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dans Les pays à faibLe revenu

Dans le document OBSERVATOIRE DE L’ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE (Page 33-36)

Émilie Debels-Lamblin, Camille Fabre et Luc Jacolin

N.B. Les auteurs remercient vivement Laurent Paul (DEVCO, Commission européenne) pour sa relecture et Thibault Lemaire pour le traitement des données et des illustrations.

1 50 % des pays à faible revenu étaient en risque élevé de surendettement à l’orée de la pandémie, selon le Fonds monétaire inter national (FMI).

2 Selon Ouattara et Strobl (2013) cependant, les ouragans dans les États des Caraïbes engendreraient à court terme une hausse du déficit budgétaire, mais n’auraient pas d’effet sur la dette. Il convient de noter, par ailleurs, que l’effet direct des désastres naturels sur la dette est difficile à établir en raison de la multi plicité des facteurs la déterminant (contexte politique, choc exogène, investissements structurels, mais aussi ses annulations occasionnelles).

De même, Munevar (2018) explique que la vulnéra-bilité des économies caribéennes face aux ouragans est renforcée par leur forte spécialisation et par leur dépendance à l’exportation des ressources naturelles.

La durabilité de la hausse de la dette publique est fortement variable selon les pays, notamment en fonction de leurs marges de manœuvre budgétaires.

Si la solidarité inter nationale peut permettre de prendre en charge une partie du choc initial sur les finances publiques, la rapidité du rétablissement des équilibres budgétaires est limitée dans les PFR par de faibles capacités de mobilisation des ressources fiscales (16 % du PIB), ainsi que par une faible capacité à auto financer l’investissement public (reconstruction, investissements en infra structures plus résilientes, etc.). La nécessité de recourir à l’endettement extérieur pour financer les dépenses de reconstruction renforce et prolonge, dans ces pays, l’impact des désastres naturels sur la dette publique (Cochrane, 1994). À l’inverse, les États vulné-rables mettant en place des règles fiscales permettant d’anti ciper et de lisser les effets budgétaires des désastres naturels parviennent davantage à limiter les effets de ces derniers sur leur trajectoire d’endettement, assurant ainsi la soutenabilité de leur dette (Nakatani, 2019).

La durée de l’impact des désastres naturels sur la dette dépend principalement de leur intensité. Les désastres naturels de faible intensité exercent ainsi sur l’évolution de l’endettement (ratio « dette publique / PIB ») un impact limité à l’année de survenue du choc (cf. graphique). Cet impact apparaît de surcroît fortement hétérogène d’un pays à l’autre, en fonction notamment du cycle écono-mique, des marges de manœuvre budgétaires existantes et des soutiens inter nationaux. Les désastres de grande ampleur sont associés à une accélération sensiblement plus marquée et plus durable du taux d’endettement (là encore avec une forte hétérogénéité entre pays). Selon les prévisions du FMI, le taux d’endettement des pays à faible revenu ou inter médiaire (PFRI) s’accroîtrait de 16 points en 2020, soit à un rythme particulièrement élevé, reflétant le caractère exceptionnel et systémique de la crise sanitaire (cf. encadré infra).

La pression exercée sur la dette publique par les catas‑

trophes naturelles peut de plus déboucher sur une hausse du coût de la dette publique. L’augmentation de la prime de risque reflète l’impossibilité de mobiliser rapidement l’épargne nationale dans des contextes de

détérioration rapide des équilibres externes (effondrement des exportations, sorties de capitaux, épuisement rapide des réserves). Buhr et al. (2018) estiment que le coût de la dette des États vulnérables aux aléas climatiques 3 a augmenté de 117 points de base entre 2007 et 2016.

Selon les auteurs, le renchérissement de la dette devrait représenter entre 146 et 168 milliards de dollars dans la prochaine décennie. La montée du risque de surendet-tement qui en résulte peut également se traduire par la dégradation de la notation de ces États, limitant de fait l’appétit des investisseurs et accroissant la probabilité de défaut souverain (Klomp, 2015 et 2017).

La solidarité inter nationale permet de réduire le recours à l’endettement, et donc les crises de liquidité, de solvabilité, et leur propagation Les réponses aux catastrophes naturelles récentes 4 ont contribué à structurer des outils de gestion Effet d’un désastre naturel sur le taux d’endettement dans les pays à revenu faible ou inter médiaire

(en %)

précédentes Année t 2 années

suivantes 2 années

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de grande ampleur Note : Les désastres naturels de grande ampleur sont les 30 % des sécheresses, inondations et tempêtes ayant eu l’impact le plus important s’agissant de la population affectée, dans les pays à faible revenu ou inter médiaire (128 pays) sur la période 1980‑2018. La notion de population affectée correspond aux personnes blessées, ayant perdu leur logement ou ayant besoin d’assistance immédiate. L’année « t » est l’année de survenance de la catastrophe naturelle.

Sources : Cred (EM‑DAT), FMI (World Economic Outlook, avril 2020), calculs Banque de France.

3 Les auteurs ont sélectionné les  48 États membres  (mars  2018) des Vulnerable Twenty (V20), groupe qui est né lors du Climate Vulnerable Forum en 2015 au Costa Rica et qui comptait initialement 20 États membres.

