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III. Les traces de l’état de santé sur le squelette : des informations paléonutritionnelles

2. De multiples marqueurs osseux et dentaires

2.2. Pathologies métaboliques

2.2.1. Les types non spécifiques

La carence en fer (anémie) constitue un problème récurrent des populations humaines. Outre un déficit dans la production des globules rouges, elle s’accompagne de nombreux dysfonctionnements de l’organisme en affectant la synthèse d’ADN et de certaines enzymes, la production des lymphocytes, le fonctionnement du système nerveux, le développement cognitif des enfants, et en augmentant la prévalence des maladies infectieuses (Stuart-Macadam, 1991 ; Goodman et Martin, 2002). Elle est surtout présente chez les enfants, les adolescents et les femmes enceintes. Elle peut être d’origine génétique (thalassémie, drépanocytose) ou acquise dans la majorité des cas, par la malnutrition, mais aussi en raison d’hémorragies (menstruations, accouchement, blessures), de maladies chroniques (parasites, cancer, rachitisme), de diarrhée ou d’intoxication au plomb (Stuart- Macadam, 1991 ; Larsen, 1997 ; Goodman et Martin, 2002 ; Roberts et Manchester, 2005). La viande rouge constitue la meilleure source de fer pour les groupes humains. Les céréales fournissent également du fer, mais son absorption par le système digestif est plus difficile que celle du fer provenant des ressources animales. De plus, les phytates contenus dans les légumes, les noix et les céréales ont tendance à diminuer l’absorption du fer par les intestins, alors que la vitamine C, l’acide citrique et l’acide ascorbique ont tendance à l’augmenter (Larsen, 1997 ; Roberts et Manchester, 2005).

La carence en fer stimule l’organisme afin qu’il produise une plus grande quantité de globules rouges, causant ainsi une hypertrophie de la moelle osseuse des os crâniens.

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Celle-ci se manifeste par l’amincissement ou la destruction de la table externe des os crâniens (frontal, pariétaux, occipital et orbites) et l’expansion du diploé (couche interne), impliquant souvent un épaississement de ces os. Ces lésions sont caractérisées par la présence d’une porosité plus ou moins en relief, apparaissent généralement de manière symétrique, en premier sur les orbites (cribra orbitalia), puis sur les os de la voûte crânienne (hyperostose porotique, figure 4) (Stuart-Macadam, 1991 ; Larsen, 1997 ; Roberts et Manchester, 2005). Récemment, des auteurs se sont penchés sur l’étiologie de ces lésions et ont conclu qu’elles peuvent également apparaître dans des cas de problèmes nutritionnels autres que la carence en fer, soit le scorbut et les carences en vitamines B12, B6 et acide folique (Walker et al., 2009).

Figure 4. Cribra orbitalia de degré 3 (à gauche) et hyperostose porotique de degré 3 sur la face

postérieure des pariétaux (à droite) sur un enfant de 3 à 4 ans de la population de Saint-Matthew (spécimen 8F1.6). Photos F. Morland.

2.2.2. Les types spécifiques

La carence en vitamine C, ou scorbut, semble être une pathologie relativement récente chez les groupes humains puisqu’on ne l’observe qu’à partir de l’adoption de l’agriculture. En effet, la cuisson quasi systématique et le stockage des aliments contribuent à la perte de cet élément essentiel (Roberts et Manchester, 2005 ; Brickley et Ives, 2008). La vitamine C est nécessaire à l’organisme pour la synthèse du collagène et le combat contre les infections. Elle est présente en grandes quantités dans les fruits et légumes frais, ainsi que dans les poissons marins. Les symptômes de la carence peuvent apparaître entre un et trois mois sans apport de vitamine C, et se manifestent surtout l’hiver (janvier et février) à des latitudes relativement élevées, au Canada et dans le nord des États-Unis notamment. Ils sont caractérisés par un affaiblissement généralisé des tissus de l’organisme,

entrainant de nombreux saignements, un retard dans la cicatrisation des blessures et dans la formation de l’os chez les enfants, des douleurs et des faiblesses des membres et des déficiences dans la production du sang et dans le métabolisme du fer (anémie) (Ortner et

al., 2001 ; Roberts et Manchester, 2005 ; Brickley et Ives, 2006, 2008).

Les enfants non sevrés sont rarement atteints de scorbut étant donné la forte concentration de vitamine C dans le lait maternel, à moins que la mère ne soit déjà dans un état de carence. Par contre, une fois le processus de sevrage entamé, si la nourriture utilisée pour compléter l’alimentation n’est pas équilibrée et pauvre en éléments nutritionnels (ex. gruau, eau ou lait mélangé au pain, Katzenberg et Pfeiffer, 1995), la maladie peut se déclencher. En effet, lorsque le scorbut se manifeste au sein des populations, il est fréquent chez les enfants entre 5 et 24 mois, avec un pic entre 8 et 11 mois, période où des aliments solides sont déjà introduits dans l’alimentation (Brickley et Ives, 2006, 2008).

Au niveau ostéologique, le scorbut peut être diagnostiqué par la présence de diverses lésions associées aux hémorragies, telles que : 1- des porosités sur le maxillaire, la partie antérolatérale du palais, le processus coronoïde de la mandibule à l’insertion du muscle temporal, la surface ectocrânienne des pariétaux et de l’occipital, l’os sphénoïde, les zones infra- et supra-spinale de la scapula ; 2- l’apparition de cribra orbitalia et 3- la résorption alvéolaire (Ortner et Ericksen, 1997 ; Ortner et al., 2001 ; Roberts et Manchester, 2005 ; Brickley et Ives, 2006, 2008 ; Mays, 2008).

Comme le scorbut, la carence en vitamine D est un phénomène assez récent qui découle d’un changement dans le mode de vie des populations humaines (urbanisation et industrialisation). La vitamine D est synthétisée par l’organisme en majorité par l’exposition aux rayons ultraviolets du soleil, puis par un apport alimentaire avec notamment la consommation de poissons de mer ou d’huiles de poisson (Larsen, 1997 ; Roberts et Manchester, 2005). Au Canada et dans le nord des États-Unis, l’apport en rayons ultra-violets par le soleil est très insuffisant l’hiver en milieu urbain, sans compter les multiples vêtements qui empêchent la peau d’être exposée directement. Un supplément alimentaire est alors nécessaire. La carence en vitamine D affecte surtout les jeunes enfants entre 3 et 18 mois qui sortent rarement des habitations (Brickley et Ives, 2008).

La vitamine D est essentielle au bon fonctionnement de l’organisme, surtout pour le métabolisme du calcium, les réactions immunitaires, la croissance des cellules et le

maintien de la santé cardiovasculaire (Mays et al., 2006 ; Brickley et Ives, 2008). Dans les cas avancés, la carence en vitamine D se manifeste par le rachitisme chez les enfants, et par l’ostéomalacie une fois la croissance terminée. Elle se caractérise par un ramollissement des os et leur déformation sous la pression exercée par les muscles lors du mouvement (malabsorption du calcium). On observe également, sur les enfants en croissance, un élargissement et une porosité accrue des métaphyses des os longs et des extrémités sternales des côtes, un épaississement des os longs avec ajout d’os spongieux dans la zone concave des os déformés, une concavité anormale de l’ilium et une porosité des os de la voûte crânienne (Ortner et Mays, 1998 ; Roberts et Manchester, 2005 ; Mays et al., 2006 ; Brickley et Ives, 2008).

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