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CHAPITRE II MATERIELS ET METHODES

II. L’efficacité de l’association blé dur – féverole d’hiver pour améliorer le rendement et la teneur en

II.3 Résultats

II.4.5. Une performance qui est fonction des densités des deux espèces

Les différentes relations mises en évidence précédemment tendent à montrer que la production de chacune des espèces dans le mélange est fonction de la production de l’autre espèce. Plus précisément, plus la biomasse d’une espèce ‘A’ sera importante plus celle de l’espèce associée ‘B’ sera faible, traduisant un accroissement des compétitions interspécifiques dans le mélange avec l’accroissement de la biomasse d’une espèce par rapport à l’autre. Par ailleurs, nous avons également montré qu’en relatif la perte de matière sèche d’une espèce était moins sensible que celle du rendement avec l’augmentation de la matière sèche de l’autre espèce. Par conséquent ; l’indice de récolte que l’on pourrait estimer à partir de ce modèle diminuerait progressivement, d’abord lentement puis de façon brutale avec l’accroissement de la matière sèche de l’espèce associée. Cela indique donc qu’au-delà d’un certain niveau de compétition l’espèce fortement dominée parvient à produire une certaine quantité de biomasse mais pas de grains correctement remplis en C et N.

Pour une première approche et par simplification, un modèle linéaire a été ajusté (Figure 27, courbe C) pour représenter l’évolution de la biomasse d’une espèce en fonction de celle de l’espèce associée. Or, a priori, il n’y a pas de raison de penser que cette réponse soit linéaire, en particulier lorsque la production de biomasse de l’espèce ‘A’ est faible car cela ne devrait pas avoir de conséquence significative sur la production de l’espèce ‘B’. Par conséquent, d’autres modèles peuvent être proposés, comme par exemple ceux décrits à la Figure 27. Dans le cas d’une réponse de type concave (Figure 27, courbe A), la biomasse de l’espèce ‘B’ diminue de plus en plus fortement avec l’accroissement de la biomasse de l’espèce ‘A’. L’asymptote à l’origine est horizontale indiquant qu’une faible biomasse de l’espèce ‘A’ n’a pas d’effet sur la biomasse de l’espèce ‘B’. A l’opposé, lorsque la biomasse de l’espèce ‘A’ devient trop importante cela génère de fortes compétitions qui se traduisent par une diminution très rapide de la biomasse de l’espèce ‘B’ et correspond donc à une asymptote verticale. Ce type de réponse pourrait correspondre à l’espèce la plus compétitive et donc plutôt à la féverole d’hiver dans notre situation.

Figure 27 Evolution de la

matière sèche d’une espèce ‘B’ en fonction de la matière sèche de l’espèce associée ‘A’ en considérant un modèle concave (A), convexe (B), linéaire (C) ou des modèles complexes (D et E). Les flèches indiquent les asymptotes horizontales et verticales.

A l’inverse nous pourrions avoir une réponse de type convexe (Figure 27 courbe B) ; dans ce cas l’évolution de la biomasse de l’espèce ‘B’ avec l’accroissement de la biomasse de l’espèce ‘A’ est d’abord très rapide (asymptote verticale à l’origine) ce qui indique qu’un faible accroissement de la biomasse de l’espèce ‘A’ diminue fortement la biomasse de l’espèce ‘B’ traduisant une forte compétitivité de l’espèce ‘A’. Par contre la diminution est ensuite progressive et tend vers une asymptote horizontale. Ce type de réponse pourrait être celle de l’espèce la moins compétitive que pourrait être le blé dur dans notre situation. Néanmoins, l’évolution de la biomasse d’une espèce A en fonction de celle de l’espèce B est certainement ni linéaire, ni concave, ni convexe mais doit correspondre à des modèles complexes comme par exemple ceux décrits par les courbes D ou E (Figure 27). Dans ces situations, la diminution de la biomasse d’une espèce avec l’accroissement de la biomasse de l’espèce associée se fait de façon non homogène, suggérant qu’il existe des seuils de compétition pour lesquels l’effet est plus ou moins fort sur la production de biomasse. Les courbes des modèles D ou E ont au moins 5 paramètres ce qui ne nous permet pas, à partir de notre jeu de données, de les estimer correctement sans risquer de se situer dans un minimum local ou d’être en situation de sur-paramétrage.

Nous avons mis en évidence des relations similaires en représentant la matière sèche des espèces en association en fonction du rapport des densités. Plus la proportion de l’espèce ‘A’ par rapport à l’espèce ‘B’ est élevée plus la production de biomasse de l’espèce ‘A’ sera importante et celle de l’espèce ‘B’ faible. Cette relation permet, en première approximation et dans notre situation (avec les densités de plantes obtenues), de mettre en évidence l’effet de la densité qui semble avoir été un élément déterminant de la performance des associations lors de ces trois années d’expérimentations. A la différence de l’étude a posteriori des biomasses finales, le modèle proposé permettrait de prévoir la production de matière sèche de chaque espèce dans le mélange à partir du semis et du rapport de densité. C’est particulièrement intéressant dans le but d’aider au pilotage de ces systèmes.

