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Population d’étude

Cent vingt sept patients ont eu une HM dans le département de chirurgie oncologique de l’Institut Paoli Calmettes, de Janvier 2014 à Juin 2017. Les données pré-, per- et post-opératoires ont été recueillies à partir d’une base de données prospective et ont été analysées rétrospectivement; 111 des 127 patients n’ont pas requis de contrôle pédiculaire durant la chirurgie et formaient notre population d’étude.

Gestion préopératoire

Tous les patients étaient évalués par un scanner et une imagerie par résonnance magnétique, au maximum 1 mois avant la chirurgie. Le volume du FFR était calculé grâce à une volumétrie scannographique. Vingt cinq pour cent du foie fonctionnel total étaient considérés comme suffisants pour un foie sain et non stéatosique, 40% pour un foie stéatosique ou ayant reçu plusieurs cycles (>6) de chimiothérapie. Si le volume du FFR était insuffisant, une embolisation portale controlatérale était réalisée 4 semaines avant la chirurgie. En cas de cirrhose elle était affirmée par l’analyse histologique du spécimen et correspondait à un score Metavir16 F3 ou F4.

Gestion anesthésique peropératoire.

La PVC était mesurée systématiquement par un cathéter double voie, inséré dans la veine jugulaire interne. Grâce une perfusion limitée de solutés cristalloïdes (Ringer Lactate, 1 mL/kg/h), la phase de transection hépatique se déroulait avec une PVC basse (valeur maintenue en dessous de 5mm de mercure). La PAM était maintenue au dessus de 80 mm de mercure, si besoin à l’aide d’un soutien en amines vasopressives type néosynephrine ou noradrénaline. Une fois la transection terminée et l’hémostase acquise, la normovolémie était restaurée grâce à une expansion volémique rapide. Les patients avaient tous une rachi-analgésie et étaient surveillés en soins intensifs durant la phase postopératoire précoce (en moyenne 4 jours).

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Procédures chirurgicales

La chirurgie était réalisée par laparotomie, grâce à une incision en J selon Makuuchi, ou par laparoscopie. Une échographie peropératoire était toujours réalisée, afin d’identifier le nombre et le site des lésions, leurs relations avec les structures vasculaires et ainsi planifier le type de résection adaptée.

Une approche hilaire intra-fasciale permettait d’individualiser et ligaturer les éléments pédiculaires (artère hépatique et veine porte) vascularisant la partie du foie à réséquer. La phase de transection parenchymateuse était conduite à l’aide d’un dissecteur ultrasonique (Cavitron Ultrasonic Surgery Aspirator, CUSA™ ; Valley-Lab, Boulder, Colorado, USA). L’hémostase était effectuée à la pince bipolaire irriguée, les vaisseaux et canaux biliaires intra hépatiques étaient contrôlés par des ligatures ou des clips en titane. Les veines sus-hépatiques étaient contrôlées par agrafage mécanique. Une cholangiographie était systématiquement pratiquée pour s’assurer du respect de l’arbre biliaire restant et détecter une éventuelle fuite biliaire dans la tranche de section. De la colle biologique (Tissucol/Tisseel, Baxter Healthcare, Deerfield, IL) ou un patch de collagène avec facteurs de coagulation (Tachosil, Nycomed, Linz, Austria) étaient appliqués sur la tranche d’hépatectomie si besoin. Le drainage abdominal n’était pas systématique et laissé à l’appréciation du chirurgien.

IRA: critères diagnostiques, définition du grade, de la sévérité et récupération.

Notre recrutement était principalement constitué de patients non cirrhotiques : nous n’avons donc pas choisi la plus récente classification, établie par l’ « International Club of Ascites » (ICA)17 qui s’adresse aux patients avec une pathologie hépatique chronique sous jacente. L’IRA a été définie selon les recommandations d’experts par les critères KDIGO15

(Tableau 1). La créatininémie (Cr, μmol/L) pendant toute la durée d’hospitalisation et la diurèse (mL) pendant les 3 premiers jours postopératoires étaient répertoriées pour la classification. La Cr initiale a été définie comme la valeur minimale disponible dans les 3 mois précédant la chirurgie, incluant la valeur le jour de l’admission15.

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Tableau 1 : Définition de l’IRA et stades, selon KDIGO, dans les 7 premiers jours

postopératoires.

