re-bord, nous nous asseyons, et dans le
poudroie-ment
du soleil de juillet le général, levant vers les points de l'horizon sa canne d'ordonnance, nous fait le récit de la bataille.Dès
octobre 1916, les Canadiens avaientcom-mencé
de courtes attaques contre lemont
célè-bre, que détenaient les Allemands ; en décembre, les attaques devenaient plus fréquentes, mais encore isolées.Enfin, enfévrier 1917,ordre futdonné defaire le siège continu de la crête : et l'artillerie
com-mença
un feu nourri sur les tranchées alleman-des.Ce
qui importe surtout, nous dit le général, c'est l'intelligence des positions de l'ennemi.Nos
aviateurs surplanaientVimy
sans relâche ; et au milieu des périls sans nombre, ils prenaient des photographies du lieu, que le microscope nous permettait ensuite dereconstituer dans ses moindres détails.Ou
nous faisions des raids et nous ramenions des prisonniers dont la contre-question arrachait des aveux confirmateurs.Enfin, en possession de tous les renseigne-ments, l'heure de l'attaque finale sonna le 9 avril 1917.
A
cinq heures et demie du matin, derrièreun
feu de barrage nourri et quinet-—
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toyait à
mesure
les tranchées allemandes,—
feu d'artillerie de tous les points
du
territoire d'attaque,—
leshommes
montèrent à l'assaut du parapet, confiants et chantant déjà la victoi-re : tout était si bien prévu qu'à deux heures de l'après-midi, l'artillerie fermait le feu et les sol-dats canadiens avaient reprisVimy.
L'attaque coûta, en avril, six mille
hommes,
dont deux mille tués ; mais ce fut l'une des plus rapides de toute la guerre, si la préparation en avait été lente et ardue.Et
depuis,Vimy,
glorieusement protégée parles Canadiens, est restée
aux
mains des nôtres, malgré les plus vives contre-attaques des Alle-mands.Ce
récit reste empreint de sécheresse sous laplume impuissante et tardive. Mais sous le clair soleil de
Vimy
reconquise, il avait une puissance chaleureuse, pour nous tous inoubliable.Et
c'est l'âme pleine d'un sentiment de fierté col-lective, que nous redescendons la colline histo-rique.
* *
Le
lendemain, par petits groupes, on nousmène aux
tranchées de première ligne.Nous
passons à Arras, la ville détruite, mais quimon-tre encore à l'alignement de ses chaussées éven-trées les nobles ruines de sa cathédrale, de ses portes, de ses façades meurtries.
Comme
cela est plus triste queVimy,
parce qu'ici des murs, de pieux restes, disent tout ce que fut cette vieille et belle ville, et qu'il suffit d'un regard pour évoquer dans le récent passéle spectacle riant d'avant la guerre. Les ruines sont plus terribles, plus tristes, que la destruc-tion totale !
Et
plus encore qu'aux morts g!o-rieux de la guerre, je penseaux
pitoyables bles-sés,aux
aveugles,aux
éclopés lamentables, qui dansdix ans, dans vingtans, nous rediront toutela misère de la guerre qui blesse et qui
déman-tèle, plus qu'elle ne tue et n'anéantit.
—
Vimy
estun
souvenir glorieux : Arras est une désolation muette.Nous
quittons la ville pourlaplaine : nous en-tendons déjà gronder le canon et nous évitonsles routes, très surveillées, pour nous glisser derrière les pentes et les coteaux.
Voici enfin les tranchées d'arrière : nous nous engageons dans l'étroit couloir et pendant des heures nous suivons l'interminable défilé, où toute une vie sourde et continue se manifeste
aux
seules ouvertures du sol ouaux
patrouilles qu'ony
croise parfois.Nos
touchonsaux
premières lignes et on nousfait entrer
un
àun
dansun
poste d'observation.Une
des batteries d'arrière tire sur l'ennemi :l'officiernouspousse la lunette,oscillant sur une base graduée.
Un
poinçon d'aciery
désigneun
point précis de la tranchée boche.Une
sonnerie detéléphone, un ordre bref; puis c'estune sourde détonation, et dans lechamp
restreint de la lu-nette, unefumée
blanche indique que le projec-tile a atteint son but. Cette froideurmathéma-tique qui dirige à des milles de distance
un
feu qui a peut-êtresemé
lamort
a quelque chose de caractéristique qui définit bien la guerremo-derne, dans toute sa science et son calcul
meur-triers : et ce n'est là qu'un incident, sans impor-tance, une démonstration pour visiteurs.
Mais voici qu'un long sifflement rauque se fait entendre, puis une brusque détonation,
un
crépitement quinous entoure. C'estla réplique:il faut détaler, car le boche la trouve mauvaise, et il tire dans notre direction.
Notre guide nous entraîne par les couloirs de communication : nos casques nous protègent contre les éclats qui pourraient venir jusqu'à nous.
Et
ce n'est d'ailleurs qu'une alerte : car après quelques coups qui s'éloignent, la ville des tranchées reprend son silence et son immobilité.Seuls nous cheminons
comme
dans des cata-combes ouvertes : quelques rares soldatsattar-—
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dés. . .
Nous
voici de nouveau à la plaine, à la route, au camp.Et
tout (a passécomme
un rêve.Nous
comprenonsmal
ce que nous avons vu :est-ce bien là ces tranchées terribles, si
meur-trières ?
Hélas ! sur le point
même
que nous avons vi-sité, enun
jour choisi de tranquillité, l'ennemi feradans quelques jours sans doute une attaque furieuse.Nos
silencieux couloirs seront pleins de bruits et de clameurs, et la poussière grise rougira de sang.Et
qu'uncommuniqué
nous apporte alors la nouvelle qu'à X..., ily
a euun
raid meurtrier, nous reverrons toute cette scène avec stupeur :et nous nous
demanderons
si les braves soldats auxquels nous avons serré la main, et qui devi-saient gaîment avec nous, et qui nous disaient àla rencontre :
"Vous
voyez, ce n'est pas si terri-ble !", ne sont pas aujourd'hui parmi les blessés ou les morts !—
VIII. — La citadelle de Verdun
Trois jours dans la citadelle de