indique que le temps de vie de l’énergie doit être suffisamment grand.

Les premières décharges Tokamak ont mis en évidence une dégradation du temps de vie de l’énergie avec la puissance extérieure injectée. Pour de tels plasmas, caractérisés par des pro-fils de densité et de températures décroissant lentement vers le bord (mode L), l’extrapolation des performances au dimensionnement d’un réacteur commercial aboutissait à des tailles de machines prohibitives.

L’étude de la configuration à divertor poloïdal sur la machine ASDEX a fait apparaître une augmentation du temps de vie de l’énergie (de l’ordre d’un facteur 2) lorsque la puissance traversant la dernière surface magnétique fermée dépassait un certain seuil. Les profils de densité et de température présentaient alors un épaulement indiquant un confinement amélioré au bord du plasma. Ce régime (baptisé mode H), dont l’extrapolation permet d’envisager des réacteurs de dimensions raisonnables (R ~ 8 m) a été reproduit dans toutes les grandes machi-nes utilisant un divertor poloïdal et il constitue le mode de fonctionnement de référence d’Iter.

3.1.4. Les décharges record de Jet : démonstration du break-even scientifique

Les meilleures performances en densité, température et temps de vie de l’énergie ont long-temps été obtenues dans des machines ou des régimes de fonctionnement distincts (fort champ pour les fortes densités, faible densité pour les fortes températures, régime ohmique pour les meilleurs temps de vie). La réalisation de fortes valeurs de Q exige l’obtention simul-tanée de valeurs élevées pour ces trois paramètres. C’est ce qui sera réalisé dans les grandes machines en mode H.

La meilleure valeur de Q dans une décharge D-T a été obtenue en 1997 sur le Tokamak eu-ropéen JET au cours d’une décharge ayant produit une puissance fusion maximale de

16.1 MW (figure 1.22) pour une puissance extérieure injectée de 25 MW (22 MW d’injection de neutres + 3 MW de chauffage à la fréquence cyclotronique ionique).

(Q= 0.9, Q = 0.64)*

Figure 1.22 – Records de puissance et durées correspondantes dans des décharges D-T.

Au cours de cette décharge, une brusque dégradation du confinement est apparue, mettant fin au régime performant alors que le contenu énergétique était encore en augmentation de 7 MJ/s. L’évaluation de la performance en Q pour cette décharge dépend de la définition rete-nue pour ce paramètre dans le cas d’une décharge non stationnaire. La définition la plus satis-faisante sur le plan physique27 consiste à définir Q comme le rapport entre la puissance fusion produite et la puissance extérieure qui serait nécessaire pour maintenir en stationnaire le plas-ma dans les conditions où il produit cette puissance fusion. Cette puissance est la puissance injectée (25 MW) diminuée de la partie de cette puissance servant à l’augmentation du conte-nu énergétique (7 MW), on trouve alors Q = 0.9. On peut donc considérer que cette décharge constitue la réalisation, longtemps souhaitée par les physiciens, de l’étape de break-even scientifique (Q = 1). Si l’on définit Q, de façon plus conservative (soit Q*) comme le simple rapport entre la puissance fusion produite et la puissance injectée de l’extérieur, on trouve Q* = 0.64. Les deux définitions se confondent dans le cas d’un plasma en régime stationnaire et il n’y aura donc plus d’ambiguïté sur la définition de Q par la suite.

Dans la décharge précédemment décrite, la puissance fusion a été produite pendant un temps court (0.5 s) et dans un régime qui n’est pas extrapolable au réacteur (ions chauds sans ELMs). La même année cependant, une autre décharge (figure 1.23) a pu produire près de 5 MW de puissance fusion pendant environ 4 s avec une puissance injectée de 24 MW (soit Q = 0.2) dans un régime adapté au fonctionnement en continu d’un réacteur (Te = Ti avec ELMs). C’est sur ce régime qu’Iter a été dimensionné.

27 Avec cette définition, l’ignition (Q = ∞) peut être atteinte en transitoire lorsque la puissance alpha équilibre les pertes, sans que la puissance extérieure soit nulle. Cette dernière contribue alors uniquement à l’augmentation du contenu énergétique.

3.1.5. Aimant supraconducteur et décharges longues non inductives dans Tore Supra La faisabilité d’un aimant supraconducteur pour un Tokamak, indispensable pour un réac-teur commercial, a été démontrée dans l’installation Tore Supra dont l’aimant fonctionne de façon quasi ininterrompue depuis 1988.

La maîtrise des flux thermiques intenses et de l’évacuation de la chaleur sur les temps longs constitue un autre impératif technologique auquel Tore Supra contribue en réalisant des décharges complètement stationnaires de plus de 6 mn avec des composants activement re-froidis pendant lesquelles plus de 1 GJ d’énergie ont pu être évacués (figure 1.23). Les com-posants de première paroi développés pour cette machine peuvent supporter en stationnaire des flux thermiques de 18 MW/m2. Il faut aussi noter que le courant de ces décharges longues est généré de façon complètement non inductive grâce à l’effet de génération de courant par les ondes hybrides.

Figure 1.23 – Records de durée et d’énergie injectée dans Tore Supra.

3.2. La maîtrise des moyens de chauffage et de génération de courant28

L’injection de particules neutres de grande vitesse et les ondes radiofréquence constituent les grandes voies pour chauffer et générer du courant dans un plasma de Tokamak.

L’injection de neutres rapides est un chauffage très efficace dont la physique est bien com-prise. On utilise actuellement des sources d’ions positifs permettant de générer des neutres d’environ 100 keV qui cèdent leur énergie préférentiellement aux ions. L’injection de neutres permet également de générer du courant au centre du plasma.

L’onde magnétosonique rapide a une très bonne efficacité de chauffage sur les ions ou les électrons suivant le scénario et permet aussi de générer du courant. La physique de cette inte-raction est bien comprise.

28 Voir aussi pour plus de détails le chapitre 3 – Les plasmas chauds magnétisés.

L’onde à la fréquence hybride basse est la méthode la plus efficace (grâce à la génération d’électrons suprathermiques) pour générer du courant dans les machines actuelles ou dans la partie externe d’un réacteur. La compréhension générale de l’absorption est encore très par-tielle.

Les ondes à la fréquence cyclotronique électronique permettent un contrôle très précis du chauffage des électrons ou de la génération de courant. Cette caractéristique la fait utiliser pour le contrôle des modes MHD de « déchirement néoclassique » qui pourraient dégrader la qualité du confinement.