A l’admission (J-1), les patients étaient classés comme ayant une insuffisance rénale chronique si le débit de filtration glomérulaire était inférieur à 60 mL/min/1,73m2. Celui-ci était calculé par

l‘équation « Modification of Diet in Renal Disease »18 = 186Cr de base (en μmol/L) /88,4 -

1.154 âge-0.2031,212 (si le patient est Africain) 0.742 (si le patient est une femme). L’IRA

sévère, pour tracer un parallèle avec le sepsis sévère19 correspondait aux stades II et III. A la sortie de l’hôpital, la récupération de la fonction rénale était évaluée comme complète (augmentation de la créatininémie ≤50% par rapport à la créatininémie de base à l’admission), partielle (≥50% mais sans besoin de dialyse), ou absente (dialyse au moment de la sortie de l’hôpital alors que non nécessaire avant la chirurgie). La fonction rénale était donc évaluée à l’aide de la créatininémie antérieure, et en postopératoire par les valeurs d’urée et de créatininémie quotidiennes, ainsi que par la diurèse journalière jusqu’à la sortie des soins intensifs.

Autres critères étudiés

L’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle (IMC), la pathologie (i.e. métastase ou tumeur primitive), le type de parenchyme hépatique (i.e. normal, post chimiothérapie, ou cirrhose) et le type de chirurgie (HM, HM élargie, résection d’organe associée, geste vasculaire ou biliaire associés) étaient analysés. La durée de la chirurgie (minutes, min), la durée de l’hépatectomie (délai entre le début de la chirurgie et la fin de la transection parenchymateuse, min), la diurèse (mL), l’utilisation de drogues vasopressives, les transfusions sanguines, le volume de perfusion peropératoire (mL) et le ratio du volume par rapport au poids idéal et à la durée de la chirurgie (mL/kg/h) étaient également colligés. La morbidité était classée selon Clavien-Demartines- Dindo20. La fistule biliaire était définie par les critères de l’ « International Study Group of Liver

Surgery »21. L’insuffisance hépatique selon le « critère 50-50 » au 5ème jour postopératoire (TP>50% et Bilirubine >50 μmol/L)22 et selon le pic de bilirubine postopératoire (pic de bilirubine>119 μmol/L)23. Les enzymes hépatiques étaient analysés aux 1er (J1) 3ème (J3) et 5ème

Stade Créatininémie Diurèse 1 augmentation créatininémie ≥ 26,5 μmol/L

ou 1,5–1,9 fois la créatininémie initiale

< 0,5 mL/kg/h pendant 6–12 h

2 2,0–2,9 fois la créatininémie initiale < 0,5 mL/kg/h pendant ≥12 h

3 3,0 fois la créatininémie initiale ou créatininémie ≥354 μmol/L ou dialyse

< 0,3 mL/kg/h pendant ≥24 h ou anurie ≥12 h

6 (J5) jours postopératoires. La mortalité postopératoire était définie comme le décès durant l’hospitalisation et jusqu’au 90ème jour après la chirurgie. La durée de séjour en soins intensifs

(jours), à l’hôpital (jours) et la réadmission étaient aussi enregistrées.

Analyse statistique

Les données continues sont exprimées en médiane avec leurs extrêmes, et sont comparées à l’aide du t-test pour échantillon indépendant. Les variables catégoriques sont présentées en nombre avec le pourcentage et comparées par le teste du Khi2 ou le test exact de Fisher en fonction des effectifs. Une analyse multivariée était effectuée par une méthode de régression logistique binaire descendante. Toutes les variables prédictives de l’IRA dont la signification statistique était de 0,1 étaient incluses dans le modèle multivarié. Une signification statistique (p-

valeur) était définie si p<0,05. La date de point était le 1er septembre 2017. Toutes les analyses

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RESULTATS

Caractéristiques de la population.

