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Perception de la maladie mentale auprès du personnel travaillant en EHPAD

C. Sociologie de la maladie mentale

III. Perception de la maladie mentale auprès du personnel travaillant en EHPAD

travaillant en EHPAD.

Peu d’études se sont intéressées aux représentations de la maladie mentale auprès du personnel travaillant en EHPAD (Clesse et al. 2016). Les études, mémoires et thèses réalisées sont qualitatives. Il est cependant admis que le personnel a une représentation assez similaire à la population générale (Ethique et norme en psychiatrie et santé mentale, Grenouilloux 2011).

Les statistiques montrent que, depuis plusieurs années, les EHPAD ont accueilli de plus en plus de personnes souffrant de pathologie psychique probablement en lien avec l’augmentation de l’espérance de vie de cette population (Des conditions de travail en EHPAD vécues comme difficiles par des personnels très engagés, dossier DREES 2016). Cette population qui n’était pas habituelle a ainsi obligé les EHPAD à s’adapter et à trouver de nouvelles façons de travailler.

On assiste également à un décalage entre la représentation générale dans la population française qui aurait une mauvaise image des EHPAD pour 49% et les résidents vivant en ces lieux qui estimeraient "bien" ou "plutôt bien" y vivre (Qualité de vie en Ehpad (volet 3) La vie sociale des résidents en Ehpad, document HAS Vincent Caradec).

Un des thèmes souvent abordés est le manque de personnel et son manque de qualification pour accompagner la personne souffrant de troubles psychiques (Marc Fernandes 2008). Le second thème est la difficulté de communication avec le résident. Le troisième thème est la particularité d’avoir certaines compétences comme l’énergie, le recul, l’investissement moral,

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l’inventivité la patience, et l’écoute. Certains thèmes restent assez centraux avec l’idée d’une certaine imprévisibilité du résident.

De façon paradoxale, bien que les soignants soient en demande de formation en lien avec la santé mentale, une part majoritaire d’entre eux ne souhaiterait pas accueillir des résidents souffrant de trouble psychique et ne souhaiterait pas travailler dans une institution en lien avec la santé mentale (Marc Fernandes 2008). Une des explications possibles provient du sentiment d’avoir un besoin plus important de surveiller les résidents souffrant de pathologie psychique avec un plus grand risque de fugue et de violence verbale ou physique. Une autre explication provient d’un phénomène de stigmatisation envers cette population.

De même, on rencontre une certaine lassitude des soignants dans les prises en charge de ces résidents avec un sentiment d’insatisfaction puisqu’il ne s’agit plus de guérir ou d’abonder dans le sens de l’autonomie du résident mais de les stabiliser.

Il demeure aussi un sentiment d’abandon dans un contexte institutionnel où les soignants se sentent quelque peu démunis dans l’accompagnement de leurs résidents. Qu’il s’agisse d’un manque de moyen ou d’un manque de partenaire de tout bord (sanitaire, social), les soignants décrivent le sentiment d’avoir à « pallier les trous ». Ce sentiment d’abandon est principalement décrit avec les secteurs de psychiatrie où un manque de coopération semble important sur le territoire national (Plan Psychiatrie et Santé Mentale 2011-2015 ; Réduire la stigmatisation et la discrimination envers les personnes âgées souffrant de troubles mentaux 2002). Il ressort dans ce contexte un refus de certains EHPAD d’admettre des personnes clairement identifiées comme usagères régulières de soin psychiatrique au regard du risque de déviance comportementale que cette admission engendrerait.

Les représentations propres à la psychiatrie sont illustrées par trois mots récurrents : dépression, folie et démence. La démence est ainsi assimilée à la psychiatrie chez une part

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non négligeable de soignants (Marc Fernandes 2008). La limite entre neurologie et psychiatrie est plus poreuse à mesure où la personne âgée vieillit.

Ces soignants semblent également avoir une vision pessimiste de guérison chez les personnes souffrant de trouble psychique. Mais paradoxalement, les soignants reconnaissent l’action thérapeutique de soulagement et de sécurité qu’il y a à admettre ces personnes en maison de retraite et se disent prêts à donner de leur temps pour les aider (Marc Fernandes 2008).

Ils reconnaissent une certaine peur vis-à-vis des résidents en lien avec l’imprévisibilité de leur comportement et souhaiteraient que ceux-ci soient réorientés vers des structures plus adaptées. Ils décrivent un sentiment de « patate chaude » quand ces résidents issus de la psychiatrie arrivent en EHPAD. Cette peur des résidents illustre un manque de qualité de soin dans l’institution (manque de temps, de personnel, de structure adaptée) (Marc Fernandes 2008).

Certains directeurs d’EHPAD vont même jusqu’à affirmer que les résidents venant d’hôpitaux psychiatriques n’ont rien à faire dans leurs établissements : « La psychiatrie et la maison de

retraite sont deux mondes différents qui n’ont pas à coexister » (Spécificités de l’accueil psychiatrique en EHPAD, Adeline Godard 2018).

Jarry Claudy, président de la Fédération Nationale des Associations de Directeurs d’Etablissements et services pour Personnes Agées (FNADEPA) rapporte dans une autre formulation : « Il ne faut pas se leurrer. Les EHPAD sont beaucoup moins coûteux que

l’hospitalisation. On cherche des solutions hors- psychiatrie, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la psychiatrie » et de rajouter « On en a terminé avec les politiques stigmatisantes et sectorielles. A tous les niveaux, on assiste à des formes avancées d’intégration : les enfants handicapés à l’école, les crèches intergénérationnelles... Cela relève de la même recherche de "normalité" ». Une question revient fréquemment : la peur des comportements violents

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chez les résidents souffrant de trouble psychique. Ce risque est fréquemment associé chez les usagers de psychiatrie avec un caractère imprévisible comme si à tout moment le soignant prenait un risque dès lors qu’ « un malade mental peut à tout moment devenir violent ».

Cette peur du "fou" reste encore très présente dans le discours de ces soignants. Ils parlent souvent en des termes anciens en référence à la psychiatrie « d’enfermement » « d’asile »… Il existe une différence entre des résidents dits « normaux » et ceux « anormaux ».

IV.

Enquête réalisée sur les représentations sociales de la

maladie mentale dans le département du Nord auprès de 7

EHPAD.