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2. Résultats de l’analyse

2.5 La perception des parents réfugiés du système scolaire québécois

2.5.2 Perceptions et stratégies des parents

Bien que l’importance de l’éducation soit soulignée dans toutes les entrevues, il est à noter que les répondants ne mentionnent pas toujours de relations entre les parents et l’école, ou de perceptions de cette dernière; les entrevues portant d’abord et avant tout sur le parcours pré et post-migratoire des réfugiés, l’école n’occupe pas nécessairement la majeure partie des récits. De plus, certaines familles n’étant établies au Québec que depuis six mois au moment de leur entrevue, le stress des premiers mois, et dans certains cas, le manque de connaissance du français ont pu rendre plus laborieuses les occasions de rencontres entre les parents et l’école. Cela ne signifie pas pour autant que les répondants ne voient pas d’aspects positifs ou négatifs au système scolaire, qu’ils comparent souvent à celui du pays d’accueil ou du pays transitoire. Dans les entrevues effectuées, les thèmes des rapports d’autorité et du degré de liberté des jeunes ressortent comme étant des sources de divergences entre la culture de l’éducation d’ici et d’ailleurs.

Au niveau de l’enseignement, la différence est grande avec l’Irak et la Syrie. Ici, les élèves sont rois, ils dominent l’école. En Irak, le professeur a sa place et il est respecté : quand il donne un devoir, tu te sens obligé de le faire. Ici, les élèves passent tout leur temps sur Internet à s’amuser avec des jeux; il n’y a pas de discipline. (HS1, mère de 42 ans)

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L’unique problème est qu’ici il y a plus de libertés pour les jeunes, c’est dans ce côté-là qu’il faut serrer un peu plus, car les enfants arrivent chaque jour en disant mes amis ont fait ça, que j’ai entendu ça, que j’ai vu ça. Il faut leur expliquer qu’ici ce n’est pas notre culture, qu’il ne faut pas se laisser aller pour suivre les amis. Nous sommes ici surtout pour étudier pour mieux nous en sortir, il faut avoir un dialogue constant avec les enfants dans ce sens. (CH1, mère de 32 ans)

Par ailleurs, le soutien des parents à la réussite scolaire des enfants, qui peut se manifester notamment par leur disponibilité pour leur enfant et par un discours positif quant à l’éducation, ainsi que la collaboration école-famille, peuvent promouvoir la résilience scolaire (Gosselin- Gagné 2012). Ces éléments peuvent être retrouvés autant chez des parents instruits que chez ceux qui sont peu scolarisés (Kanouté et al. 2008). Quelques entrevues montrent d’ailleurs que les parents exercent une certaine pression pour que leurs enfants aillent à l’école, qu’ils réussissent.

Je suis toujours attentive à mes enfants, j’appelle à l’école fréquemment pour savoir s’ils sont toujours là, parce qu’ici c’est la coutume que des fois les enfants s’échappent de l’école. J’autorise les professeurs à m’appeler immédiatement s’ils ne sont pas là. (CH1, mère de 32 ans)

Cette situation a également été documentée dans une étude où des enseignants parlent « de pression, de surenchère à la réussite », et où des parents immigrants d’un niveau de scolarité postsecondaire se démarquent par une vigilance plus soutenue par rapport au niveau de réussite scolaire de leurs enfants (Kanouté et Lafortune 2011). En formulant des revendications d’efficacité des apprentissages scolaires et en interrogeant les méthodes d’enseignement et la qualité de la formation des enseignants, les parents interpellent tout potentiel de menace à la réussite scolaire, une manière de faire face aux multiples défis de mobilité sociale relatifs à leur situation de groupe social minoritaire (Steele 1997, cité dans Kanouté et Lafortune 2011). Un exemple a d’ailleurs été amené par les intervenants du CMQ : chez certaines familles, les parents ont parfois plus d’heures de francisation que leurs enfants, et progressent plus vite que ces derniers dans l’apprentissage du français; ainsi, certains réclament plus de francisation pour leurs enfants.

Par ailleurs, bien que les parents répondants de notre analyse ne soient pas tous scolarisés, on remarque diverses stratégies facilitant l’accomplissement scolaire de leurs enfants. Une des stratégies familiales remarquée notamment dans deux entrevues – dont les chefs de familles sont des mères monoparentales – est la pleine concentration des enfants à leurs études, pendant que les mères se démènent pour répondre à tous leurs besoins, sans demander aux enfants de les aider. Les enfants des familles de EF et de CH1 performent d’ailleurs tous très bien à l’école. Le parcours scolaire de EF en est un de réussite scolaire particulièrement fort; deux ans après son arrivée au Québec et le début de sa formation générale aux adultes, elle est admise au CEGEP en sciences infirmières.

Parfois on l’aide [notre mère], mais pour nous il est un peu difficile de l’aider à cause de l’école; comme on n’a pas fait l’école pendant cinq ans, il faut en profiter maintenant. On finit l’école vers 16 heures et on part à la bibliothèque et on revient à la maison vers 21 ou 22 heures. On ne l’aide pas vraiment. (EF, jeune fille de 20 ans)

Lorsque je parle avec mes enfants, je leur dis de profiter du fait, que nous sommes ici, qu’ils doivent étudier parce que la situation pour moi a été vraiment difficile. […] Mais c’est dur d'être seule, je fais tout je ne demande pas aux enfants d’aller me chercher quoi que ce soit, toujours c’est moi. (CH1, mère de 32 ans)

2.6. Les relations avec les pairs: xénophobie et amitiés à l’école et à l’extérieur