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Chapitre 1 - Contribution à l’épidémiologie descriptive des

orthohantavirus des rongeurs en France, cas de l’Alsace,

zone de faible endémie.

La surveillance des cas humains d'infection par PUUV par le CNR et son réseau de laboratoires partenaires a mis en évidence une hétérogénéité dans la distribution des cas au sein de la zone d’endémie située dans le quart Nord-Est de la France (Augot et al., 2006). Les campagnols roussâtres (Myodes glareolus), qui sont le réservoir du virus, sont pourtant communs sur toute cette zone. Cette dissymétrie entre la répartition spatiale des cas humains de NE et celle du réservoir hôte suggère que la présence de populations de campagnols infectés seule ne suffit pas à expliquer cette distribution.

De nombreuses études se sont intéressées à l’épidémiologie de l’infection à PUUV chez les rongeurs et aux facteurs de risques humains dans les Ardennes et le Jura où l’incidence humaine est particulièrement élevée (Augot et al., 2008 ; Dubois et al., 2018). Par contre, peu d’études ont investigué l’épidémiologie de ce virus au sein du réservoir dans les zones d’endémie où les cas humains sont peu nombreux. Le premier volet de cette thèse a visé à explorer l’épidémiologie de l’infection des campagnols par PUUV en Alsace, région de faible endémie d’infections humaines et a été décliné en trois objectifs.

Le premier objectif était d’évaluer si le faible nombre de cas humains dans cette zone était lié à une plus faible prévalence de l’infection par PUUV dans les populations de rongeurs. Pour répondre à cette question, nous avons conduit une étude longitudinale de données de séroprévalence au sein d’une population de rongeurs suivi par capture-marquage-recapture pendant 6 années.

Dans un second temps, afin de mieux comprendre les mécanismes conduisant à la séroprévalence mise en évidence dans ce suivi longitudinal, le deuxième objectif a été d’étudier les modalités de transmission entre rongeurs grâce une analyse spatiale des mouvements des rongeurs.

Enfin, la sensibilité des rongeurs à l’infection peut varier en fonction du variant du PUUV (Guivier et al. 2010b). De même, la génétique du virus influence la sensibilité de l’Homme et l’expression clinique de l’infection (Plyusnina et al., 2012). Le 3ème objectif était donc de voir si la génétique virale pouvait expliquer les valeurs de séroprévalence mise en évidence chez les rongeurs et le faible nombre de cas de NE dans cette région. Cet objectif a été mis en œuvre par une analyse phylogénétique des séquences virales du segment S amplifiées à partir des sérums des rongeurs séropositifs de notre site d’étude et des séquences de PUUV de l’ensemble des régions voisines de l’Alsace. L’Alsace est en effet, une région située entre le Jura au Sud et les Ardennes à l’Ouest, zones de forte endémie de cas humains (Heymann et al., 2012 ; Sauvage et al., 2002). Au Nord dans la région du Palatinat en Allemagne, la situation est assez comparable à l’Alsace avec un faible nombre de cas humains. A l’est, de l’autre côté du Rhin, le Baden-Württemberg présente une répartition spatiale hétérogène des cas de NE (Ulrich et al., 2008 ; Reil et al., 2015). Cette situation de carrefour géographique fait de l’Alsace le lieu privilégié pour cette étude phylogénétique.

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Afin de répondre à ces trois objectifs, la population de rongeurs de Murbach a été suivie par capture-marquage-recapture sur la période 2012-2017 sur un site de capture de plus de 3 hectares. Le protocole est décrit en détail dans Monchâtre-Leroy et al., 2018. Brièvement, chaque année, les captures ont été réalisées à l’aide de 196 pièges répartis de façon régulière (en grille). Le piégeage était effectué cinq fois par an (en avril, juin, juillet, septembre et octobre) au cours de 3 nuits consécutives. Pour chaque individu capturé, il y a eu identification par transpondeur, détermination de son sexe et de son espèce, pesée, prélèvement sanguin et relevé de la position du piège de capture. Le statut sérologique a été déterminé par un test ELISA spécifique de PUUV et les séquences du segment S du virus ont été obtenues par PCR nichée. Ce suivi sur 6 ans a permis de prendre en compte presque 2 cycles complets de densité de rongeurs.

La séroprévalence dans la population de campagnols au cours de 2012, 2015, 2016 et 2017 était respectivement de 3,6 % [intervalle de confiance à 95% : 1,8 ; 6,9], 4,0 % [2,2 ; 7,2], 7,1 % [1,3 ; 31,5] et 3,5 % [1,7 ; 7,1]. Il n’y a pas eu d’individu séropositif capturé en 2013 et 2014. Les rongeurs séropositifs ont été retrouvés préférentiellement les années où l’abondance de rongeurs, approximée par le nombre d’individus capturés, était plus importante. Cependant, notre étude révèle que cela n’est pas toujours le cas comme en 2016 (14 individus capturés et un individu séropositif). Ces résultats suggèrent qu’en Alsace, zone de faible endémie humaine, la séroprévalence des rongeurs est faible par rapport au zone de forte endémie humaine où des séroprévalences jusqu’à 29,7 % ont été observés certaines années (Castel et al., 2015).

L’analyse spatiale a montré que les individus séropositifs étaient regroupés autour de certains pièges et que leurs déplacements étaient peu nombreux et de faible distance en comparaison de ceux de l’autre espèce de rongeur présente sur le site, le mulot à collier (Apodemus flavicollis). Les caractéristiques de répartition spatiale et de déplacement ne semblent pas liées au statut de séropositivité des campagnols puisque la répartition spatiale hétérogène et les faibles mouvements sont aussi retrouvés chez les campagnols séronégatifs. A une toute petite échelle spatiale qui est celle des rongeurs, la contamination semble se faire de proche en proche à partir d’un individu positif. Cela se traduit par une forte hétérogénéité de la distribution spatiale des rongeurs positifs ; ainsi, dans la partie sud-est du site de capture, aucun individu séropositif n’a été capturé quelle que soit l’année. En 2016, cette contamination d’individu à individu ne s’est pas produite en raison, potentiellement, du nombre d’individus capturés très faible par rapport aux autres années rendant la probabilité de contamination faible.

La séquence du segment S du PUUV amplifiée à partir des virus isolés chez les individus positifs est très conservée quelle que soit l’année considérée. Seules trois mutations non silencieuses dans la zone codante ont été mises en évidence. L’analyse phylogénétique a révélé que les séquences alsaciennes appartenaient à la lignée « Central European » (CE). Au sein des séquences françaises, la séquence de la population de rongeurs alsaciens forme un groupe avec les séquences du Jura et de l’Aube, distinct des séquences ardennaises d’une part et des séquences du Loiret d’autre part. Aucune proximité phylogénétique n’a été retrouvée avec les séquences du Baden-Württemberg, ce qui confirme le rôle de barrière infranchissable du Rhin pour les rongeurs. L’absence de séquence de PUUV issue de la région du Palatinat, en continuité avec l’Alsace, a rendu impossible l’étude du lien phylogénétique potentiel des virus de ces deux régions. L’analyse phylogénétique n’a pas révélé de distinction entre les séquences issues de régions de faible endémicité et de celles issues de régions de forte endémicité.

38 Publication 1 :

Les résultats de l’étude ont été publiés dans la revue « Zoonoses and Public Health »

Monchatre-Leroy E., Murri S., Castel G., Calavas D., Boué F., Hénaux V. and Marianneau P. First insights of PUUV circulation in a rodent population in Alsace, France. Zoonoses and public health 2018; 1-12.

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Article 1

First insights into Puumala