L’âge médian des patients était de 66 ans (extrêmes 30-88 ans). Onze patients (10%) avaient une insuffisance rénale chronique avant la chirurgie. Une chimiothérapie précédait la chirurgie dans 87 cas (78%) et une embolisation portale était réalisée chez 55 patients (50%) (Tableau 2). L’hépatectomie droite était la plus fréquente des HM (48%) (Tableau 3).

n (%) ou *médiane [extrêmes], ASA, American Society of Anesthesiologists; IMC: indice de masse corporelle, IRC: insuffisance rénale chronique, CT : chimiothérapie

Tableau 2 : Caractéristiques démographiques et cliniques des 111 patients avant HM n (%)

Sexe Ratio Homme/femme 1/1

Age Age ≥75 66 [30-88]* 13 (12) ASA≥3 27 (24) IMC IMC ≥25 24 [14-42]* 52 (47) Diabète 13 (12) Tabac 30 (27) Bilirubinémie, μmol/L 10 [3-356]* Ictère 7 (6) Créatininémie, μmol/L 66 [26-194]* IRC 11 (10) CT préopératoire 87 (78) Embolisation portale 55 (50)

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n (%) Hépatectomie droite 53 (48)

Hépatectomie gauche 19 (17)

Hépatectomie droite élargie 28 (25)

Hépatectomie centrale 3 (3) Nombre de segments ≥6 4 [3-6]* 4 Procédures combinées Colo-rectale Vasculaire Biliaire 41 (37) 3 (3) 6 (5) 9 (8) Laparoscopie 6 (5) Carcinome hépatocellulaire 9 (8) Cholangiocarcinome 17 (15) Métastase(s) de cancer CR 66 (60) Marges chirurgicales R1 8 (7) Taille tumorale, cm 4 [0,7-16]*

Foie pathologique sous-jacent

Cirrhose NASH SOS 35 (32) 2 10 (9) 10 (9)

n (%) ou *médiane [extrêmes], CR : colo-rectal, NASH: Stéato-hépatite non alcoolique, SOS: syndrome d’obstruction des sinusoïdes

Tableau 3 : Procédures chirurgicales et anatomopathologie.

Insuffisance rénale aiguë : incidence

Vingt quatre patients (22%) présentaient une IRA postopératoire après HM: 15 patients (13%) de stade I, 4 patients (4%) de stade II et 5 patients (5%) de stade III. Le recours à la dialyse était nécessaire chez 3 patients (12,5% des IRA). Ainsi, 102 patients (92%) avaient au maximum une IRA stade I (groupe contrôle), et 9 patients (8%) une IRA de stade II ou III (groupe IRA sévère).

Une récupération complète de la fonction rénale était observée chez tous les patients ayant quitté l’hôpital : les patients avec une insuffisance rénale chronique préexistante avaient la même fonction rénale au décours de leur hospitalisation.

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Données opératoires et morbi-mortalité

La durée médiane de la chirurgie était de 340 minutes (180-935), avec une durée médiane

d’hépatectomie de 250 minutes. Les pertes sanguines médianes étaient de 500 mL (50-1500) : 9 patients ont eu une plaie de la veine cave ou des veines hépatiques entrainant une perte sanguine

majeure (>1000 mL). Le volume médian de perfusion de cristalloïdes était de 3000 mL (610- 9000) et un soutien aminergique était requis chez 46 patients (41%). Une transfusion peropératoire était nécessaire chez 11 patients (10%) et le nombre moyen de concentrés de globules rouges perfusés était de 2 (1-4) (Tableau 4).

n (%) ou *médiane [extrêmes], $ T-test, CGR : concentrés de globules rouges

Tableau 4 : Données peropératoires, en fonction de la survenue d’une IRA sévère. Tous les patients n=111 Groupe contrôle n=102 Groupe IRA sévère n=9 p

Durée d’hépatectomie, min 250 [110-356]* 250 320 0,002$

Durée opératoire, min 340 [180-935]* 340 420 0,011$

Pertes sanguines, mL 500 [50-1500]* 500 600 ns Volume de perfusion, mL 3000 [610-9000]* 3000 4000 0,049$ Volume ratio, mL/kg/h 8.6 (2-33) 8.6 11 ns Diurèse peropératoire, mL 400 [400-1850]* 457 350 ns Transfusion peropératoire Total CGR 11 (10) 2 [1-4]* 10 (10) 2 1 (11) 3 ns ns Amines vasopressives dont Noradrénaline 46 (41) 12 (11) 41 (40) 9 (9) 5 (55) 3 (33) ns ns

10 Le taux de complications majeures (Clavien-Dindo ≥ 3) et de mortalité étaient de 13% et 4,5% respectivement (Tableau 5). La durée médiane d’hospitalisation était de 10 jours (5-37 jours). Une insuffisance hépatique était notée chez 8 patients (7%) avec une issue fatale pour un seul patient. Sept patients (6%) ont dû être réadmis avant 90 jours.

