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1 Chapitre : Du paysage acoustique au bruit rayonné par les navires

1.3 Le paysage acoustique

Le monitorage par acoustique passive permet d’étudier le paysage acoustique. Celui-ci varie dans le temps et l’espace [Lobel_2010, Erbe_2015, Guan_2015] et est défini par l’ensemble de sources sonores présentes à un instant et un emplacement donné [Pijanoski_2011]. Les sources sonores peuvent être classées en 3 catégories : la géophonie qui regroupe les sons produits par les conditions météorologiques et les évènements géophysiques, la biophonie qui représente les sons provenant de l’activité biologique et l’anthropophonie qui correspond aux sons produits par l’activité humaine.

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Figure 2 : Les différentes composantes du paysage acoustique

1.3.1 La géophonie

Le terme de géophonie désigne l’ensemble des sons produits par des phénomènes physiques naturels [Krause_1987]. Dans le cadre de l’acoustique sous-marine, ces phénomènes font référence aux phénomènes météorologiques, aux phénomènes sismiques et dans les régions polaires, aux phénomènes liées à l’évolution de la banquise. Les contributeurs principaux à la géophonie sont les phénomènes météorologiques et plus particulièrement la présence de vent. En effet, l’état de mer (définit par le niveau de vent selon l’échelle de Beaufort est lié à la taille des vagues) est l’élément le plus influent de la géophonie sur le paysage acoustique dans la bande 500 Hz à 10kHz [Ma_2005, Mathias_2016]. De plus, pour des milieux en petit fond, le vent a une influence importante sur le paysage acoustique de 10 à 100 Hz [Wenz_1962]. Le bruit induit par les précipitations et les vagues se retrouve dans la bande de fréquences de 0 à 100 kHz [Ma_2005, Demoulin_2010, Erbe_2014]. Les sons d’origines sismiques dues aux séismes et aux éruptions volcaniques sous-marines apportent leur contribution au paysage acoustique dans les basses-fréquences de 0 à 100 Hz [Wenz_1962]. Le paysage acoustique des zones polaires est fortement marqué par les phénomènes liés à la banquise ; sous l’action du vent et de l’élévation des températures, des fissures apparaissent dans la glace. Acoustiquement, ces craquements se traduisent par la production variée de bruits dans la bande de 10 Hz à 10 kHz : bruits impulsionnels, bruits large bande et modulation de fréquence [Kinda_2013b, Kinda_2015]. La Figure 5 synthétise l’ensemble de ces informations. Une modélisation du bruit ambiant en fonction de l’état de mer est réalisée par [Wenz_1962]. Le bruit ambiant est alors défini au-dessus de 200 Hz et présente un maximum pour une fréquence de 500 Hz suivi d’une décroissance logarithmique en fonction de la fréquence. Les courbes de bruit ambiant sont présentes sur la Figure 5 (page 16) ainsi que les observations basses fréquences réalisées par [Cato_2008] en Australie.

1.3.2 La biophonie

L’activité biophonique est due aux productions sonores volontaires et involontaires des organismes biologiques : les mammifères marins, les poissons et la population benthique.

Les mammifères marins émettent volontairement deux types de productions sonores : des impulsions, appelées clics d’écholocation et des modulations de fréquence appelées sifflements, vocalises, chants, etc. Les impulsions sonores sont exclusivement émises par les odontocètes. Les clics d’écholocation correspondent à des bruits large bande de très courte durée dont la fréquence centrale et la durée

dépendent de l’espèce observée variant temporellement de 50 µs pour les Bélougas [Au_1985] à 10 ms pour les Cachalots [Madsen_2002] et fréquentiellement de 15 kHz pour le Cachalot [Madsen_2002] à 140 kHz pour le Marsouin Commun [Au_1993]. A l’image du sonar, les bruits impulsionnels permettent d’identifier la distance entre l’émetteur et un récepteur réfléchissant l’onde sonore. L’émission des clics permet alors aux mammifères marins de se repérer dans la colonne d’eau, d’identifier les obstacles et de chasser leurs proies mais aussi pour certaines espèces de communiquer entre les différents individus [Clausen_2011]. Des modulations de fréquence sont produites par la plupart des cétacés. Ces bruits permettent la communication entre différents individus. Les caractéristiques des modulations, durées, largeur de bande et fréquences centrale dépendent de l’espèce considérée et de son activité (Figure 3). La durée des modulations varie de 0,01 à 2 secondes chez les odontocètes et de 0,02 à 10 secondes chez les mysticètes. D’un point de vue fréquentiel, les modulations varient de 10 Hz pour la baleine bleue à plus de 20 kHz pour les Dauphins [Mellinger_2007].

