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Chapitre VI Discussion

D. La patiente prise en charge

Comme nous l’avons déjà précisé, Mme L. a montré qu’elle manquait de confiance en ses capacités à plusieurs reprises, tenant des propos, lors des bilans et lors de certains exercices de

122 rééducation, tels que « Je n’y arriverai pas, c’est trop difficile… ». Or des recherches menées par la Fondation Mc Arthur ont montré que parmi les facteurs de vieillesse optimale, figurait en 5e position la personnalité du sujet. Il s’agirait plus précisément de « la perception de son efficacité personnelle ou confiance en soi (self-efficacity) ». Ce concept développé par Bandura (1995 in Lemaire 2005) pourrait être défini comme la croyance d’une personne en ses capacités à organiser et exécuter des actions. Selon lui, une croyance positive serait nécessaire à « un haut maintien de son intellect » au cours du vieillissement.

De cette façon, cette notion a la capacité d’influencer les fonctions cognitives du sujet. Nous avions noté lors de notre réentraînement que « par crainte d’oublier », Mme L. ne mettait pas en place de bonnes stratégies. Ce manque de confiance en elle l’a ainsi perturbée au cours de nos rendez-vous mais il est aussi possible qu’il soit un des facteurs pouvant expliquer son manque d’efficacité au cours de certaines épreuves comme le rappel de récit, l’évaluation de la mémoire de travail ou encore de l’évaluation de ses connaissances syntaxiques.

b) Effet de l’anxiété sur les performances

Au cours de nos bilans, et particulièrement le premier, Mme L. a manifesté de l’anxiété induite certainement par la situation d’examen. Par ailleurs, dans notre questionnaire, elle a aussi précisé qu’elle pouvait se montrer plus anxieuse depuis le début de sa surdité. Nous avons donc entrepris des recherches afin d’en mesurer l’éventuel impact sur sa mémoire de travail, recherches qui se sont avérées fructueuses. En effet, des recherches menées par Klein et Bloas (2001 in Aubin et coll., 2007) ont montré qu’elle pouvait altérer les performances de mémoire de travail. Plus précisément, selon eux, les stratégies qu’un individu peut mettre en place pour éviter l’intrusion de pensées anxieuses seraient consommatrices des ressources de la MT qui ne pourraient alors plus être utilisées pour la réalisation de la tâche.

Ainsi, l’anxiété éprouvée par notre patiente en situation de test peut faire partie des facteurs ayant influencé ses performances.

c) La notion de style cognitif

Mme L., comme nous avons pu l’observer au cours de nos séances, privilégie le traitement de l’information sous forme de représentations visuelles plutôt que phonologiques. Il est établi que nos gestes mentaux s’organisent, suivant des styles personnels propres à chacun : en procédures tantôt visuelles, tantôt auditives voire kinesthésiques concernant les stratégies de

123 traitement de l’information (in Dumont, 2008). La théorie de la gestion mentale, élaborée par A. De La Garanderie, s’intéresse aux habitudes mentales de chacun qui témoignent ainsi d’un mode préférentiel de fonctionnement : de cette façon se distinguent profils visuels (favorisant l’évocation de représentations visuelles faites d’éléments semblables à ceux que l’on voit) et profils auditifs (préférant l’évocation de représentations auditives constituées d’éléments semblables à ceux que l’on entend).

Le mode de fonctionnement de notre patiente pouvant ainsi surprendre pourrait trouver explication dans cette théorie. A Mme L. correspondrait alors un profil visuel, axé sur le traitement de l’information sous cette même forme. Néanmoins, comme nous l’avons déjà évoqué, des études (entre autres celles de Gade en 1994 ou Bellezza en 1981 in Meulemans et coll., 2003) ont montré des limites à la stratégie d’imagerie qui est souvent coûteuse en temps et en énergie et peu applicable en situation écologique, comme au cours d’une discussion. Nous avions déjà choisi, lors de l’élaboration de notre protocole de réentraînement, d’éviter de mettre en place cette stratégie proposée dans l’approche de réorganisation/facilitation de Coyette (2002 in Meulemans et coll., 2003). Cependant, inscrite dans le mode de fonctionnement de notre patiente, il nous était donc difficile de faire en sorte que Mme L. s’appuie sur ses représentations phonologiques plutôt que visuelles.

d) Ses faiblesses surprenantes en rappel de récit

Aussi, nous avons été fortement étonnés des faibles performances de notre patiente en rappel de récit. En effet, ces scores la situent entre -2.08 et -1.32 écarts-types tous bilans confondus, si l’on se fie à la norme de son âge. Or, nous savons aussi que, malheureusement, le rappel de texte « joue un rôle de marqueur cognitif précoce de l’atteinte démentielle » (Gely-Nargeot et coll. in Lambert et coll., 1997). En effet, ce même auteur précise que les processus impliqués dans la restitution de textes sont ceux qui sont les plus vulnérables à l’âge et à l’atteinte démentielle.

De plus, une autre étude menée cette fois par Pouchain et coll. entre 2004 et 2007, aussi appelée étude AcouDem, a révélé que les sujets âgés atteints d’hypoacousie avaient 2,48% de risques de plus d’être déments (in Normand 2008).

De cette manière, il est aussi possible que le profil cognitif surprenant de notre patiente trouve une explication dans cette hypothèse.

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e) Effectif réduit

Cette étude de cas unique nous a permis d’approfondir l’analyse des résultats de notre patiente. En revanche, à cette échelle, nous sommes aussi limités dans nos interprétations. Ainsi, nous ne pouvons nous permettre de faire de nos hypothèses des généralités.

III. Intérêts de notre étude

Bien que notre recherche ne nous ait pas permis de prouver nos hypothèses, cette étude de cas unique nous a permis de tirer profit de nos observations cliniques ainsi que de pousser nos évaluations et nos analyses. De cette façon, nous avons pu aboutir à des conclusions que nous trouvions intéressant de partager.

A.

La prise en considération des différents

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