Tous les patients n=111 Groupe contrôle n=102 Groupe IRA sévère n=9 p

Morbidité majeure (Clavien ≥3) 14 (13) 9 (9) 5 (55) 0,001£

Réopération 4 (4) 3 (3) 1 (11) ns Hémorragie post-opératoire 3 (2.7) 3 (3) 0 ns Insuffisance hépatique 8 (7) 5 (5) 3 (33) 0,017£ Ascite 4 (4) 3 (3) 1 (11) ns Fistule biliaire 7 (6) 6 (6) 1 (11) ns Sepsis 19 (17) 15 (15) 4 (44) ns Aminosides 6 (5) 4 (4) 2 (22) ns Transfusion 29 (26) 27 (26) 2 (22) ns

Séjour en USI, jours 4 [1-20]* 4 6 ns

Séjour hospitalier, jours 10 [5-72]* 10 12 ns

Réadmission dans les 90 jours 7 (6) 6 (6) 1 (11) ns

Mortalité à 90 jours 5 (5) 2 (2) 3 (33) 0,003£

n (%) ou *médiane [extrêmes], £ Khi2 ou test exact de Fisher, USI : unité de soins intensifs

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Impact et facteurs de risque de l’insuffisance rénale aiguë

Les caractéristiques démographiques et cliniques étaient identiques dans les 2 groupes excepté le fait que les patients avec une IRA sévère étaient plus âgés (p=0,023). Si on considère les données peropératoires, la durée d’hépatectomie (p=0,002) et la durée de la chirurgie (p=0,011) étaient supérieures dans le groupe IRA sévère ; l’expansion volémique était également supérieure dans ce groupe (p=0.049) mais cette différence s’annulait si l’on considérait le volume ratio. Les résultats de biologie sanguine montraient un taux plus élevé d’urée à J1 (p=0,005) et J3 (p=0,008), ainsi qu’un TP plus bas à J1 (p=0,001) et J3 (p=0,003). Les patients avec une IRA sévère avaient plus de complications majeures (p=0,001), dont la survenue d’une insuffisance hépatique (p=0,017), et un taux de mortalité postopératoire plus élevé (p=0,003). En analyse multivariée, la durée de l’hépatectomie (p=0,029, tableau 6) et le taux d’urée sanguine à J3 (p=0,006, valeur seuil : 6,75 mmol/L, figure 1) étaient des facteurs prédictifs indépendants d’IRA sévère. Univariée p Multivariée OR (IC 95%) p Age, années 0,023 ns

Durée d’hépatectomie, min 0,002 1,013 (1,001-1,024) 0,029

Durée opératoire, min 0,011 ns

Volume de perfusion, mL 0,049 ns

Diurèse peropératoire, mL 0,063 ns

Noradrénaline 0,056 ns

Temps de prothrombine J1 0,001 ns

Urée sanguine J1, mmol/L 0,005 ns

Urée sanguine J3, mmol/L 0,008 2,038 (1,231-3,371) 0,006

12 VPP : Valeur prédictive positive, VPN : valeur prédictive négative, FDR : taux de faux positifs, FOR : taux de faux négatifs

Figure 1 : Courbe ROC pour l’urée sanguine au 3eme jour postopératoire.

Urée J3 6,75 mmol/l Sensibilité 87% Spécificité 86 % VPP 35% FDR 65% VPN 99% FOR 1%

1-Spécificité

Sens

ib

ili

0.1

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

0.1

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

AUC= 0,905

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DISCUSSION

Notre étude a montré que l’IRA après HM avec hypovolémie contrôlée n’était pas rare (22%) et qu’elle augmentait significativement la morbi-mortalité postopératoire. L’IRA sévère était significativement plus fréquente chez les patients dont le temps de transection parenchymateuse était prolongé. Un taux d’urée sanguine supérieur à 6,75mmol/L au 3eme jour postopératoire semblait un facteur prédictif pertinent de survenue d’une IRA sévère.