Malgré tout, cela suppose d’avoir un modèle valide et généralisable au-delà de la gamme de densités évaluées expérimentalement. Par conséquent, le choix de modèles linéaires pour représenter la production de biomasse des espèces en association en fonction de la biomasse de l’espèce associée ou du rapport de densité est discutable et ceci pour plusieurs raisons :

• Tout d’abord, notre ajustement est biaisé par la distribution du nuage de points. On observe effectivement que celui-ci est composé de deux groupes, un premier pour lequel les rapports de densité entre blé dur et féverole d’hiver sont compris entre 3 et 6 et un second nuage avec quelques points pour lesquels les rapports sont compris entre 8 et 10. Par conséquent, en l’absence de continuité entre ces deux nuages notre ajustement est quelque peu discutable et ceci bien qu’il soit significatif.

• Par ailleurs, la gamme de densités testées ne permet pas d’extrapoler nos résultats au-delà de ces valeurs et notamment parce qu’un ratio

6 = IC en Féverole de Densité IC en Blé de Densité

par exemple, peut-être obtenu aussi bien avec 120 plantes de blé dur et 20 plantes de féverole d’hiver qu’avec 60 plantes de blé dur et de 10 plantes de féverole d’hiver.

• D’autre part, notre modèle ne considère que l’effet de la densité alors que le rapport entre compétitions inter- et intraspécifiques (qui détermine la performance des deux espèces dans le mélange), dépend également de l’agencement spatial des deux espèces.

• Enfin, comme précédemment et par souci de simplicité et d’efficacité, nous avons choisi un modèle linéaire pour représenter l’évolution de la biomasse avec le rapport de densité alors que ce modèle n’est pas forcément linéaire.

II.5 Conclusion

Nos résultats ont permis de montrer que l’association blé dur – féverole d’hiver est performante à plus d’un titre : elle permet d’améliorer l’utilisation des ressources du milieu, en particulier l’azote, pour la production de biomasse et de rendement ; elle permet également d’améliorer significativement la teneur en protéines du blé dur par rapport aux cultures monospécifiques, et ce d’autant plus que le rendement du blé dur en association est faible.

Cependant, nos résultats ont montré que la performance de ces systèmes dépend fortement du rapport entre les densités de féverole d’hiver et de blé dur. Plus précisément, ces systèmes sont performants dès lors que la densité de féverole d’hiver n’est pas trop importante sans quoi la biomasse du blé dur se trouve fortement réduite, en particulier à partir du début de la floraison de la féverole d’hiver, et par conséquent le rendement de la céréale s’en trouve limité. Etant donné la faible densité de la féverole d’hiver on comprend aisément qu’une augmentation de seulement quelques plantes de légumineuses par mètre carré aura des conséquences fortes sur la production du blé dur. Or, les différences entre densités de semis et densité de levée sont parfois importantes ce qui pose une question majeure quant à l’optimisation de ces systèmes et à leur pilotage.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, la performance des associations réside dans l’équilibre entre compétitions inter- et intraspécifiques. Ainsi, afin de réduire le risque d’un accroissement des compétitions interspécifiques de la féverole d’hiver sur le blé dur, en particulier à partir du début de la floraison de la féverole d’hiver, il pourrait être intéressant de jouer sur l’écartement entre les rangs de féverole d’hiver. A titre d’exemple, dans une association où la densité de la féverole d’hiver est par exemple de 12 plantes m-2 les compétitions interspécifiques (effet de la féverole d’hiver sur le blé dur et vice versa) seront plus fortes et les compétitions intraspécifiques (effet de la féverole d’hiver sur la féverole d’hiver) plus faibles dans le cas où les rangs de féverole d’hiver seraient espacés de 29 cm que dans le cas où cet espacement serait de 58 cm. En effet, dans le premier cas la densité de féverole d’hiver sur le rang serait de 3.5 plantes par mètre linéaire contre 7 plantes par mètre linéaire dans le second cas.

Par conséquent, nous pensons qu’il est important de réaliser un travail spécifique sur l’évaluation des densités et de l’agencement spatial des associations blé dur – féverole d’hiver dans le but d’optimiser ces systèmes. Il est également important de considérer le levier variété de féverole d’hiver qui présente une forte variabilité dans les génotypes proposés au catalogue et notamment d’un point de vue de leur hauteur et de leur structure foliaire.

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