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Chapitre 4: Discussion

4.3. Les solutions identifiées par les patients pour parvenir à déprescrire

4.3.1. Le patient

Impliquer le patient dans la déprescription, le responsabiliser

Un patient qui connait mal son traitement et sa finalité, peut difficilement imaginer par lui-même ou comprendre comment le médecin pourrait diminuer ses médicaments. Il faut l’aider à s’intégrer et à s’investir dans sa prise en charge thérapeutique, dont médicamenteuse. L’éducation thérapeutique, qui permet au patient d’acquérir une bonne connaissance et une bonne compréhension de sa maladie, améliore sa compliance, favorise son autonomie et son bien-être.

Un patient doit savoir combien de médicaments il prend au quotidien, quels médicaments et pourquoi il les prend. Cela lui permet de garder un regard critique sur son traitement et sur sa (ses) pathologie(s). Il faut lui dire et lui répéter quels médicaments il prend et pourquoi. Le médecin peut par exemple, écrire sur l’ordonnance, en face de chaque médicament, la raison de la prescription. Ainsi, le patient sait à quelle maladie correspond chaque médicament.

L’information du patient est certes le rôle du MT mais aussi celui du pharmacien et de tous les professionnels de santé (infirmières, spécialistes, hospitaliers…).

Il faut sensibiliser les jeunes et les personnes âgées. L’important est de faire comprendre à tous que la prescription chronique est évitable ou du moins modifiable. Toute modification d’ordonnance doit être expliquée au patient et comprise par lui. Le médecin doit s’en assurer.

Il faut mettre les patients à contribution physique, psychologique et financière. Il faut intégrer le patient dans la démarche de déprescription, dans une relation de confiance réciproque, en le responsabilisant, en le faisant participer activement tout en l’accompagnant dans son effort de volonté et dans sa volonté d’efforts.

90 « Oui, il faut que les patients soient responsables d'eux-mêmes. » (Patient n°2)

« Il faudrait que le patient soit sage. Moi par exemple je devrais faire un régime et je suis sure alors que je n'aurai plus de médicaments, du moins pour le diabète.» (Patient n°12)

« La déprescription c’est une très bonne chose, si ça accompagne un effort que peut et veut faire le patient pour atténuer ou combattre ses problèmes, ça montre les progrès personnels qu’on fait. Le médecin fait son travail, mais le patient est aussi responsable de sa santé.» (Patient n°15)

Le regard critique du patient sur son traitement, qui peut jouer en faveur d’une déprescription, doit être développé. Le patient n’a pas nécessairement besoin de connaissances médicales pour cela. Il doit avoir des informations sur les bénéfices et les risques de chaque médicament et on doit surtout lui faire comprendre qu’il est aussi maître de sa prise en charge, qu’il en est le premier évaluateur clinique, qu’il peut et doit se permettre des critiques sur son traitement mais également sur son médecin prescripteur.

« Il faut résister à la tentation d’être pétrifié par les paroles de son médecin qui seraient en or.» (Patient n°25)

Les patients âgés ont du mal à faire la distinction entre les symptômes liés au vieillissement et ceux liés aux effets secondaires des médicaments. Il faut leur donner la capacité de pouvoir faire cette différenciation.

Le patient doit être actif dans la démarche de déprescription et y participer pour qu’elle réussisse. Les efforts qui lui sont demandés doivent être adaptés à ses capacités, accompagnés et soutenus par le ou les médecins qui le suivent. Avant de commencer toute démarche, il doit lui-même être convaincu que la déprescription lui sera bénéfique et non l’inverse. La relation médecin-malade permet d’élaborer une négociation, un contrat de prise en charge des pathologies et des objectifs thérapeutiques, dont le patient est partie prenante. La déprescription passe aussi par cette négociation.

Education et prévention des patients

L’éducation des patients et la prévention ont toute leur place dans la limitation de la prescription chronique. Dans ce sens, elles retardent son instauration. Il ne faut pas oublier que c’est avant tout un médicament qui est prescrit et non une durée, voire une chronicité. Il faut toujours laisser au patient, une porte ouverte sur la possibilité que son traitement pourra être modifié, retiré, déprescrit.

