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Une performance thérapeutique 118

I. L’invention langagière et la traversée du miroir 23

6.   Une performance thérapeutique 118

S’opposant aux positions du docteur Ferdière, qui dans le sillage de la psychiatrie et de la psychanalyse de l’époque considérait les glossolalies, de même que les rituels incantatoires auxquels elles étaient associées par le poète, comme des accès de délire (FA, p. 149-150), Artaud refuse le diagnostic du psychiatre et revendique ce comportement à plusieurs reprises. Il tente de l’associer d’abord aux écrits sur le théâtre d’un certain Antonin Artaud (il signe alors ses lettres du nom d’Antonin Nalpas, ayant adopté le nom de sa grand-mère maternelle, et Antonin Artaud désigne son double, l’artiste qu’il était avant l’internement, avant le diagnostic de folie et qui est donc en dehors de l’emprise de la psychiatrie) :

D’autre part en ce qui concerne les passes à tendances magiques auxquelles vous me reprochez d’avoir l’obsession de me livrer sur celui-ci ou sur celui-là, dans une attitude de Prosélytisme que la Médecine mentale considère en effet comme une maladie, laissez-moi vous rappeler M. Ferdière qu’Antonin Artaud était le Créateur d’une Dramaturgie qu’il n’a pas seulement exposée dans de multiples écrits mais qu’il a encore matérialisée sur la scène dans les mises en scène de quatre pièces qui sont :

Les Mystères de l’Amour de R. Vitrac Le Songe de Strindberg

Partage de Midi de Paul Claudel

Victor ou les enfants au Pouvoir de R. Vitrac

et les Cenci

qu’il avait composés lui-même d’après Shelley et Stendhal –.

Les gestes comme ceux que me vous me reprochez ici, que j’ai esquissé sur vous sur un banc dans le jardin de l’Asile il y a quatre mois, que j’ai faits avant-hier sur Voronca et qui me servent moi à prier Dieu, étaient à la Base de la Dramaturgie exposée sur la scène par Antonin Artaud et si c’est une maladie pour moi que de m’y livrer alors Antonin Artaud a toujours été malade parce toutes ses mises en scène n’était composées que de cela. Et Philippe Soupault qui réclamait dans l’une de ses œuvres un crime gratuit, et Louis Aragon qui arrêté sur les Champs Élysées devant un lampadaire électrique cultivait un état volontaire d’hallucination étaient des fous avec tous les Autres Surréalistes. (« Lettre au docteur Ferdière du 13 août 1943 », NER, p. 54)

Artaud, c’est-à-dire Antonin Nalpas, suivant son propre avis, ne peut être fou. Si l’on admettait qu’il est fou, Artaud, c’est-à-dire Antonin Artaud, l’acteur, auteur et metteur en scène, serait malade lui aussi, puisque les mêmes gestes sont « à la base de la Dramaturgie exposée sur la scène par Antonin Artaud », après l’avoir « exposée dans de multiples écrits ». Le poète cite en exemple, dans le détail, ses expériences théâtrales

pour justifier que ses rituels, quand bien même il reconnaît leur dimension religieuse (« qui me servent moi à prier »), appartiennent en tant que tels au domaine théâtral. Le poète se compare également par extension aux « Autres Surréalistes », réactivant l’appartenance de son double Antonin Artaud au groupe surréaliste. Il évoque en particulier Philippe Soupault et Louis Aragon, ce dernier pratiquant « un état volontaire d’hallucination ». Si le psychiatre le juge fou, alors il devrait condamner de même toute l’activité du groupe surréaliste, ce dont Artaud le sait incapable du fait de son attachement au groupe151, d’autant plus que cela reviendrait à faire admettre au psychiatre sa propre folie. L’impossibilité de cette conclusion doit prouver que le poète n’est pas fou. Cette démonstration par l’absurde rejoint paradoxalement – puisqu’elle en conteste la validité – le jugement de Sigmund Freud qui, dans une lettre à Stefan Zweig, qualifie les surréalistes de « fous absolus »152.