Figure 3 : Gamme de fréquence des vocalises de mysticètes et des sifflements d’odontocètes. Source [LeBot_a_2015]

Les poissons contribuent eux aussi à la production sonore composant la biophonie. Plus de 700 espèces sonifères de poissons ont été recensées [Luczkovich_2008]. Cette production peut être volontaire, liée à la défense du territoire, à la communication, à la reproduction ou la sélection de leur habitat [Bas_1990], ou encore involontaire liée à l’alimentation. Ces sons sont émis par différents mécanismes de vibration et de stridulation tels que les vibrations musculaires de leur vessie natatoire, de leurs tendons ou de l’ensemble de leur corps, des stridulations de dents, du squelette et des épines des nageoires pectorales ou dorsales [Ladich_2014]. Ces bruits se retrouvent principalement dans la bande de fréquence de 100 Hz à 1,4kHz et prennent différentes formes. Certaines espèces de poissons telles que la vipère des mer Nérophis ophidion produisent une série de 10 à 40 impulsions rythmées suite à la contraction de la vessie natatoire [Parmentier_2010]. D’autres espèces, telles que le poisson crapaud, produisent des modulations de fréquence avec présence de nombreux « pseudo-harmoniques » [Amorim_2006, Di lorio_2018].

Le benthos est composé des différents organismes biologiques vivant sur le fond de l’océan. Parmi cette population benthique certains produisent involontairement des sons lors de leurs déplacements,

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leur alimentation, leur respiration comme les crustacés, les mollusques et les échinodermes. La crevette claqueuse est le principal contributeur de la biophonie dans les milieux côtiers de petit fond des eaux tempérées [Cato_1992]. L’ouverture rapide d’une de leur pince hypertrophiée crée une bulle d’air qui à la fermeture de leur pince éclate en provoquant un bruit impulsionnel allant jusqu’à 100 kHz [Schmitz_2002].

Figure 4 : Spectrogramme de vocalises et clics de cétacés (à gauche), d’émissions réalisées par des poissons (au centre) et de clics benthiques (à droite)

1.3.3 L’anthropophonie

Les bruits qualifiés d’anthropophoniques correspondent au bruit généré par l’homme. Ces bruits sont produits par différents types d’activités telles que la navigation et l’off-shore. Cette activité anthropophonique peut être divisée en deux catégories : les bruits impulsionnels et les bruits continus. Parmi les bruits impulsionnels figurent entre autres les émissions produites par les sonars et sondeurs de bateaux, les bruits d’explosions sous-marines, l’émission d’air guns lors de la prospection sismique et les bruits de battage de pieux lors de la construction de parcs d’éoliennes offshores. Le bruit continu fait référence au bruit rayonné par les bateaux de surface et les sous-marins, les hydroliennes et éoliennes. La Table 1 présente les niveaux associés à différents types de source.

Table 1 : Caractéristique de sources anthropiques avec Omni : omnidirectionnel ; CW : bruit continus ; V : vertical ; H : horizontal ; 10 000 lb = 4536 kg; 98 lb = 44 kg extrait de [Hildebrand_2009]

Le principal contributeur du bruit anthropophonique reste toutefois le bruit rayonné par les bateaux. Depuis les années 1970, l’augmentation du trafic maritime a provoqué dans certaines zones, une augmentation du bruit ambiant de plus de 10 dB dans la bande 25-40 Hz [Andrew_2002, Kinda_2013]. [Wenz_1962] propose une modélisation du bruit ambiant lié au trafic maritime en fonction d’un indice

de trafic et du type de zone étudiée (petit ou grand fond) [Figure 5]. Les courbures présentent une décroissance logarithmique en fonction de la fréquence.