• Aucun résultat trouvé

Le phénomène de percolation est associé à la transition d’un état vers un autre. La théorie est fondée sur les propriétés statistiques des objets disposés dans un réseau régulier et désordonné. La percolation électrique traduit la transition d’un système isolant vers un système conducteur. Cette transition se produit à une concentration critique de particules pc, appelé seuil de percolation :

Pour des concentrations p < pc, les particules conductrices sont isolées et la conductivité du réseau est nulle.

 A p ≈ pc, l’amas percolant formé est de taille finie.

 Pour des concentrations p > pc, un amas percolant infini est formé à travers le réseau, reliant les sites des bords opposés.

La Figure 15 présente la formation de l’amas percolant en fonction de la concentration, représentée par les traits en gras.

Figure 15 : Schéma de la formation d'un amas percolant (en gras) dans un réseau de nœuds.

La conductivité globale du réseau augmente avec la concentration des particules conductrices et implique un transport à travers le réseau. Cependant, toutes les particules conductrices ne participent pas à la formation de l’amas percolant ; il existe toujours des particules isolées et des « bras morts » électriquement (des extrémités de l’amas qui se terminent dans une partie isolante du réseau, en gris dans la Figure 15). De ce fait, la conductivité globale mesurée est une somme de ces différentes contributions et reflète l’état de la dispersion des particules dans la matrice isolante.

Loi de Puissance I.3.1.1.

En pratique, aux concentrations p < pc, la conductivité électrique du composite n’est pas nulle mais est égale ou proche de celle de la matrice polymère isolante. Une augmentation drastique de la conductivité est observée au seuil de percolation. Kirkpatrick71 et Stauffer72 ont proposé une loi de puissance qui permet de décrire le phénomène de la percolation électrique:

26

𝜎𝑑𝑐= 𝜎0(𝑝 − 𝑝𝑐 )𝑡 (I-7)

Où σ0 désigne la conductivité d’un composite avec 100 % de particules, pc désigne la concentration critique et t est un paramètre relié uniquement à la dimensionnalité du système étudié. Pour un système en trois dimensions, t est compris entre 1,6 et 2.

La forme des objets est un élément important dans la percolation électrique. Pour un objet sphérique, Scher et Zallen73 montrent que le seuil de percolation théorique est de 15%vol. La théorie du volume exclu de Balberg et Binenbaum74 tient compte également de la forme des objets. Le volume exclu d’un objet est défini par l’espace impénétrable autour de cet objet (dans lequel un autre objet identique ne peut s’insérer). Pour un objet anisotrope de forme allongé, l’étude montre que le seuil de percolation électrique peut être relié au facteur de forme f de l’objet. Dans un système de bâtonnets (L > d) dispersés de façon aléatoire dans une matrice isolante, Balberg établit une relation entre le facteur de forme et le seuil de percolation

𝑓. 𝑝𝑐 ≈ 0,7 (I-8)

Philipse75 propose une relation qui tient compte d’un regroupement, (cluster ou bundle), de bâtonnets pour le même type de système, impliquant une augmentation du diamètre et donc une diminution du facteur de forme apparent. La relation proposée est :

𝑓. 𝑝𝑐≈ 0.7 √𝑛 (I-9)

Où n est le nombre de fils enchevêtrés. La Figure 16 représente le seuil de percolation en fonction du facteur de forme pour ces relations, en prenant n = 3 et n = 20 pour le modèle de Philipse :

0 200 400 600 800 1000 0,1 1 10 100 pc (% vo lu mi qu e) Facteur de Forme f Modèle de Balberg Modèle de Philipse (n=3) Modèle de Philipse (n=20)

Figure 16 : Seuil de percolation théorique en fonction du facteur de forme (modèles de Balberg et Philipse).

Ces relations permettent de donner un ordre de grandeur du seuil de percolation théorique et ainsi d’estimer l’état de la dispersion des fils dans la matrice polymère par le biais du facteur de forme. Il

27 est également possible de trouver, dans des composites contenant des particules à haut facteur de forme, un système ségrégé dû à la formation d’agrégats76. Dans tous les cas, l’augmentation du facteur de forme diminue le seuil de percolation électrique. D’autres études ont également montré cette influence du facteur de forme sur le seuil de percolation77–80.

Modèles Alternatifs de la Percolation Électrique I.3.1.2.

Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire la percolation électrique. Ces modèles ont été établis en fonction de la géométrie du réseau percolant, à partir de la thermodynamique ou bien des simulations numériques basées sur ces hypothèses.

Les modélisations de la percolation sont généralement basées sur l’hypothèse qu’une percolation géométrique, où il y a un contact physique entre les particules qui forment l’amas percolant, équivaut à une percolation électrique (basée sur la théorie du volume exclu, où chaque particule est impénétrable). Berhan et Sastry81 ont montré que cela n’était pas systématiquement vrai en considérant chaque particule comme étant pénétrable, avec un cœur (core) et une enveloppe (shell) dont l’épaisseur est liée à la distance de tunneling. La condition de percolation dépend alors de la formation d’un amas percolant qui permet le déplacement par tunneling des porteurs de charge à travers une barrière isolante (qui peut se produire à une concentration inférieure à la formation d’un amas purement géométrique).

Le modèle thermodynamique de Sumita et al. est fondé sur l’énergie libre du mélange polymère-particules conductrices82,83. L’hypothèse est la formation d’un réseau percolant à partir d’une valeur d’énergie libre interfaciale critique, indépendante des composants du système étudié. Ce modèle souligne également l’importance des interfaces polymère-particules ; la séparation des différentes phases dans le composite permet de mieux répartir les différents éléments et donc de favoriser la percolation. Il permet également de prédire une valeur théorique du seuil de percolation en fonction de l’énergie libre des différents constituants du composite. Les prédictions obtenues de façon théorique sont en accord avec les résultats expérimentaux des composites polymère-noir de carbone84.

D’autres modèles85,86 ont été proposés pour décrire la percolation dans le cas où les composants sont pré-mélangés (généralement sous forme de poudre) avant d’être mis en forme et ont pour paramètres principaux la géométrie des constituants des composites (taille de grains du polymère, diamètre les particules conductrices). Dans la plupart des cas, ces poudres sont mises en forme par frittage, entraînant une modification et une homogénéisation de la taille des particules de polymère et/ou les particules conductrices. Bhattacharya et al.87 ont amélioré ces modèles qui permettent de déterminer le seuil de percolation volumique et la limite supérieure de la zone de transition. Ces modèles peuvent difficilement être appliqués aux systèmes mis en œuvre par voie solvant ou fondu. Une publication récente de Ambrosetti et Balberg88 permet d’analyser de façon continue le comportement en-dessous et au-dessus du seuil de percolation en tenant compte de la forme des particules conductrices ainsi que le transport par tunneling entre les particules conductrices dans le

28

composite. Les calculs théoriques présentent un bon accord avec résultats expérimentaux pour des composites chargés avec des nanotubes, nanofibres et nanosphères de carbone.