De même, Artaud, à cette époque, défend sa pratique incantatoire en se comparant à l’exemple de figures mystiques ou hérétiques comme Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et Maître Eckart, dont il est en train de lire les œuvres et qu’il associe au mouvement surréaliste :

Tous les Saints étaient sur terre des êtres singuliers, et il aurait suffi que par erreur ils aient été enfermés dans un Asile au lieu de l’être dans un couvent pour que leur esprit de mortification, leur illuminisme, leur zèle prissent immédiatement dans l’esprit de certains médecins peu avertis ou mal intentionnés le caractère de certaines psychoses, dont ils eussent été absolument incapable de se justifier. Saint François d’Assise ou Sainte Thérèse d’Avila seraient demeurés enfermés leur vie entière dans un Asile d’Aliénés. Le Dr Latrémolière est un grand cœur droit et bien intentionné mais je m’aperçois quand je lui parle qu’il n’est pas du tout averti des manifestations et des étrangetés de toutes sortes qui ont marqué la vie surréaliste à Paris de 1920 à 1937 et qui ont été marquées dans des livres comme [le] manifeste du Surréalisme, les Pas perdus (Entrée des Médiums), les œuvres de Robert Desnos, etc. (« Lettre au docteur Ferdière du 20 juillet 1943 », NER, p. 50)

151 Ferdière est lié, comme je l’ai signalé plus haut, au mouvement surréaliste à la fois socialement, en tant que membre du cercle de Robert Desnos, ami commun à Artaud et lui qui a contacté Ferdière de la part de la mère d’Artaud pour qu’il prenne en charge le poète, et littérairement, ses œuvres étant clairement empreintes de traits stylistiques surréalistes.

152 « J’étais jusque-là enclin à considérer les surréalistes, qui semblent m’avoir choisi comme saint

En faisant appel à ces figures d’autorité, l’auteur refuse l’assimilation de son mysticisme à la folie à laquelle recourt le diagnostic psychiatrique. Les « manifestations » et « étrangetés » qui se sont produites au cours de leur vie distinguent les surréalistes en tant qu’« êtres singuliers » au même titre que les saints. Et en donnant l’exemple des livres de Breton, « le manifeste du Surréalisme, les Pas perdus (Entrée des Médiums) », Artaud suggère que ce qui relie ses anciens camarades et les saints est cet « illuminisme » commun. Ce n’est pas autrement qu’il effectue une lecture mystique de l’œuvre de Breton en déclarant dans une autre lettre, dans laquelle il remercie justement Ferdière de lui avoir prêté les œuvres du pape du surréalisme : « la poésie d’André Breton est dans le domaine profane celle qui me rappelle le plus toutes les élévations à Dieu qui constellent les textes des Grands Mystiques. » (« Lettre au docteur Ferdière, fin septembre 1943 », NER, p. 66) Cet argument, de même que le précédent, fait appel aux préventions du docteur Ferdière en faveur du surréalisme, et notamment de l’œuvre de Breton. Ce dernier, de même que Ferdière, a étudié la psychiatrie et a manifesté un vif intérêt pour la psychanalyse. Il représente donc pour le docteur un double auquel il peut s’identifier. Le poète à nouveau présente un miroir au psychiatre et lui renvoie son diagnostic. De même que précédemment, il ne peut que se réprouver doublement en jetant l’anathème sur le mysticisme du poète, car ainsi il proscrirait les « étrangetés » et « manifestations » surréalistes, et en particulier la poésie de Breton, « le Grand Mystique », dont il est si proche intellectuellement. Cette interprétation mystique du surréalisme par Artaud est la raison pour laquelle il a été exclu du mouvement en mai 1927153. Ces arguments ont d’autant moins de chance de convaincre que le docteur Ferdière, athée et plutôt réticent à l’égard de la religion de même que les surréalistes, considère ce « délire mystique » comme un symptôme de folie dans la

lignée de la psychiatrie de l’époque154. Le poète est conscient que ce mysticisme est l’enjeu d’un débat épistémologique entre poésie et psychiatrie et il développe sa rhétorique en conséquence.