91 L’essentiel est d’éduquer les patients sur leurs médicaments et les risques des polyprescriptions, sur leurs maladies et leurs prescriptions. Ainsi ils pourront mieux comprendre et s’investir dans leur traitement. Il faut qu’ils apprennent à critiquer leurs prescriptions afin d’initier eux-mêmes l’idée de déprescrire. Il faut leur faire comprendre que la déprescription est possible même dans les maladies graves, qui peuvent guérir, évoluer et que déprescrire est également possible, même quand on est dépendant à un traitement.

« Evidemment, les patients n’ont aucune compétence ils peuvent s’étonner d’en avoir beaucoup et se poser la question mais le médecin est responsable de tout ça. » (Patient n°26)

«Le médicament, si j’en n’ai pas besoin je ne le prends pas, je veux savoir pourquoi j’en ai besoin et qu’est-ce que je crains si je ne le prends pas.» (Patient n°5)

« Déprescrire oui mais en accord avec le patient, et le justifier. Il ne faut pas seulement arrêter pour arrêter. » (Patient n°6)

Il faut leur expliquer les tenants et aboutissants de la prescription, tout comme ceux de la déprescription, bien définir le terme déprescrire pour ne par les effrayer, et leur faire comprendre que les médecins continueront à prescrire !

Il faut leur expliquer les avantages de la déprescription et les moyens d’y arriver tout en restant franc sur les risques et les inconvénients de la démarche, mais sans les inquiéter. Rassurer les patients exige du temps, surtout lorsqu’il s’agit de les rassurer autrement que par des médicaments. Prescrire et renouveler les ordonnances est plus rapide que de parler et d’expliquer.

« Au début ça n'a rien changé, mais à un moment, mes pieds ont regonflé et j'étais sure que c'était parce que j'avais arrêté le médicament mais en fait non et mon médecin m'a expliqué que ça n'avait rien à voir et c'est passé tout seul… Heureusement qu’il a pris le temps de m’expliquer et de me convaincre. » (Patient n°12)

La déprescription est une démarche pédagogique. On constate que la population de cette étude, qui est constituée de plus de 50% de cadres (Table 2), montre néanmoins des ambivalences du type : "Mon ordonnance est idéale mais j'aimerais bien diminuer mes médicaments", ainsi qu’un "mysticisme" important dans la relation au MT et au médicament. Si la nécessité de pédagogie semble évidente pour cette population (de cadres indéniablement éduqués), qu’en sera-t-il alors pour la population globale, où la catégorie socio-professionnelle la plus représentée n’est pas celle des cadres ?

92 Les patients sont rassurés de prendre leurs médicaments. Ils les protègent de la maladie et de la mort. Il faut parvenir à rassurer les patients avec d’autres moyens que le traitement médicamenteux. Il ne faut pas leur laisser croire que le médicament est le remède miracle, vainqueur ultime de tous les maux, ni leur imposer un traitement comme un devoir, une obligation ou une punition.

« Les gens d’aujourd’hui demandent beaucoup de médicaments ! Ils pensent que ça va leur éviter de mourir !!! » (Patient n°5)

Rassurer c’est diminuer l’angoisse. Cela demande du temps. La formation du médecin en psychologie est alors indispensable.

En outre, il faut laisser au patient la possibilité d’envisager lui-même, d’autres alternatives à son traitement médicamenteux.

Les commentaires de patients font apparaître la notion de fixité, d’immuabilité de l’ordonnance. La déprescription semble être pour eux synonyme de retrait définitif d’un produit qui leur permet de vivre, de vivre plus longtemps, de vivre plus confortablement.

L’arrêt éventuel de prise génère chez certains, l’angoisse du retour de souffrances physiques ou psychologiques anciennes.

Tout ce qui est définitif fait peur. Il faut faire comprendre aux patients que ni la prescription, ni la déprescription ne sont définitives. Le médecin prescrit un médicament, il peut le déprescrire, il peut le re-prescrire, et le médicament gardera la même efficacité. Tout dépend de la balance bénéfice/risque et du véritable intérêt du patient.

« On a essayé d’arrêter le Prozac® car j’allais mieux, j’étais toute contente au début, c’était à ma demande, mon MT était d’accord, alors on a essayé. C’était pas terrible après l’arrêt, j’étais de nouveau mal, alors on l’a repris. Je n’ai pas peur d’essayer d’arrêter si c’est sous contrôle médical uniquement. Quand il y a un échange vrai et de la confiance réciproque il n’y a pas de problème. » (Patient n°13)