4 La catégorisation de l’épidémie de Covid‑19 comme catastrophe naturelle peut avoir des conséquences juridiques (assurance, clauses contra ctuelles) indépendantes de l’engagement des facilités multi latérales dédiées.

de crise. Ainsi, les facilités d’urgence à conditionna-lités (facilités de crédit rapides) du Fonds monétaire inter national (FMI) à destination des pays émergents et en développement ont pu être associées aux facilités concessionnelles de cette même institution 5. Ces facilités ont notamment été utilisées lors de l’ouragan Mitch (1998), du tremblement de terre à Haïti (2010), de la sécheresse dans la Corne de l’Afrique (2011), mais aussi lors de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest (2014-2015).

En outre, le Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes 6 (ARC – Catastrophe Containment and Relief Trust, CCRT) du FMI, un instrument d’allège-ment de la dette (en flux ou en stock) créé en 2015 en réaction à cette épidémie, a notamment permis d’at-tribuer 100 millions de dollars aux trois pays les plus atteints (Guinée, Libéria et Sierra Leone).

Les fonds concessionnels des banques multi ‑ latérales de développement contribuent à desserrer les contra intes financières. Le fonds de l’Associa-tion inter nal’Associa-tionale de développement (AID, affiliée à la Banque mondiale), qui a pour vocation d’aider les pays les plus pauvres en accordant des prêts concessionnels ou des dons aux pays menacés de surendettement, a par exemple permis de financer le plan de réponse à la sécheresse dans la Corne de l’Afrique pour un montant proche de 2 milliards de dollars, ou encore d’assister les États touchés par Ebola en 2014 pour près de 1 milliard de dollars 7. Au niveau régional, la Banque africaine de développement (BAfD) est également inter venue lors de ces deux crises (sécheresse 2011 et Ebola 2014-2015) en fournissant une aide, généralement de moyen terme, finançant des projets de résilience pour respectivement 300 et 52 millions de dollars. Des facilités spécifiques aux désastres naturels ont en outre été créées, à l’instar du mécanisme de financement

d’urgence en cas de pandémie (Pandemic Emergency Financing Facility), créé en 2016 par la Banque mondiale en réponse à l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest.

Des moratoires ou des restructurations de la dette ont pu compléter ce dispositif, selon la gravité des crises.

Le Club de Paris a notamment accordé un moratoire sur la dette et le service de la dette pour les pays impactés par le tsunami en 2004. De telles initiatives peuvent être lancées par des créanciers publics bilatéraux (la France via le Club de Paris après l’ouragan Mitch, par exemple), multi latéraux (la Banque mondiale à la suite d’Ebola 8), mais aussi par des créanciers privés.

La réponse multi latérale à la crise de la Covid‑19 s’inscrit pleinement dans la lignée des réponses aux catastrophes naturelles dans les PFR (cf. encadré infra) et pourrait contribuer à limiter l’effet de la crise sur la dette publique de ces pays.

Contra irement aux catastrophes naturelles passées, la crise actuelle revêt un caractère systémique. Le coût économique de la crise pour les PFR provient à ce stade avant tout des effets de contagion inter -nationaux, rendus saillants par la vulnérabilité inter ne de ces pays. Les canaux de trans mission externes incluent la baisse des prix des matières premières et du volume du commerce inter national, une hausse des importations alimentaires et de santé, ainsi qu’une baisse des investissements directs étrangers (IDE) et des trans ferts des migrants 9.

Les coûts humains et économiques directs pour les PFR demeurent difficiles à estimer. La diffusion de la pandémie, qui apparaît faible et décalée, peut aussi bien refléter une moindre vulnérabilité des PFR, en particulier africains, à la Covid-19, que les faiblesses des systèmes sanitaires (tests, prise en charge des malades) et statistiques. La possibilité d’une diffusion fractionnée et de résurgences implique un suivi de long terme, comme le montrent les multi ples résurgences du virus Ebola (2014-2016 et 2019-2020).

Au total, la crise de la Covid‑19 devrait se traduire par une récession en 2020 de 3,0 % en Afrique subsaha‑

rienne ainsi qu’une augmentation de la dette publique de 5 points de PIB en un an (FMI, octobre 2020).

Ces prévisions sont à moduler selon la diffusion du virus, qui s’accélère en Afrique subsaharienne, et selon la

5 Notamment la facilité élargie de crédit (FEC), la facilité de crédit rapide (FCR), spécifiquement destinées aux pays à faible revenu, l’instrument de financement rapide (IFR), destiné aux autres pays, ou encore la facilité de crédit de confirmation (FCC), lors de chocs exogènes, dont les catastrophes naturelles.

6 Successeur du Post-Catastrophe Debt Relief Trust, utilisé notamment pour Haïti en 2010. https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/01/16/49/

Catastrophe-Containment-and-Relief-Trust

7 Face à l’épidémie Ebola, les aides inter nationales ont atteint au total pour 2014 et 2015 près de 19 % du PIB au Libéria, 10 % en Sierra Leone et 5 % en Guinée (d’après la Banque mondiale).

8 La Banque mondiale a accordé un allègement de dette de plus de 2 milliards de dollars aux trois pays les plus touchés par l’épidémie Ebola et leur a permis d’économiser près de 75 millions de dollars en remboursement au titre de leur dette entre 2015 et 2017.

9 https://covid19-economie.banque-france.fr/comprendre/

Inter national : Vers une chute historique des trans ferts des migrants suite à la pandémie de COVID-19 ?

Encadré 1

Dans le document OBSERVATOIRE DE L’ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE (Page 33-36)