Artaud retourne enfin vers le docteur l’accusation de paranoïa. Ce dernier serait victime d’un envoûtement :

Je crois que des gens mal intentionnés et qui ne m’aiment pas vous ont fait subir leur influence à mon sujet, et tous ces gens en plus n’aiment pas Dieu et ils ont été exaspérés de ma conversion. Et ils ont cherché à se débarrasser de moi. De là la terrible influence que font sur vous des choses beaucoup plus naturelles que vous ne les percevez et les voyez, parce que vous homme de bonne foi n’êtes plus seul à juger mais que d’autres esprits qui sont de mauvais esprits sont à ce moment-là autour de vous et dénaturent vos impressions en fonction d’un mensonge qui a été émis sur mon état mental au moment de mon internement. Et ce mensonge a été de prétendre que j’étais à ce moment-là un délirant.(NER, p. 82)

D’après Artaud, c’est en raison du mysticisme même que le docteur condamne le comportement mystique du poète, non parce qu’il y est fondamentalement opposé, mais parce qu’il subit l’influence de « gens mal intentionnés et qui n’aiment pas » le poète. Ces gens qui « n’aiment pas Dieu » non plus « ont été exaspérés par la conversion » du poète et ont jeté un sort au psychiatre. Ce sort exacerbe sa sensibilité à ces comportements. Il s’en suit erreur d’interprétation et diagnostic de folie qui n’ont de cesse de se répéter en se justifiant l’un l’autre depuis son internement. C’est donc le mysticisme qui déclenche initialement ce rejet – ce en quoi Artaud n’a pas complètement tort étant donné l’anticléricalisme de ses interlocuteurs.

Par ailleurs, Artaud objectera également à l’attitude du docteur Ferdière, l’absence de réaction de ses voisins de chambre et des collègues de ce dernier, justifiant ainsi l’innocuité et la « normalité » de son comportement155.

154 Voir Mèredieu, CAA, p. 784 ; Bobon, Introduction, p. 40, 43, 192 et 327.

155 « Ce que l’on vous a dit à mon sujet est complètement faux. […] Vous m’avez dit que je chantais dans ma chambre et que mes voisins s’étaient plaints or je suis allé interroger l’interne Joseph, j’ai interrogé le Dr Fauvon [?] ils m’ont répondu que je ne les avais jamais dérangés, qu’ils n’avaient jamais rien remarqué d’anormal dans mon comportement » (« Lettre au docteur Ferdière, 30 mars 1944 », NER, p. 91-92).

Le poète, alors qu’il signe désormais à nouveau du nom d’Antonin Artaud, continuera à invoquer, à sa décharge, l’exemple de ses expériences théâtrales dont il fait une sorte de jurisprudence pour justifier ses rituels en tant que pratique artistique :

Je voudrais savoir quand et où j’ai fait de la magie en public et d’une manière qui puisse provoquer ou énerver les gens et inspirer des doutes sur mon état mental? Vous oubliez que j’ai fait aussi de la mise en scène et que toutes mises en scène que j’ai faites étaient basées sur une utilisation particulière de la psalmodie et de l’incantation. Est-ce de l’aliénation ? (« Lettre au docteur Ferdière, 10 février 1944 », NER, p. 82)

Il décrira alors cette pratique comme un « travail » qu’il n’effectue que dans le cadre de son activité artistique (théâtre, dessin et poésie). Artaud donne une description de ce « travail du rythme » dans une des lettres au docteur Ferdière :

[L]es phrases que j’ai notées sur le dessin que je vous ai donné je les ai cherchées syllabe par syllabe à haute voix en travaillant, pour voir si les sonorités verbales capables d’aider la compréhension de celui qui regarderait mon dessin étaient trouvées. Je les ai dites à haute voix devant le dessin du coccys [sic] au Dr Dequeker et au Dr Solanès pour leur demander si les sons des mots que j’avais inventés étaient en accord avec le mouvement général du dessin. Mais j’insiste sur ce point que ce genre de travail est toujours chez moi lié ou à un dessin que je dessine ou à un poème que j’écris et que je ne le fais pas en dehors d’un travail précis et déterminé (« Lettre au docteur Ferdière, vers fin février 1946 », NER, p. 113).