Pertes sanguines, transfusion et durée opératoire

La transfusion sanguine24 et l’hémorragie post-opératoire25 sont des facteurs de risques « d’agression » rénale. Dans notre étude : a) les pertes sanguines moyennes (500mL) étaient comparables à celles rapportées dans plusieurs séries d’hépatectomies avec ou sans clampage pédiculaire (médiane variant de 370 à 610 mL)26,27 b) les taux de transfusion peropératoire (11%) et periopératoire (26%) étaient comparables à ceux rapportés dans deux séries d’HM avec clampage pédiculaire (13 et 36%)27,28 c) la durée opératoire n’était pas supérieure à celles rapportées aux cours des HM avec26,28,29 ou sans30 clampage pédiculaire. L’innocuité du clampage pédiculaire, fut-il intermittent, est de plus en plus débattue : Cho et al31 ont montré que l’utilisation de la manœuvre de Pringle et l’augmentation du temps opératoire étaient deux facteurs de risque indépendants d’ischémie sévère du foie, elle-même ayant un impact négatif sur la récidive tumorale et la survie à long terme. Notre étude montre qu’une HM sans clampage pédiculaire « total » n’augmente pas les pertes sanguines ou la durée opératoire ; elle suggère qu’elle réduit le risque d’insuffisance hépatique postopératoire.

Mécanismes de l’agression rénale lors d’une HM

L’impact de la PVC sur les pertes sanguines a récemment été discuté : Chhibber et al32 ont

montré l’absence de corrélation entre la PVC et les pertes sanguines au cours des hépatectomies chez le donneur vivant. Schroeder et al33 ont comparé dans une série de transplantations

hépatiques orthotopiques un groupe « PVC basse » (médiane 3 mm de mercure) à un groupe « PVC haute » (médiane 8 mm de mercure) ; le taux d’IRA, le recours à la dialyse et la mortalité à 30 jours étaient significativement supérieurs dans le groupe « PVC basse ».

14 Le choix de ne pas réaliser de clampage pédiculaire « total » et de se focaliser sur la restriction de la perfusion de cristalloïdes en peropératoire a pour conséquence une chute de la PAM, avec un recours aux drogues vasopressives. Une PAM entre 80 et 120mmHg est nécessaire pour fournir au rein un apport sanguin suffisant34. Lorsque la PAM chute en dessous de 80 mm de

mercure, le débit de filtration glomérulaire diminue significativement35, ce qui cause l’activation

du système vasoconstricteur (système Rénine-Angiotensine-Aldostérone et système nerveux sympathique) avec pour conséquence la vasoconstriction des vaisseaux afférents (possiblement aggravée par l’utilisation de drogues vasopressives). Cette vasoconstriction rénale entraine une chute de la pression de filtration dans le glomérule. A ce stade, il n’y a pas d’atteinte structurelle : l’IRA est fonctionnelle. En revanche, lorsque la diminution de perfusion se poursuit, cela va entrainer la nécrose et l’apoptose des cellules tubulaires qui vont venir précipiter dans la lumière du tubule, et l’obstruer : c’est la nécrose tubulaire aiguë (NTA). De plus, l’ultrafiltrat est réabsorbé par reflux dans les vaisseaux péri-tubulaires, et le débit de filtration glomérulaire s’effondre (Figure 2).

BAL: branche ascendante large de l’anse de Henlé, PGI2 : Prostaglandines I2, N0 : Oxyde nitrique

DFG : débit de filtration glomérulaire

15 La physiopathologie du syndrome hépato-rénal36 est sensiblement la même, avec une

hypovolémie intravasculaire qui entraine l’activation du système vasoconstricteur. Initialement il n’y a pas de changement histologique au niveau rénal et, si la fonction hépatique s’améliore rapidement, le rein récupère une fonction normale. Cette combinaison « d’agressions » rénales peut également être aggravée par le sepsis et l’utilisation d’aminosides, rapportés comme facteurs prédictifs indépendants25 d’IRA.

IRA : Incidence et facteurs de risque

Dans notre série, l’incidence de l’IRA était plus élevée (22%) que dans d’autres publications (de 12 à 18%)11–13,24,25,37. En revanche, le taux d’IRA sévère (stade II et III, 8%) était inférieur à celui récemment rapporté par Lim et al (18%)11. L’âge supérieur à 75 ans a été rapporté comme facteur prédictif de complications après HM38. Dans notre étude, l’âge était prédictif de l’IRA postopératoire en analyse univariée mais pas dans l’analyse multivariée.

Les pertes sanguines et l’étendue de la résection hépatiques sont les facteurs peropératoires les plus pertinents pour prédire une IRA postopératoire29,39. Dans notre série, la

durée de l’hépatectomie et non la durée totale de la chirurgie11 ou les pertes sanguines

peropératoires, était identifiée comme un facteur prédictif d’IRA. Il est probable qu’une restriction volémique prolongée, et l’usage concomitant de drogues vasopressives, augmentaient le risque d’IRA sévère. Le volume de perfusion total était significativement supérieur dans le groupe IRA sévère, mais le ratio du volume rapporté au poids théorique du patient et à la durée de la chirurgie n’était pas différent, ce qui accrédite l’hypothèse : plus l’hépatectomie se prolonge, plus sévère est l’hypovolémie.