Artaud scande en effet ses textes, à partir de 1943 et de son « retour à l’écriture », en les martelant. Paule Thévenin dans les notes de Van Gogh le suicidé de

la société donne des indications sur la manière dont Artaud lui a dicté certains textes156 et plus généralement sur le processus d’écriture de ceux-ci. Elle emploie l’expression d’« écriture vocale » pour le décrire. L’oralité des textes d’Artaud joue ainsi un rôle prépondérant. Mais contrairement aux glossolalies étudiées par Samarin, celles d’Artaud sont la plupart du temps insérées dans d’autres textes ou en rapport avec eux.

156 « Étant donné les différences considérables présentées par les textes initiaux, nous avons estimé indispensable de les reproduire tels quels dans le Dossier de Van Gogh le suicidé de la société [sic] (p. 149-227). Leur lecture conjuguée avec celle du texte définitif est une illustration exemplaire de la maîtrise à laquelle Antonin Artaud était parvenu dans l’écriture qui peut être dite à voix haute, inséparable cependant de l’écriture manuscrite, celle qui grave sa trace dans la page, et qui lui était nécessaire pour pratiquer cette écriture vocale dont il ne semble pas paradoxal de dire qu’elle s’imprime à la fois dans l’air et dans l’oreille de l’auditeur, le premier auditeur en étant le locuteur lui-même, le couple locuteur/auditeur venant redoubler et renforcer le couple scripteur/lecteur. » (P. Thévenin, « Notes », Van

Au cours de l’écriture, la réécriture, la transcription et la dactylographie, Artaud modifie le découpage des glossolalies. L’écriture tend à intégrer les glossolalies aux textes qui les contiennent, à enrichir les jeux sur le sens et les sonorités. Elles contiennent de la sorte des jeux de mots et certains des mots ont un sens qui fait parfois écho aux textes qui les contiennent. Les glossolalies correspondent donc à une pratique de l’écriture qui associe chorégraphie, chant, rythme et inscription. Le poète refuse désormais que le diagnostic psychiatrique ne s’applique à cette pratique en ce qu’elle correspond à un travail et une performance artistiques. Artaud nie l’avis et l’expertise du docteur. S’opposant à Ferdière, il s’attribue même à l’occasion un pouvoir médical alternatif : « J’ai fait de la thaumaturgie en public c’est parfaitement vrai, mais je voudrais savoir si c’est la thaumaturgie elle-même ou le délire qu’on me reproche. » (« Lettre au docteur Ferdière [?, 1944] », NER, p. 97).

Le poète développera par la suite, à sa sortie de l’asile, son rejet de la médecine ainsi que des pratiques et thérapies médicales157. Il décrit dans plusieurs textes, de façon à les condamner, les traitements de chocs, comme l’insulinothérapie (injection d’une forte dose d’insuline qui provoque un coma artificiel censé aider au rétablissement de l’équilibre psychique du patient) ou les séries d’électrochocs qu’on lui a administré à l’asile de Rodez (le but étant cette fois de simuler une crise épileptique, dont on pensait qu’elle était incompatible avec la schizophrénie et en permettait la guérison). Artaud critique la violence de ces traitements qu’il rejette et dont il dénie même l’efficacité.

Il revendique de son côté la connaissance de thérapies qui peuvent guérir l’acteur et l’homme, assimilant en particulier sa pratique du théâtre à un traitement (de choc) :

Le théâtre

157 Voir la description du coma qui suit l’électrochoc dans « Aliénation et magie noire » (O, p. 1138- 1140).

est l’état, le lieu, le point

où saisir l’anatomie humaine,

et par elle guérir et régenter la vie. (« Aliéner l’acteur », O, p. 1520)

Cette description du théâtre remotive le sens étymologique du terme, theatron signifiant en grec à l’origine « le lieu (d’)où l’on regarde ».