Si la durée d’hépatectomie en est un facteur majeur de survenue d’une IRA postopératoire, la réalisation d’une HM par laparoscopie devrait augmenter le risque d’IRA tout au moins en début d’expérience. Cependant, l’abdomen « fermé » réduit sans doute les pertes hydriques ce qui pourrait contrebalancer l’augmentation du temps opératoire, d’autant plus que le différentiel de durée s’amenuise durant la courbe d’apprentissage. Nous continuons à évaluer de façon prospective l’incidence de l’IRA après HM et l’impact de la laparoscopie.

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Prédiction de l’IRA

Bredt et al25 ont montré qu’une élévation postopératoire du taux d’urée sanguine et de la créatininémie est associée à une diminution significative du débit de filtration glomérulaire et à l’apparition d’une IRA. L’urée sanguine est un test sanguin simple et accessible qui dépend du catabolisme des protéines mais peu de la masse musculaire proprement dite. Pour un diagnostic précoce d’IRA dans la période postopératoire, il ne dépend pas non plus de la fonction rénale de base, notamment de la valeur de la créatininémie. Dans notre étude il existe une bonne corrélation entre une urémie >6,75 mmol/L à J3 et la survenue d’une IRA sévère. La valeur de l’urée sanguine est plus performante pour la prédiction du risque de survenue d’une IRA sévère (Aire sous la courbe (AUC)= 0,905), que des modèles plus complexes comme ceux utilisés par Slamkamenac et al (AUC=0,8)24, Kambakanba et al (AUC=0,765)13 et Lim et al (AUC=0,72)11.

La valeur prédictive positive était faible (35%), probablement du fait de la faible prévalence de cette complication (8.1%) mais la valeur prédictive négative était proche de 100% : la valeur de l’urée sanguine à J3 permettrait donc d’exclure la survenue d’une IRA sévère de façon quasi certaine.

A l’heure de la médecine personnalisée, les biomarqueurs s’invitent également dans la détection précoce des agressions rénales, avant que ne se constituent les lésions tissulaires irréversibles. Ces biomarqueurs, urinaires ou plasmatiques, sont principalement des protéines synthétisées au niveau tubulaire tels que le Kidney Injury Molecule-1 (KIM-1)40 ou le Neutrophil Gelatinas Associated Lipocalin (NGAL)41. Cependant si leur impact sur la détection et le pronostic est largement étayé dans la littérature, leur utilisation dans la pratique quotidienne n’est pas encore d’actualité.

IRA : Impact et prévention

La forte corrélation entre le développement d’une IRA sévère et la mortalité à 90 jours (33%) souligne l’importance clinique de l’identification précoce des patients à haut risque. Cette étude a permis d’identifier deux axes de recherche pour réduire ou empêcher la survenue d’une IRA après HM : a) déterminer un seuil de durée d’hépatectomie au delà duquel la volémie doit être augmentée pour minimiser le risque de détérioration de la fonction rénale car le maintien d’une hypovolémie profonde pendant une HM dont la durée se prolonge doit être discuté ; b) s’il se confirme dans une étude multicentrique prospective que le taux d’urée sanguine à J3 est un marqueur prédictif d’IRA sévère, les patients qui présentent une élévation de l’urée sanguine à J3

17 devraient bénéficier d’une prise en charge néphrologique adaptée qui pourrait aller jusqu’à une dialyse précoce42 et ce même en dehors des critères classiques43. Ces mesures devraient permettre

de prévenir l’installation d’une IRA sévère et de ses complications à court terme (morbi-mortalité) et à long terme (risque élevé de dysfonction rénale dans les 3 ans)44.

CONCLUSION

A notre connaissance il s’agit de la plus large série évaluant l’IRA postopératoire après HM sans clampage pédiculaire. Nous pensons que l’IRA est un processus dynamique qui requiert une prévention et une identification précoce : le taux d’urée sanguine au 3eme jour postopératoire pourrait être utile, en ce sens, pour détecter les patients à risque d’IRA sévère.

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REFERENCES

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