La pratique théâtrale qualifiée de thérapeutique doit mener selon l’auteur à une refonte du corps humain. Cette guérison est une transmutation qu’il inscrit dans la tradition alchimique158. Le « souffle » de ces « syllabes » joue un rôle central dans ce projet de « révolution physiologique » (O, p. 1548), dont le but utopique est la « transformation organique et physique vraie du corps humain » :

L’acte dont je parle vise à la transformation organique et physique vraie du corps humain.

Pourquoi?

Parce que le théâtre n’est pas cette parade scénique où l’on développe virtuellement et symboliquement un mythe

mais ce creuset de feu et de viande vraie où anatomiquement, par piétinement d’os, de membres et de syllabes

se refont les corps,

et se présente physiquement et au naturel

l’acte mythique de faire un corps (« Le Théâtre et la science », O, p. 1544).

Il s’agit de « souffler son corps […] dans un cri corporel pur, sur le bord du temps et du néant » (O, p. 1631) ainsi que l’auteur le décrit dans une lettre à Adamov, car « le corps a un souffle et un cri par lesquels il peut se prendre dans les bas-fonds décomposés de l’organisme et se transporter visiblement jusqu’à des hauts-plans rayonnants où le corps supérieur l’attend. » (O, p. 1547) Le poète réinvestit donc le pouvoir médical et s’improvise chirurgien par sa pratique d’un théâtre « creuset de feu et de viande vraie où anatomiquement,/par piétinement d’os, de membres et de syllabes se refont les corps ». Les performances glossolaliques, qui associent aux syllabes inventées une chorégraphie

158 « Il faut au corps de l’acteur surmené des éléments d’une thérapeutique singulière que la médecine actuelle ne connaît plus, mais qu’on peut retrouver décrits point par point dans certains vieux livres d’alchimie. » (O, p. 1542)

au rythme marqué par ces piétinements, sont censées, selon l’auteur, mener à une réfection anatomique du corps humain. Cet « acte mythique de faire un corps » assimile la parole à un acte et associe la (re)création de l’homme, du corps humain à la profération de ces syllabes, c’est-à-dire à l’invention langagière. À nouveau, langage et corps sont confondus dans la mesure où ils sont la cible commune de cette « révolution physiologique ».

Il s’agit d’une conception magique du langage qui évoque les conceptions linguistiques organicistes du XIXe siècle159 et s’inscrit plus généralement dans l’héritage chrétien qui distingue dans l’apparition du langage un moment fondateur et définitionnel, création de la création160. Cette conception magique du langage est liée à

159 La pratique glossolalique peut être associée à la fois aux recherches sur l’origine du langage, aux quêtes d’un langage originel et aux tentatives parallèles d’invention ou de découverte d’un langage universel qui ont ponctué les deux siècles derniers : « Par ailleurs, le mythe de la langue adamique justifie la création délibérée des langues artificielles de l’avenir, tout autant que les productions spontanées, mystiques ou spirites, et ce lien est le plus souvent explicite. Historiquement, les thèses sur l’origine du langage (essentiellement monogénétistes, puis polygénétistes à partir du XIXe siècle) et les projets de langue universelle se développent parallèlement. Bien que donnant lieu à des constructions de nature différente, ces deux types de recherche s’insèrent dans les mêmes courants de pensée. D’ailleurs, bien souvent, un même personnage a travaillé dans deux directions. » (M. Yaguello, Les Langues, p. 16) 160 Les glossolalies posent la question de l’origine du langage. Elles sont venues à représenter l’apparition du langage puisqu’elles ont été associées par une certaine tradition chrétienne, à la suite de saint Jean Chrysostome, à la manifestation de l’Esprit saint le jour de la Pentecôte. L’Esprit saint symbolise à la fois l’apparition du langage et la création du monde à partir de l’Évangile selon saint Jean :

« Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu. Tout fut par lui,

et sans lui rien ne fut. Ce qui fut en lui était la vie,

et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres

et les ténèbres ne l’ont pas saisie. » (Évangile selon saint Jean, 1, 1-5)

Cet évangile joue un rôle fondamental dans la définition du christianisme. Ce premier verset implique une réinterprétation du premier verset de la Genèse : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. Et la